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«On veut un nouveau référendum sur le droit de vote à 16 ans»


Le Parlement des jeunes et son président, Sam Elsey, scrutent de près l’action de la nouvelle Chambre des députés et du futur gouvernement. Une des priorités est de relancer le débat pour baisser l’âge de vote facultatif de 18 à 16 ans.


Repères

État civil. Sam Elsey est né le 15 décembre 2005. L’adolescent de 17 ans est originaire de Luxembourg.

Études. Il fréquente cette année scolaire 2023/2024 une classe de 2e D au lycée Aline-Mayrisch de Luxembourg.

Parlementaire. Il a intégré le Parlement des jeunes fin 2020 et a notamment présidé la commission des Affaires étrangères.

Président. Sam Elsey se retrouve pour le mandat 2023/2024 à la tête du Parlement des jeunes.

Parlement des jeunes. Créé en 2008, le Parlement des Jeunes est une plateforme où chaque jeune âgé entre 14 et 24 ans habitant au Luxembourg ou fréquentant un établissement scolaire luxembourgeois a l’occasion de discuter et débattre avec d’autres jeunes sur des sujets qui les intéressent et qui touchent leur vie de tous les jours.

Le Parlement des jeunes fête en cette année 2023 son 15e anniversaire. Si le président en poste, Sam Elsey, estime que les responsables politiques sont bien à l’écoute de la jeune génération, il plaide pour étendre encore davantage les échanges, en misant notamment sur des débats plus musclés. Il s’agirait d’une richesse supplémentaire pour le pays, tout comme l’introduction du droit de vote à 16 ans.

Les élections législatives ont eu lieu le 8 octobre. De quelle manière le Parlement des jeunes a-t-il suivi et observé ce scrutin ?

Sam Elsey : Nous n’avons pas défendu d’intérêt concret. Je tiens à souligner que le Parlement des jeunes est neutre. Nous travaillons avec tous les bords, sans choisir de camp politique. D’un autre côté, il a été intéressant pour nous, jeunes, d’observer ces élections, même si l’on reste d’avis qu’il est triste que le vote à partir de l’âge de 16 ans ne soit toujours pas introduit. Il devrait être possible d’avoir le droit de vote, sans rendre le vote obligatoire pour les jeunes intéressés à s’exprimer. Le scrutin a néanmoins été intéressant et nous espérons désormais que la nouvelle Chambre des députés va rester tout aussi ouverte que la sortante pour l’échange et l’intégration du Parlement des jeunes.

Est-ce que les partis se sont, lors de la campagne électorale, assez consacrés à la cause des jeunes ?

Le Parlement des jeunes a eu des entrevues avec la plupart des partis avant le scrutin. Malheureusement, il n’a pas été possible de s’entretenir avec tous, notamment le CSV, où nous n’avons pas réussi à trouver de date. Nous comptons définitivement les relancer encore cette année. En fin de compte, nous avons pu échanger avec six partis sur leurs programmes respectifs, et leur présenter nos messages. Certains éléments ont été intégrés. La cause des jeunes a assez largement été entendue. Je dois néanmoins dire que beaucoup de politiciens ont dit oui à pas mal de choses. Il reste à voir s’ils vont tenir leurs engagements.

Le volet jeunesse est un peu perdu dans les 12 groupes de travail mis en place par le CSV et le DP. Il est thématisé dans le très vaste bloc « organisation du vivre-ensemble » comprenant notamment l’aménagement du territoire et la mobilité. Ne redoutez-vous pas que les futurs partenaires de coalition n’attachent que trop peu d’importance à la jeune génération ?

Cette inquiétude est toujours présente. Ce fut déjà le cas lors des dernières élections. C’est pourquoi le Parlement des jeunes a fait parvenir en cette fin de semaine une série de demandes au CSV et au DP. Nous allons en faire de même avec tous les partis d’opposition, avec la prière d’inciter le nouveau gouvernement à agir pour l’intérêt de la jeune génération.

On préfère être sermonnés à la Chambre que d’être face à des béni-oui-oui qui nous ignorent

Existe-t-il des thématiques prioritaires sur lesquelles la nouvelle majorité devrait agir ?

