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la peur d’une déroute européenne


Une usine allemande de panneaux solaires présentée comme le fleuron de la réponse européenne face à la concurrence chinoise va fermer ses portes.

La mise à l’arrêt d’une des principales usines photovoltaïques d’Allemagne, annoncée vendredi, est un mauvais signe pour l’ensemble de l’industrie solaire en Europe, qui dit jouer sa survie face à l’afflux de panneaux chinois bon marché. Ouverte il y a moins de trois ans, l’usine allemande de l’entreprise suisse Meyer Burger, à Freiberg, près de Dresde, était présentée comme l’exemple de la reconquête de l’industrie photovoltaïque sur le Vieux Continent.

Le groupe suisse a annoncé vendredi qu’il allait stopper la production dès «la première moitié du mois de mars», un «premier pas» avant la fermeture définitive du site. Meyer Burger invoque les «distorsions de marché créées par l’excès d’offre et le dumping dans les modules solaires». Dans son viseur : la concurrence de la Chine qui inonde l’Europe de composants photovoltaïques depuis que l’accès au marché américain est fermé, faisant s’effondrer les prix. L’usine de Freiberg, qui emploie près de 500 personnes, n’est pas la seule à faire les frais de cet excès d’offre.

Le groupe néerlandais Exasun, qui se présente comme le plus ancien fabricant de panneaux solaires des Pays-Bas, a fait déposer le bilan en janvier. «Fin 2022, le marché mondial des panneaux solaires s’est effondré. La quasifermeture des frontières pour les panneaux solaires chinois par l’Inde et les États-Unis a créé un important excédent sur le marché européen, entraînant une baisse des prix de vente de plus de 50 %», a-t-il expliqué. Face à ces composants à prix cassés, «personne ne peut rivaliser», a affirmé Erik Løkke-Øwre, directeur général du groupe norvégien NorSun, en annonçant en septembre dernier l’arrêt «temporaire de la production» dans son usine d’Ardal, dans l’ouest de la Norvège.

La tentation américaine

Norsun, qui se présente comme le seul fabricant européen de wafers (fines plaques de matériau semi-conducteur) de silicium entrant dans la composition des cellules photovoltaïques, estimait alors que les stocks de modules accumulés en Europe en raison de l’excès d’offre équivalaient à «plus d’un an de capacité non installée». En Allemagne, le fabricant de panneaux photovoltaïques Heckert Solar, l’un des plus anciens du pays, a «ralenti la production et mis en pause les investissements», selon des déclarations faites début février au quotidien Handelsblatt. Sans mesures urgentes de soutien, «je suis convaincu qu’il n’y aura pas d’industrie solaire de production significative en Europe», a assuré Detlef Neuhau, patron du groupe Solarwatt, installé dans l’est de l’Allemagne, lors d’un récent débat.

D’autant que l’industrie européenne est aussi confrontée à la concurrence des États-Unis, où la production photovoltaïque est massivement subventionnée depuis l’introduction de l’Inflation Reduction Act en 2022, qui pousse de nombreuses entreprises européennes à se développer outre-Atlantique. Meyer Burger a d’ailleurs annoncé vendredi qu’il concentrerait ses investissements aux États-Unis, jugés beaucoup plus attractifs. Le groupe y a deux usines en construction. Une mauvaise nouvelle alors que la Commission européenne souhaite que d’ici 2030, 40 % de ses besoins en technologies vertes, dont les panneaux solaires, soient produits en Europe afin de réduire la dépendance aux entreprises chinoises, qui contrôlent 80 % des processus industriels du photovoltaïque dans le monde.

«C’est un virage complet»

L’objectif est louable pour Jules Nyssen, président du Syndicat des énergies renouvelables (SER) en France : «Le covid et la crise énergétique ont montré qu’il fallait qu’on ait suffisamment de capacités de production pour pouvoir se débrouiller en cas de pépin», rappelle-t-il. Début février, le Parlement européen et les États membres de l’UE se sont accordés sur une série d’allègements réglementaires pour permettre de fabriquer davantage en Europe.

Afin de favoriser les fournisseurs européens, le règlement inclut notamment des critères environnementaux et de résilience dans 30 % des appels d’offres d’énergies renouvelables comme les champs éoliens ou les installations photovoltaïques, vu par certains comme un embryon de protectionnisme européen. «Pour l’UE, qui s’est construite sur le libre échange, c’est un virage complet», dit Jules Nyssen, qui pense que l’annonce de Meyer Burger pourrait susciter d’autres initiatives au niveau européen.



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