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Cameroun : L’assassinat d’Alice, épouse du terrible Jean Fochivé

« Ils ont tué mon Alice, ils l’ont tuée ! ils l’ont tuée !» sanglotait le terrible Jean Fochivé en mondovision ce soir de 1997.

Les téléspectateurs de la télévision nationale assistaient médusés à une scène inimaginable. Le sinistre Jean Fochivé, l’homme au regard torve, l’homme qui a torturé et assassiné plusieurs camerounais, le chef des services secrets camerounais qui ne laissait jamais transparaitre la moindre émotion était en train d’éclater en sanglot à la télévision nationale à l’occasion d’une émission qui lui rendait hommage.

Fochivé a été profondément marqué par la mort d’Alice, sa troisième épouse, sa préférée, celle-là qui l’a fortement soutenu pendant sa traversée du désert. En effet, après la tentative manquée du coup d’Etat d’Avril 1984, Jean Fochivé est révoqué et tous ses biens furent saisis. Il s’ensuivit alors une longue traversée du désert. Fochivé fauché, se mit à l’agriculture pour survivre. C’est à ce moment que tous ses amis l’abandonnèrent.

C’est aussi à cette époque qu’Alice, sa troisième épouse prit une place très importante dans sa vie car elle l’assistait dans toutes ses entreprises. Son amour pour Alice se décupla durant les années qui suivaient. 5 années plus tard (1989), le chef de l’Etat fait appel à lui et le nomme à la tête du CENER.

En 1991, Fochivé est nommé Délégué Général à la Sûreté Nationale, ensuite, Secrétaire d’Etat à la sécurité intérieure ; poste qu’il cumulera pendant 2 ans avec celui de Directeur général du CENER (actuelle DGRE). Le 1er mars 1996, Fochivé est démis de ses fonctions et humilié. Il s’installe alors chez Alice au quartier Bastos pour y trouver du réconfort et espère secrètement être de nouveau rappelé aux affaires.

Quelques temps plus tard il perdit son épouse dans des conditions troubles (un accident de circulation).

Fochivé en fut profondément bouleversé a tel point qu’on le vit à la surprise générale, pleurer son épouse lors d’une émission qui lui rendait hommage quelques temps avant sa mort.

Deux jours après les funérailles de son épouse à Foumban, Jean Fochivé reçut la visite de Victor Ayissi Mvodo, cadre du parti au pouvoir qui venait de défier Paul Biya en annonçant sa candidature à l’élection présidentielle de 1997. Victor Ayissi Mvodo ex-ministre et ponte des régimes Ahidjo et Biya, était venu demander à Fochivé de se désolidariser de Biya et de soutenir sa candidature.

Voici la conversation entre les deux hommes au sujet de la mort d’Alice telle que relatée dans le livre : « Les révélations de Jean Fochivé » de Frédéric Fenkam.

« – Victor Ayissi Mvodo : Tu sais bien de qui je parle ; tu n’as pas dirigé la police secrète pendant des décennies pour prétendre ignorer qu’auprès de chaque chef d’Etat, des hommes comme toi ont toujours des ennemis. Ne me dis pas que tu ignores l’existence de ce groupe occulte et tribal qui dirige effectivement ce pays.

Ce groupe qui commandite les assassinats et fait le vide autour de Biya. J’espère que tu sais au moins de quoi est morte Jeanne Irène ? Pourquoi elle a entraîné dans sa mort les deux soeurs et le prêtre Yves Plumet du clergé, et pourquoi le jeune Motazé a suivi quelque temps après ? Jean, tu dois savoir tout cela, même si tu n’y as pas été mêlé.

– Jean Fochivé : J’espère que tu n’es pas en train de divaguer, Victor. Le chef de l’Etat est-il au courant de tout ce que tu racontes-là?

– Victor Ayissi Mvodo : Il s’en doute mais il est physiquement incapable de réagir. Il sait même pourquoi ton épouse a été assassinée. J’espère que tu sais que Alice a été assassinée ?

– Jean Fochivé : Je sais qu’elle a été assassinée, mais pas pourquoi, Alice était mêlée à mille et une choses. Depuis qu’elle s’était liée à Chantal Biya et sa mère, elle ne se prenait plus pour simple épouse d’un ministre, et nous n’arrêtions plus de nous disputer.

Un jour elle m’avait lancé que si elle le voulait, elle deviendrait ministre.

– Victor Ayissi Mvodo : Et elle était allée vivre pendant quelques jours à l’hôtel Hilton. Quand elle revint à la maison, parce que votre fille venait de terminer ses études, elle t’annonça qu’elle allait en France célébrer avec elle, l’obtention de son diplôme.

Ton épouse s’y rendit avec plusieurs membres de sa famille. Est-ce toi qui déboursa tout cet argent?

– Jean Fochivé : Non, mais Alice avait beaucoup d’affaires qui lui rapportaient pas mal d’argent.

– Victor Ayissi Mvodo : C’est Paul Biya qui, sous la pression de sa belle-mère envoya ton épouse en France auprès de Chantal qui y était allée accoucher. Il y avait eu une coïncidence avec l’évacuation sanitaire de feue Mme Ava Ava qui était tombée dans un coma diabétique.

Ton épouse prétendit qu’elle simulait cette maladie pour aller éliminer l’enfant de Chantal. Tu sais qu’après avoir activement participé à la guérison de la mère de Chantal qu’elle emmena quelque part dans le Noun, ta femme se faisait passer pour un as des pratiques traditionnelles et maléfiques sur qui repose tout ton pouvoir de protection. Toute innocente et naïve, elle avait un peu trop parlé.

– Jean Fochivé : La belle-mère du boss a pourtant passé trois jours avec nous ici à Foumban à l’occasion de ces funérailles. Nous avons longtemps parlé d’Alice mais elle n’a pas fait allusion à cette affaire.

– Victor Ayissi Mvodo : Qu’a-t-elle dit à propos de ta situation?

– Jean Fochivé : Elle m’a dit qu’elle allait encore en parler au chef de l’Etat, mais que sa fille ne l’aidait pas beaucoup, un peu comme si elle m’en voulait.

– Victor Ayissi Mvodo : C’est qu’elle t’en veut justement. Au palais, on a fait courir le bruit que c’est toi qui aurais assassiné Alice.

– Jean Fochivé : Moi?

– Victor Ayissi Mvodo : Oui! Tes adversaires politiques l’ont fait pour t’amputer de son soutien. Une intoxication machiavélique.

– Jean Fochivé :Qui est-ce qui peut m’en vouloir à tel point?

– Victor Ayissi Mvodo : Tu ne t’en doutes pas? Ne te rappelles-tu pas avoir empêché quelqu’un de se sucrer dans l’organisation du sommet de l’Oua?

N’as-tu jamais été au quartier Bastos rencontrer quelqu’un qui te proposa une somme d’un milliard cinq cent millions pour le soutenir auprès du président dans le bradage presque conclu de l’Intelcam? Fais vraiment attention à toi. Ils vont t’avoir. J’ai… tac »

Quelques mois après cette conversation ; Victor Ayissi Mvodo qui s’était déclaré candidat à la présidentielle de 1997 est décédé le 21 juin 1997 et Jean Fochivé le devança dans le royaume des morts le 15 avril 1997. La dernière personne que Fochivé avait rencontré avant sa mort, était un certain René Owona dit « barbe dure », conseiller spécial de Paul Biya.

C’est en sortant de la résidence de ce dernier à la vallée de la mort, que les premiers signes du malaise qui allait emporter Jean Fochivé se sont manifestés.

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