InternationalSociété

Libye : La Russie négocie l’installation d’une base navale à Tobrouk


Le temps passe et la situation politique en Libye demeure la même, avec deux gouvernements rivaux qui, faute de nouvelles élections, se prévalent de la légitimité que leurs soutiens respectifs sont prêts à leur donner.

Ainsi, la Turquie a pris fait et cause pour le gouvernement d’unité nationale [GUN] qui, dirigé par Abdelhamid Dbeiba et reconnu par les Nations unies, avait été installé à Tripoli avec le mandat d’organiser des élections présidentielle et législatives avant le fin de l’année… 2021.

Replié à Benghazi et soutenu par un Parlement qui n’a plus été renouvelé depuis 2014, le gouvernement de stabilité nationale [GSN] d’Oussama Hammad peut compter sur l’appui de l’Armée nationale libyenne [ANL] du maréchal Khalifa Haftar, proche de la Russie, de l’Égypte et des Émirats arabes unis. C’est ainsi que ses troupes reçurent le renfort du groupe paramilitaire russe Wagner quand elles tentèrent de s’emparer de Tripoli en 2019. Pour rappel, cette offensive avait été mise en échec par une intervention militaire turque.

Ayant signé avec Tripoli un accord sur ses frontières maritimes en faisant fi des revendications de l’Égype, de la Grèce et la République de Chypre, Ankara maintient son soutien militaire au GUN.

Ainsi, le 31 octobre, et pour la onzième fois de l’année, les autorités turques ont refusé l’inspection du cargo MV Kosovak par la force navale européenne Irini alors qu’il se rendait à Misrata, avec un chargement contrevenant probablement à l’embargo sur les armes imposé par les Nations unies à la Libye. Quelques semaines plus tôt, il avait été rapporté que la Turquie envisageait d’établir une base navale à Al-Khoms, ce qu’elle a démenti par la suite, notamment après des manifestations contre un tel projet.

Mais, visiblement, la Russie n’est pas en reste… En août, quelques heures avant le décès « accidentel » d’Evguéni Prigojine, le chef de Wagner, une délégation emmenée par Iounous-Bek Ievkourov, le vice-ministre russe de la Défense, fut accueillie par le maréchal Haftar à Benghazi, pour évoquer la « coopération » et la « coordination » en matière de « formation et de maintenance des armes et équipements russes » en possession de l’armée nationale libyenne.

Puis, un mois plus tard, le même maréchal Haftar a rendu la politesse, en se rendant à son tour à Moscou pour rencontrer Vladimir Poutine, le chef du Kremlin, pour « discuter de la situation en Libye ». Mais pas seulement…

En effet, d’après des sources au fait de ces échanges, citées par l’agence Bloomberg, il serait question pour les deux parties de nouer un « accord de défense » visant à protéger le « croissant pétrolier » situé dans l’est de la Libye en échange de facilités accordées à la marine russe dans les ports contrôlés par l’ANL. Et cette perspective n’enchante pas Washington.

Ancien envoyé spécial américain en Libye, Jonathan Winer a en effet parlé d’une « menace prise très au sérieux » par l’administration Biden. « Maintenir la Russie hors de la Méditerranée a été un objectif stratégique clé. Si la Russie y obtient l’accès à des ports, cela lui donnera la possibilité d’espionner l’ensemble de l’Union européenne », a-t-il dit.

« Espionner l’ensemble de l’UE »… peut-être pas. Mais installer une bulle de déni d’accès en Méditerranée centrale, à seulement quelques centaines de kilomètres des côtes françaises, italiennes et grecques, assurément… Ce qui serait par ailleurs de nature à gêner les mouvements de l’Otan dans le secteur.

A priori, le port de Tobrouk serait pressenti pour accueillir de façon permanente des navires russes. « Il s’agit toutefois d’une perspective à plus long terme car elle nécessitera une modernisation substantielle des installations portuaires », ont expliqué les sources de l’agence Bloomberg. En tout cas, si un accord est trouvé, la Russie disposerait alors d’une seconde base navale en Méditerranée, après celle de Tartous, en Syrie.

Quoi qu’il en soit, une telle issue n’est pas surprenante. « La politique russe en Méditerranée est traditionnellement orientée par la volonté de la Russie de s’assurer un accès pérenne aux mers chaudes. […] L’importance des flux commerciaux et énergétiques transitant par le bassin méditerranéen en fait une zone stratégique » pour elle. Ce qui qui « explique le renforcement considérable de la présence militaire russe en Méditerranée depuis plusieurs années », résume un rapport du Sénat publié en septembre 2022.

Et celui-ci d’ajouter : « À l’été 2022, l’armée russe disposait à ce titre dans la zone Méditerranée de 13’000 militaires, dont 40% sous le statut de mercenaire du ‘groupe Wagner’, de 40 chasseurs-bombardiers, de quatre frégates et de deux sous-marins associés à plusieurs sites de missiles antiaériens, antinavires et de frappe contre la terre. La présence massive des forces armées russes, permise notamment par le retrait relatif des forces américaines, résulte notamment de l’intervention de la Russie dans plusieurs conflits armés intervenus récemment autour du bassin méditerranéen dont en particulier les conflits syrien et libyen. »

Photo : État-major des armées





Source link

Please follow and like us:

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

RSS
Follow by Email
YouTube
Pinterest
LinkedIn
Share
WhatsApp