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La France laisse entendre qu’elle n’est pas intéressée par l’idée d’un « porte-avions européen »


La semaine passée, s’exprimant lors de la troisième conférence européenne de défense et de sécurité, Thierry Breton, le commissaire européen au Marché intérieur, a prononcé une phrase qui n’est pas passée inaperçue.

« À moyen-long terme, il sera inévitable de se poser la question d’un porte-avions européen », a-t-il en effet déclaré, reprenant ainsi une proposition qui avait été faite en 2019 par Annegret Kramp-Karrenbauer, alors ministre allemande de la Défense.

À l’époque, et au-délà des défis industriels, technologiques et militaires, cette idée avait été écartée par le gouvernement français. « Construire un porte-avions à plusieurs est une chose, le mettre sous un commandement européen en est une autre. Là, c’est beaucoup plus compliqué », avait-il résumé, par la voix de la ministre des Armées, Florence Parly.

Est-ce parce que le nom de Thierry Breton fait partie de ceux cités pour conduire la liste de majorité présidentielle aux prochaines élections européennes? Toujours est-il que, interrogé sur cette proposition de porte-avions européen lors d’une nouvelle audition à l’Assemblée nationale, ce 19 octobre, Sébastien Lecornu, l’actuel ministre des Armées, a fait preuve de « diplomatie ».

« Parler de porte-avions sans parler de groupe aéronaval n’a aucun sens. Ce qui est intéressant tactiquement, c’est le groupe aéronaval dans son ensemble », a commencé par dire M. Lecornu.

Cependant, il a ensuite réfuté l’idée que M. Breton était « hors sol » quand il a avancé cette proposition de « porte-avions européen ».

« Beaucoup de pays européens expriment ce besoin. […] Donc, il y a des réflexions. C’est objectivement un serpent de mer. Donc, Thierry Breton essaie aussi de satifaire des demandes de pays ayant une marine et ne pouvant évidemment pas se payer un groupe aéronaval », a développé M. Lecornu.

Une précision sur ces pays européens ayant l’ambition de disposer un porte-avions aurait été bienvenue. Parmi les 27, on peut d’ores et déjà rayer de la liste les États membres n’ayant pas de façade maritime [Autriche, Hongrie, Slovaquie, République tchèque]. Quant aux autres, certains ont déjà des difficultés pour se procurer des corvettes ou des frégates… Et peu peuvent se targuer d’avoir une marine de premier rang, notamment pour des raisons géographiques [comme les pays baltes, voire la Bulgarie et la Roumanie].

Il ne resterait donc qu’une poignée de pays européens susceptibles de vouloir un porte-avions européens… sachant que l’Italie dispose déjà de porte-aéronefs [Cavour et Trieste], de même que l’Espagne [Juan Carlos Ier]. Aussi, on peut supposer que l’Allemagne, les Pays-Bas [qui ont abandonné leurs capacités aéronavales en 1968], voire la Belgique et le Danemark [qui a une forte tradition maritime] seraient sans doute séduits par la proposition de M. Breton.

En tout cas, celle-ci n’intéresse pas la France. Du moins, c’est ce que M. Lecornu a laissé entendre. « Cette déclation [de M. Breton] n’a aucune incidence sur ce que nous avons lancé, c’est à dire l’entretien du Charles de Gaulle, la modernisation et la soutenabilité de la flotte d’avions embarqués, les travaux du PA NG [porte-avions de nouvelle génération] dont la Loi de programmation militaire consacre son caractère irréversible », a-t-il expliqué.

« Le porte-avions est un instrument de souveraineté absolue », ce qui n’exclut pas sa participation à des missions multinationales ainsi que la présence de navires européens au sein de son groupe aéronaval, a poursuivi le ministre.

« Si on regarde objectivement les choses, en Méditerranée, vous avez un groupe aéronaval américain et vous avez le groupe aéronaval du Charles de Gaulle. Et au fond, ce sont quand même les deux groupes aéronavals qui structurent la sécurité », a-t-il fait valoir. Aussi, « il n’y a pas de sujet sur ce point », d’autant que le porte-avions participe aussi à la dissuasion [via la Force aéronavale nucléaire, FANu], a conclu le ministre.

La veille, également interrogé sur cette proposition de porte-avions européen lors d’une audition à l’Assemblée nationale, le Délégué général pour l’armement, Emmanuel Chiva, a été plus « expéditif » dans sa réponse, en se plaçant du seul point de vue opérationnel [son « couloir de nage », a-t-il dit].

« Je ne vais pas m’exprimer à la place de ceux qui définissent la stratégie politique et les besoins opérationnels. Ce n’est pas à la DGA [Direction générale de l’armement] de le faire. Néanmoins, il faudrait d’abord avoir un besoin commun qui soit exprimé pour un tel outil. Et je rappelle que la France est un pays un peu particulier dans la mesure où elle est une puissance dotée [de l’arme nucléaire, ndlr]. Et donc elle a besoin de capacités de dissuasion qui ne seraient pas forcément les mêmes à l’échelon européen. Nous, on pousse à l’interopérabilité entre les différents systèmes plutôt que s’interroger [sur cette idée de porte-avions européen, ndlr] », a résumé M. Chiva.





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