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La Cour des comptes s’inquiète de la capacité du Service de santé des Armées à assurer ses missions


Ces dernières années, plusieurs rapports du Sénat, de l’Assemblée nationale et du Haut comité d’évaluation de la condition militaire [HCEM] ont tiré la sonnette d’alarme sur la situation du Service de santé des Armées [SSA], après les réformes dont il venait de faire l’objet. Réformes qui ont conduit à mutualiser ses écoles [avec la disparition, notamment, de « Santé navale » à Bordeaux], à réduire, au-delà du raisonnable, ses effectifs et la « différenciation » entre hôpitaux d’instruction des armées [HIA] qui ne devaient pas être dissous.

Les difficultés commencèrent à poindre en 2015, quand il fut décidé de revoir à la hausse le format des armées, et en particulier celui de la Force opérationnelle terrestre [FOT] de l’armée de Terre [+11’000 soldats, ndlr]. Pour autant, il n’était alors pas question d’une remontée en puissance du SSA, afin de lui permettre de faire face à l’accroissement de sa charge de travail… D’autant plus que, dans le même temps, l’activité opérationnelle était intense [avec Barkhane, Chammal, déploiements du groupe aéronaval, etc.]. D’où les taux de « projection » très élevés des médecins, infirmiers et autres personnels soignants alors observés…

« Ce sont les personnels déjà sur-engagés du SSA qui ont dû faire face, avec un taux de projection des équipes médicales de 106 % et de 200 % pour les équipes chirurgicales », avait souligné un rapport du Sénat, en juin 2020, lequel avait décrit un service « proche du point de rupture ».

Certes, des mesures ont été prises par le ministère des Armées afin de soulager le SSA, dont, notamment, la fin de la déflation de ses effectifs. Cependant, comme il faut du temps pour former un médecin ou un infirmier, elles prendront du temps à produire leurs effets… Si elles en produisent…

Car, sur ce point, la Cour des comptes a des doutes. « Le panorama des ressources humaines du SSA est inquiétant. [Il] doit impérativement trouver de nouveaux leviers de gestion des ressources humaines sous peine de ne plus pouvoir disposer à l’avenir du personnel qualifié nécessaire à l’accomplissement de ses missions », écrit-elle dans un rapport rendu public ce 2 octobre.

Au passage, la Cour a épinglé les changements de pied fréquents de la Direction centrale du SSA.

« Depuis 2014, à l’initiative de chacun de ses directeurs centraaux successifs, le SSA a connu trois réorganisations de son administration centrale et de ses composantes, ce qui représente un rythme élevé », note d’abord la Cour des Comptes. Et d’ajouter : « Consommatrices de ressources, [ces] fréquentes réorganisations […] ont sans doute permis de corriger des défauts de celle que chacune d’elles remplaçait. Pour autant, quelle que soit leur efficacité intrinsèque, elles ne sont pas en mesure de résoudre, et pour cause, les problèmes posés par l’absence de maîtrise, par le SSA, des leviers essentiels à l’exercice de ses missions ».

S’agissant des effectifs du SSA, le rapport note que ceux-ci ont connu une baisse sensible [-1500 postes] entre 2010 et 2017. Du moins officiellement… Car dans les faits, la déflation a été beaucoup plus importante. Ces données « doivent être corrigées par un effet de périmètre ayant consisté à rattacher à l’employeur SSA, en 2011 des militaires du rang, auxiliaires sanitaires des armées de Terre et de l’Air et de l’Espace, sans quoi la baisse pourrait être estimée à 2271 agents, soit 14,3 %, ce qui était d’ailleurs l’objectif assigné par ‘SSA 2020’ dans le cadre de la Révision générale des politiques publiques [RGPP] », explique la Cour des comptes.

Dans le même temps, les créations de postes n’ont pas suivi, malgré les annonces faites en 2020. « La Loi de programmation militaire 2019-2025 et ses ajustements annuels successifs ont conduit à prévoir une remontée de l’effectif théorique 2025 du service de 204 équivalents temps plein. Mais cette perspective doit encore se concrétiser dans un contexte de tension sur les ressources humaines dans le monde de la santé », avancent les magistrats de la rue Cambon.

« Fin 2021, les effectifs réels du SSA tous gestionnaires et tous statuts confondus, sont inférieurs à leur niveau de 2016 et que la part des personnels civils est passée de 30,4 % à 32,2 %. Encore faut-il relever que parmi ces personnels dits permanents figurent des contractuels et vacataires dont la rémunération est assise sur des emplois statutaires non pourvus », relèvent-ils encore, avant d’expliquer cette situation par un « problème d’attractivité » venu s’ajouter aux « déflations passées ».

Pour pallier ce problème, le SSA a de plus en plus recours aux réservistes, qui constituent « pour lui un réel ‘ballon d’oxygène » ». Selon le rapport, « entre 2018 et 2021, le nombre des réservistes a cru de 25 %, passant de 3190 à 4077 ». Et « comme il a dépassé le plafond autorisé qui prévoit 3346 postes, cet effectif réalisé de 4077 réservistes a fait l’objet d’un accord ad hoc de l’État-major des armées », précise-t-il.

Par ailleurs, le SSA fait aussi appel à des agents contractuels civils. Ainsi, rien qu’à l’HIA Percy, ils étaient seulement cinq en 2016… Et ils sont désormais 117.

Pour autant, cela ne règle pas les problèmes d’attractivité et de fidélisation. Ceux-ci sont d’ailleurs « perceptibles dès les écoles de formation initiale, ce qui hypothèque la remontée en puissance du service », avance le rapport.

« Ainsi, entre 2018 et 2022, les candidatures à l’École de santé des armées ont diminué de 12 %, [celles] à l’École du personnel paramédical des armées ayant baissé de 54 % durant la même période – cette tendance étant sans doute pour partie imputable à l’augmentation des places offertes dans le système de santé civil sur la même période. L’on n’en doit pas moins noter qu’en sus de cette évolution, l’École de santé des armées a connu, sur les dernières
promotions, un taux d’attrition en cours de scolarité de 30 % à 40 % de ses étudiants », relève la Cour des comptes, qui souligne aussi le manque d’encadrement dans ces établissements.

À noter qu’un élève de l’École de santé des armées qui décide de dénoncer son contrat dout rembourser ses frais de scolarité, soit 8500 euros pour la première année et 20000 euros/an pour les suivantes.

Pour tenter de corriger le tir, la Cour des comptes formule trois recommandations, en plus des mesures prises pour améliorer l’attractivité [en particulier au niveau financier] : expérimenter la déconcentration du recrutement de certaines catégories de contractuels soignants au niveau des établissements, finaliser rapidement la réalisation de la feuille de route de la transformation des ressources humaines du SSA et assurer, en effectifs et en qualité, le niveau d’encadrement requis au sein des écoles militaires de santé. Reste à voir si elles seront appliquées et, surtout, efficaces…





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