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Affaire Amougou Belinga-Dgi : Voici un autre expert vole au secours du Zomloa

La sortie d’un audio critiquant la décision prise par le ministre des Finances de lever le blocage des comptes du Groupe l’Anecdote n’a pas laissé indifférent certains experts. C’est le cas ici avec notre expert, Charles Blé, qui tente d’analyser cette affaire à la lumière de la loi. Pour lui, le litige ne se situe plus dans le champ de la transaction. Le receveur est passé outre pour l’exécution. Le problème de droit qui se pose, estime encore notre expert, c’est de savoir si le ministre des Finances est compétent pour arrêter l’exécution et ordonner un sursis. Lisez plutôt

Suivant corres- pondance N°6 du 9 mai 2022, le receveur des impôts, M. Enangue Serge Manfred, inspecteur des régies financières, informait le président du Groupe l’Anecdote, Amougou Belinga Jean Pierre, de ce qu’avis à tiers détenteur et contrainte extérieure ont été adressés à Bgfi Bank, Afriland First Bank, Scb-Cameroun, paierie générale. Banques dans lesquelles sont logés les avoirs des entreprises formant le Groupe l’Anecdote. Le 13 mai 2022, le ministre des Finances a donné mainlevée de ces avis à tiers détenteurs. Ce qui n’a pas dû plaire à certains fonctionnaires des impôts dont un qui a fait circuler un audio dans lequel il analyse les textes sur le recouvrement, analyse qui tend à faire croire que l’acte du ministre était irrégulier. Pour nous, c’est par fausse interprétation des textes sur le recouvrement que l’auteur de cet audio critique la décision du ministre. Ceux qui s’abandonnent dans des commentaires dans cette affaire devraient plutôt être réservés. Tout le monde peut lire un texte de loi, mais tout le monde ne peut pas correctement le comprendre. Pour interpréter un texte, comme tente de le faire l’auteur de l’audio qui circule sur les réseaux sociaux, il y a entre autres : la méthode exégétique, la méthode sociologique ou méthode de la libre recherche scientifique, l’argument téléologique etc…

Dans la méthode exégétique, on part du postulat que tout texte de loi est expression d’une volonté qu’il faut rechercher. On fonde ici l’interprétation sur l’idée de justice. On recourt à l’usage et à l’équité si la règle de droit est absente. L’argument téléologique quant à lui est fondé sur le but poursuivi par la loi. Enfin il y a la méthode sociologique ou méthode de libre recherche qui consiste à constater que le législateur n’a pas tout prévu et qu’il est inutile de rechercher son intention. Entre autres, en matière contentieuse, les décisions qu’un ministre des Finances est amené à prendre se rattachent à la passation et exécution des contrats, la liquidation des dettes de l’Etat, le recouvrement des deniers de l’Etat, la surveillance et le contrôle des autorités comprises dans la hiérarchie administrative. Ces principes posés, transposons les sur l’affaire Amougou Belinga. L’article 2 de la section première du chapitre 1er du titre I du Code général des impôts dispose : « Il est établi un impôt sur l’ensemble des bénéfices ou revenu réalisés par les sociétés et autres personnes morales.

EXPLOSION DES RAGOTS

Cet impôt est désigné sous le nom d’impôt sur les sociétés ». Depuis que la procédure à tiers détenteur a été déclenchée, le public n’a eu droit qu’à des ragots se rapportant à la ligne 94. Personne n’a pu, conformément à l’article 2 du Code général des impôts, établir que les faramineuses sommes réclamées au Groupe l’Anecdote se rapportaient effectivement aux bénéfices réalisés par les entreprises du Groupe sujettes aux poursuites, conformément à l’article 2 sus évoqué. Le manque de précision sur ce point ne permet pas de penser que le recouvrement a été poursuivi conformément à ce texte. D’où l’explosion de ragots de toutes natures.