La priorité doit déjà être que le nouveau gouvernement et la nouvelle Chambre restent à l’écoute des jeunes. Je ne pense pas seulement au Parlement des jeunes, mais à l’ensemble des associations réunies sous le toit du Jugendrot (NDLR : Conférence générale de la jeunesse luxembourgeoise). Ces associations occupent des niches très spécifiques, qui peuvent constituer une richesse pour les responsables politiques et le pays dans son ensemble. Il est toutefois acquis que l’on va militer pour obtenir un nouveau référendum sur le droit de vote à 16 ans. Presque dix ans après le triple non de 2015 (NDLR : le référendum portait aussi sur le droit de vote des étrangers et la limitation de la durée des mandats ministériels), il est temps d’organiser un référendum sur la question spécifique du droit de vote des jeunes.

Ceux qui se disent opposés à baisser l’âge de vote de 18 à 16 ans avancent que les jeunes ne sont pas encore prêts à participer au processus politique. Sur base de vos expériences et échanges, que pouvez-vous répondre à ces cercles plus sceptiques ?

Même ceux qui ont 18 ans ne sont souvent pas prêts à aller voter. Personnellement, je pense qu’on se trouve face à un genre d’hypocrisie quant au fait de rendre le vote obligatoire alors que le cours d’éducation à la citoyenneté dans les lycées n’est souvent même pas obligatoire. Une résolution du Parlement des jeunes porte d’ailleurs sur la mise en place de meilleurs cours dans ce domaine. On est d’avis qu’il faudrait au moins ouvrir la voie aux jeunes âgés entre 16 et 18 ans qui se disent intéressés à participer au vote. Les exclure est une erreur. Et, si les plus jeunes deviennent des électeurs potentiels, les responsables politiques auront aussi un plus grand intérêt à être à l’écoute de la jeunesse.

En plus des pétitions, qui peuvent être déposées à partir de l’âge de 15 ans, la nouvelle Constitution introduit l’initiative législative citoyenne. Le Parlement des jeunes pourrait-il recourir à ces moyens pour avancer sur la question de l’âge de vote ?

Nous sommes très contents que ces deux outils existent désormais. Le Jugendrot est à la relance, tandis que le Parlement des jeunes se trouve encore dans une phase de recrutement. Mais, pour ma part, je comptais bien lancer au moins une pétition sur le droit de vote à 16 ans, si aucune initiative allant dans ce sens n’est prise par la Chambre ou le gouvernement. Cette idée reste toutefois encore à discuter au sein du bureau exécutif du Parlement des jeunes.

En juin, vous avez soumis quatre résolutions à la Chambre des députés, dont une portant sur l’orientation scolaire. S’agit-il d’une thématique qui continue à vous préoccuper ?

Un des grands acquis du Parlement des jeunes est une résolution ayant porté sur le Centre psycho-social et d’accompagnement scolaires (Cepas). Elle a contribué à améliorer le fonctionnement de ce service. Nous serions contents de pouvoir poursuivre sur cette lancée. On espère que Chambre et gouvernement nous prennent au sérieux. Le fait de travailler ensemble ne peut être que bénéfique. Les ministres et députés ont peut-être le savoir plus technique, mais nous, jeunes, on amène l’expérience du terrain. Le Parlement des jeunes a le grand avantage d’être représenté dans quasiment tous les lycées et à l’université du Luxembourg, sans oublier la Conférence nationale des élèves luxembourgeois (CNEL). Coopérer fera avancer le pays.

Un autre élément de votre résolution porte sur l’alphabétisation en français. Quels sont, à vos yeux, les avantages de ce nouveau concept pédagogique ?

L’alphabétisation en français peut définitivement rendre plus équitable le système scolaire. Au Parlement des jeunes, quasiment chaque membre peut faire part de sa propre expérience. Personnellement, j’ai eu la chance de grandir dans un ménage anglophone et luxembourgeois, et j’ai regardé les télévisions allemande et française. Je disposais donc des bases linguistiques. Mais il existe beaucoup d’autres exemples qui ne se retrouvent pas dans le régime linguistique. Il est triste de constater que nous avons peut-être un prochain Einstein dans l’école luxembourgeoise, mais qui est freiné uniquement à cause de la langue d’enseignement en physique ou chimie. Nous sommes donc clairement favorables à une adaptation de l’alphabétisation, tout en étant conscients qu’il s’agit d’un défi majeur.

«La priorité doit déjà être que le nouveau gouvernement et la nouvelle Chambre restent à l’écoute des jeunes», souligne Sam Elsey. Photos : fabrizio pizzolante

La question climatique et énergétique a aussi été discutée en juin avec les députés sortants. Cette double transition doit-elle rester une priorité politique ?

