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Après deux mois de bras de fer avec les putschistes, M. Macron annonce la fin de présence militaire française au Niger

 

Le président Macron et le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, n’en démordent pas : non, et contrairement à ce qu’ont pu affirmer quelques parlementaires, l’opération Barkhane n’est pas un échec. Effectivement, depuis l’intervention militaire lancée au Mali le 11 janvier 2013, les forces françaises ont contenu la menace jihadiste dans la bande sahélo-saharienne, en portant régulièrement de rudes coups aux groupes armés terroristes [GAT], malgré des changements de tactiques qui leur ont été imposés.

Seulement, dix ans plus tard, et alors que, en juin 2021, M. Macron avait annoncé la fin de l’opération Barkhane « sous sa forme actuelle » en disant vouloir  » tirer les enseignements de ce qui a fonctionné et tirer aussi les enseignements de ce qui n’a pas fonctionné », l’influence de la France dans cette région a presque été réduite à néant, faute d’avoir su gérer les conséquences des coups d’État survenus d’abord au Mali, puis au Burkina Faso, et, récemment, au Niger.

Le 26 juillet, quand le président en exercice, Mohamed Bazoum, a été déposé par un coup d’État fomenté par le général Abdourahamane Tchiani, le chef de sa garde présidentielle, la France a fait le choix de la fermeté en niant toute légitimité à la junte arrivée au pouvoir.

« Le Président de la République ne tolérera aucune attaque contre la France et ses intérêt », fit même savoir l’Élysée. Sans doute aurait-il été mieux inspiré de chercher à les ménager… Comme l’a d’ailleurs fait la diplomatie américaine, qui a su maintenir les canaux ouverts avec les putschistes tout en défendant le principe d’un retour à l’ordre constitutionnel.

Dans cette affaire, la France a fait plusieurs paris. D’abord en misant sur la fermeté de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest [CÉDÉAO], qui avait mis l’option d’une intervention militaire sur la table pour rétablir le président Bazoum dans ses fonctions… sans toutefois avoir les moyens de mettre ses menaces à exécution. Puis en comptant sur des dissensions au sein de la junte… qui ne se sont pas concrétisées.

Dans le même temps, les putschistes ont rapidement dénoncé les accords de coopération militaire conclus avec la France, en l’accusant de tous les maux. À Paris, on a constamment fait valoir que les annonces de la junte étaient nulles et non avenues…. Et que seul le président Bazoum était légitime pour prendre de telles décisions.

Lors de la Conférence des ambassadeurs, fin août, et alors que Niamey venait de retirer son agrément à Sylvain Itté, l’ambassadeur de France au Niger, le président Macron s’était montré une nouvelle fois très ferme. « Dans quelle capitale africaine on peut dire qu’on a une politique de partenariat avec un dirigeant si quand il subit cela [un coup d’État, ndlr], on ne peut pas être en soutien »? avait-il demandé.

À l’occasion d’une conférence de presse donnée en marge du dernier sommet du G20, le 10 septembre, à New Delhi, le locataire de l’Élysée avait remis une pièce dans la machine.

« La France a une position simple : nous le condamnons [le coup d’État, ndlr], nous demandons la libération du président Bazoum et la restauration de l’ordre constitutionnel. Et nous ne reconnaissons aucune légitimité aux déclarations des putschistes. Puisque le président Bazoum n’a pas renoncé à son pouvoir, si nous redéployons quoi que ce soit, je ne le ferai qu’à la demande du président Bazoum, et en coordination avec lui. Pas avec des responsables qui, aujourd’hui, prennent en otage un président », a-t-il affirmé. Et d’ajouter : « Sur ce sujet, depuis le premier jour, la France se coordonne avec l’ensemble des présidents de la région, les chefs d’État et de gouvernement, et nous soutenons pleinement les positions de la CÉDÉAO ».

Seulement, avec un ambassadeur de France ne pouvant plus sortir de sa résidence et des forces françaises [environ 1500 militaires] réduites à l’inaction et qui plus est déclarées personæ non gratæ, cela ne pouvait pas durer éternellement.

Aussi, le président Macron a-t-il dû manger son chapeau en annonçant, le 24 septembre [soit presque deux mois après le coup d’État], lors d’un entretien diffusé par TF1 et France 2, le retrait du Niger des forces françaises et le retour à Paris de M. Itté.

« La France a décidé de ramener son ambassadeur. Dans les prochaines heures notre ambassadeur avec plusieurs diplomates rentreront en France », a en effet déclaré le président Macron. Et « nous mettons fin à notre coopération militaire avec les autorités de fait du Niger, car elles ne veulent plus lutter contre le terrorisme », a-t-il ajouté, assurant que le retour des forces françaises se ferait de « manière ordonnée dans les semaines et les mois qui viennent » et que ce retrait serait effectif d’ici « la fin de l’année ». Et de préciser que « nous nous concerterons avec les putschistes parce que nous voulons que ça se fasse dans le calme ».

À Niamey, les putschistes jubilent… « Les troupes françaises ainsi que l’ambassadeur de France quitteront le sol nigérien d’ici la fin de l’année. C’est un moment historique qui témoigne de la détermination et de la volonté du peuple nigérien », s’est félicitée la junte. « Toute personne, toute institution ou structure dont la présence menace les intérêts et les projections de notre pays devront quitter la terre de nos ancêtres qu’ils le veuillent ou non », a-t-elle insisté.

Histoire de compliquer les choses, et quelques heures avant l’annonce de M. Macron, Niamey a fait savoir que son espace aérien serait désormais « ouvert à tous les vols commerciaux nationaux et internationaux à l’exception des avions français ou des avions affrétés par la France, dont ceux de la flotte d’Air France ». Et cela alors que, pour rappel, les forces américaines ont déjà été autorisées à reprendre leurs vols ISR [renseignement, surveillance, reconnaissance] depuis leur base d’Agadez…

Étant donné qu’elles sont essentiellement déployées dans l’ouest du Niger, les forces françaises n’ont que très peu d’options pour quitter le pays par la voie terrestre. L’une d’elles passerait par N’Djamena [Tchad], située cependant à 1700 km de Niamey [via la route nationale 1]. Un autre, plus courte, consisterait à transiter par le Bénin, qui a l’avantage de posséder des ports en eaux profondes. Et si les avions français [y compris ceux affrétés par la France] ne sont pas autorisés à voler dans l’espace aérien nigérien, alors l’État-major des armées devra compter sur des moyens américains, voire sur ceux du Qatar et des Émirats arabes unis, comme cela avait le cas lors du retrait du Mali.

Photo : DETCHASSE de la base aérienne projetée de Niamey – État-major des armées

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