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L’Allemagne et la France veulent relancer leur projet de char en mettant au pas les industriels impliqués


Avec le projet franco-allemand de Système principal de combat terrestre [MGCS pour Main Ground Combat System], dont la direction a été confiée à Berlin et prévoit le développement d’un nouveau char de combat, on a un peu l’impression d’être comme Bill Murray dans « Un jour sans fin », avec le sentiment de revivre les mêmes choses…

Ainsi, en juin 2018, lors du Conseil des ministres franco-allemand de Meseberg, une lettre d’intention fut signée pour affirmer que la France et l’Allemagne partageaient la « même vision ambitieuse d’un système appuyé sur les technologies les plus innovantes et capable d’assurer une supériorité opérationnelle dans tous les contextes et sur tous les terrains » et devant être « pleinement intégré au programme SCORPION […] et au système HEER ». Et le document assurait que le MGCS allait être « le système terrestre de référence à son déploiement en 2035 ».

En outre, l’objectif était alors de « lancer une phase commune de démonstration d’ici mi-2019 », avant un « point d’étape en 2022 » et l’élaboration d’un « besoin opérationnel détaillée » d’ici 2024. Enfin, la lettre précisait que ce projet allait offrir des « bases solides pour un accord de coopération plus vaste, notamment avec d’autres partenaires européens », l’Italie étant alors citée à l’époque.

Seulement, l’arrivée de Rheinmetall dans ce programme compliqua la donne. Et, au Bundestag, ayant lié le sort du MGCS à celui du SCAF [Système de combat aérien du futur, conduit par la France, ndlr], les députés allemands se firent tirer l’oreille pour voter les crédits nécessaires au lancement de l’étude d’architecture de ce programme. Celle-ci put cependant être notifiée en avril 2020, après avoir été divisée en 9 lots [ou piliers] afin de respecter la répartition des tâches à 50-50 entre les industriels allemands et français impliqués.

Depuis, la guerre en Ukraine a marqué un nouveau tournant, plusieurs pays européens ayant fait part de leur intention d’accélérer le renouvellement de leurs chars de combat.

Ayant anticipé de tels besoins, Rheinmetall a dévoilé le KF-51 Panther tandis que KDNS, la filiale commune au français Nexter et à l’allemand Krauss-Maffei Wegmann [KMW] a fait la promotion de son E-MBT [Enhanced Main Battle Tank]. Mais c’est le Leopard 2A8, conçu par KMW et Rheinmetall, qui s’est imposé dans plusieurs pays [Norvège, République tchèque, Italie, etc.], avec l’appui de Berlin, qui a commandé 16 exemplaires pour remplacer les Leopard 2A6 de la Bundeswehr cédés à l’Ukraine.

En clair, pour les industriels [et certains élus] allemands, il s’agit surtout de miser sur le potentiel d’évolution du Leopard 2 plutôt que de miser sur un char franco-allemand du futur… Quitte à jeter le MGCS aux orties, même si ce programme prévoit d’autres développements technologiques [drones, robot, cloud de combat, etc.].

Et la coopération envisagée par KMW/KNDS, Rheinmetall, Saab [Suède], Indra [Espagne] et Leonardo [Italie] pour répondre à l’appel d’offres de la Commission européenne portant sur des études relatives à un futur char de combat [FMBT – Future Main Battle Tank] a jeté le trouble… Trouble que le ministre allemand de la Défense, Boris Pistorius, s’est attaché à dissiper à l’issue d’une rencontre avec son homologue français, Sébastien Lecornu, sur la base aérienne 105 d’Évreux, le 21 septembre.

En effet, M. Pistorius a expliqué que le projet FMBT ne concernait que les industriels… et qu’il n’engageait pas le gouvernement allemand, celui-ci étant attaché au MGCS. Cependant, les travaux menés dans le cadre de cette étude financées par le Fonds européens de défense [FED] pourraient servir à la mise au point du Leopard 2AX… qui, forcément, sera un concurrent du char franco-allemand du futur.

Toutefois, la presse allemande doute des explications livrées par M. Pistorius. C’est notammet le cas du quotidien économique Handelsblatt. « Il est toutefois difficile d’imaginer que les entreprises de défense allemandes puissent agir sur un sujet aussi sensible que celui du futur char de combat sans consulter le gouvernement fédéral. L’absence des Français dans le projet FMBT est piquante, même si l’on ne peut pas exclure que Nexter [le] rejoigne d’ici la fin de l’appel à candidatures, en novembre », écrit-il.

Quoi qu’il en soit, et cinq ans après le Conseil des ministres franco-allemand de Meseberg, MM. Lecornu et Pistorius ont tenu à rappeler que c’est le client qui décide ce dont il a besoin… et non les industriels. « Nous sommes les clients. Nous déterminerons ce que nous voulons », a asséné le ministre allemand. Comme quoi, il faut toujours rappeler les évidences…

Et, pour joindre la parole aux actes, une fiche d’expression commune des besoins [High Level Common Operational Requirements Document – HLCORD] a été signée par le général Pierre Schill, le chef d’état-major de l’armée de Terre [CEMAT], et son homologue allemand, le général Alfons Mais. « Ce document vient préfigurer ce que sera un cahier des charges », a souligné le ministre français.

Sur quoi les états-majors français et allemand se sont mis d’accord, alors que leurs besoins ne sont pas exactement les mêmes? Mystère, le contenu du HLCORD étant confidentiel… En tout cas, les ministres ont décidé de « découper » le programme MGCS en plusieurs piliers, qui n’ont pas été précisés.

Enfin, il a été confirmé que ce futur char franco-allemand ne sera pas disponible d’ici 2035 comme cela avait été prévu au départ [il est désormais question de 2040-45] et que le projet sera ouvert à d’autres partenaires européens, ceux-ci devant d’abord avoir le statut d’observateurs. M. Pistorius a cité l’Italie et les Pays-Bas.

Quoi qu’il en soit, six ans après avoir été lancé, et même si l’étude d’architecture notifiée en 2020 a sans doute permis d’avancer [un peu], le MGCS n’a pas fait beaucoup de chemin.. Et il lui reste encore beaucoup d’obstacles à franchir, à commencer par les critiques et les doutes dont il fait l’objet outre-Rhin.

Photo : KNDS/Nexter





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