Il nous faut clairement devenir moins dépendants d’autres pays en termes de fourniture d’énergie. La crise que nous vivons depuis presque deux ans a aussi fortement touché les jeunes. En misant sur l’innovation, nous allons créer plus d’emplois, ce qui va aussi profiter aux jeunes. En même temps, cela permettrait de créer une certaine stabilité au niveau des prix. De l’autre côté, le recyclage et l’économie circulaire représentent aussi d’énormes opportunités. Si l’on voit notre degré de consommation, le recyclage de ces ressources permet de créer un tout nouveau marché, avec une nouvelle fois de nouvelles opportunités d’emploi et la création d’une nouvelle richesse pour le pays, tout en gagnant en indépendance. D’une manière plus globale, on n’a pas d’autre choix que de lutter contre le réchauffement climatique. Si rien n’est entrepris, ce seront les jeunes générations qui vont en souffrir le plus. Il est dans notre intérêt de pouvoir être intégrés à la discussion.

Le Parlement des jeunes fête son 15e anniversaire. Est-ce que vous êtes aujourd’hui assez solidement ancrés dans le microcosme politique du Luxembourg ?

Je dirais oui. Le Parlement des jeunes a connu une forte évolution lors de ces 15 années. Au départ, cela devait être un simple projet. Rapidement, il s’est avéré que plus de 600 jeunes étaient prêts à se lancer. Le manque d’infrastructures et d’organisation a malheureusement eu pour effet que l’intérêt a à nouveau baissé. Désormais, le Parlement des jeunes dispose d’une bonne structure. Il a réussi à s’émanciper et s’ancrer aussi à l’échelle européenne, où des échanges réguliers ont lieu avec d’autres Parlements des jeunes. Au niveau national, nous sommes aussi de plus en plus sollicités et invités à participer à des évènements. On a notamment pu prendre la parole lors de la conférence multidisciplinaire Mégatendances 2050. Ce fut une expérience enrichissante, parce les experts présents nous ont donné des remarques d’une grande qualité.

D’ailleurs, il existe aujourd’hui plusieurs élus qui ont un passé au Parlement des jeunes. De qui s’agit-il ?

Nous travaillons actuellement à la mise en place d’un réseau de nos anciens. À présent, la liste des anciens membres qui sont engagés dans la politique nationale et locale est très fournie. Le Parlement des jeunes demeure un trampoline. Je peux citer les députés sortants Sven Clement et Jessie Thill, mais aussi de jeunes politiciens tels que Hugo Da Costa, Iness Chakir, Amir Vesali ou Elisha Winkel. Ils disposent tous de grandes compétences qui sont sur le point d’amener du changement au Luxembourg.

Un de nos objectifs est d’être un forum bipartisan

Au vu de cette liste, est-il toujours évident de maintenir le statut neutre du Parlement des jeunes ?

On ne peut pas interdire à nos membres d’avoir une carte de parti. Par contre, il n’est pas compatible de siéger au Parlement des jeunes et se retrouver déjà dans une position de pouvoir politique. En tant que président, par exemple, je pourrais être membre d’un parti, mais je n’ai pas le droit de m’engager activement durant mon mandat. Un de nos objectifs est d’être un forum bipartisan. Vous avez souvent des jeunes qui s’engagent très tôt dans un parti. Ils se retrouvent alors un peu dans une bulle, sans entendre d’autres avis ou participer à d’autres évènements et débats. Eux-mêmes et la jeunesse dans son ensemble ont beaucoup à perdre si ces jeunes ne s’engagent qu’au sein de leur propre parti. Au Parlement des jeunes, nous regroupons des jeunes de toutes les orientations politiques. Vous êtes obligés d’apprendre à débattre et contraints de signer des compromis. Il s’agit d’une richesse pour chaque jeune.

Quels sont les défis et objectifs du Parlement des jeunes pour les années à venir ?

Il nous faut davantage assurer un meilleur suivi des thématiques auxquelles on s’est consacré. On est demandeur quant à la réception de retours plus critiques de la part des responsables politiques. On préfère être sermonnés à la Chambre que d’être face à des béni-oui-oui qui nous ignorent. Un feedback critique ouvre la voie à un apprentissage, qui fait d’ailleurs partie intégrante de notre concept pédagogique.



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