S’agissant des poursuites, il existe deux types de poursuites : les poursuites de droit commun et les poursuites particulières. Pour poursuivre les entreprises du Groupe l’Anecdote, le receveur a opté pour les poursuites particulières à savoir l’émission de l’avis à tiers détenteur. Selon le lexique des termes juridiques, l’avis à tiers détenteur est une sorte de saisie-attribution permettant aux comptables publics de demander à tout tiers détenant (devant) des sommes appartenant à un redevable d’impôts assorti du privilège du trésor, de leur verser en l’acquit du redevable le montant de ces impôts jusqu’à la concurrence de la somme qu’ils détiennent à peine pour ces tiers d’en devenir personnellement débiteurs.il s’agit donc d’une exécution particulièrement violente. Les articles du Code général des impôts qui régissent ces poursuites particulières sont ainsi libellés : mesures particulières de poursuites, sous-section i : avis à tiers détenteur. Article L 71.- Les dépositaires, détenteurs ou débiteurs de sommes appartenant ou devant revenir aux redevables d’impôts, de pénalités et de frais accessoires dont le recouvre- ment est garanti par le privilège du Trésor sont tenus, sur demande qui leur en est faite sous forme d’avis à tiers détenteur, notifié par le receveur des impôts, de verser en lieu et place des redevables, les fonds qu’ils détiennent ou qu’ils doivent, à concurrence des impositions dues par ces redevables. Le tiers détenteur dès réception de l’avis à tiers détenteur est tenu de communiquer à l’administration fiscale le solde du compte du contribuable objet des poursuites. Ledit solde mentionné sur l’accusé de réception remis à l’administration fiscale est immédiatement affecté au règlement de la dette fiscale du contribuable. Tout refus de décharger ou d’exécuter un avis à tiers détenteur constaté par voie d’huissier, en- traine la solidarité de paiement du tiers détenteur sans préjudice des sanctions visées aux dis- positions de l’article L 104 du Livre des procédures fiscales.

SANCTIONS

Les sanctions applicables pour refus de décharge d’un avis à tiers détenteur ou non-exécution d’un avis à tiers détenteur sont insusceptibles d’atténuation et de remises. L’administration est tenue d’informer le redevable de l’envoi de l’avis à tiers détenteur et de lui préciser le tiers concerné. Article L 72.- L’avis à tiers détenteur a pour effet d’affecter, dès réception, les sommes dont le versement est ainsi demandé, au paiement des impositions quelle que soit la date à laquelle les créances, même conditionnelles ou à terme, que le redevable possède à l’encontre du tiers détenteur, deviennent effectivement exigibles. Article L 73.- Tout avis à tiers détenteur reste valable jusqu’à l’extinction de la dette pour laquelle il a été établi ou à l’obtention d’une mainlevée établie par ceux qui l’ont émis.
Sous-section II : Contrainte extérieure. Article L 74.- La contrainte extérieure est établie par le receveur des impôts assignataires à l’adresse d’un comptable du Trésor public ou d’un autre receveur des impôts pour le recouvrement des im- pôts et taxes, y compris ceux retenus à la source et non reversés. Elle est exercée lorsque les redevables, notamment les collectivités territoriales décentralisées ou les établissements publics administratifs disposent de créances ou de subventions domiciliées chez lesdits comptables ou en cas de changement de domicile des redevables concernés. Elle est également exercée à l’adresse de l’organisme chargé de la centralisation et de la péréquation des impôts locaux, en cas de non-reversement par les collectivités territoriales décentralisées des impôts et taxes re- tenus à la source. Elle est également exercée à l’adresse du receveur des douanes lorsque le redevable est un importateur. Dans ce cas, le service des douanes compétent peut procéder à la rétention des mar- chandises importées par le redevable. Article L 75.- La contrainte extérieure donne mandat au comptable du Trésor public assignataire d’affecter, dès réception, les sommes dont le versement est ainsi demandé au paiement des dettes fiscales dues. Elle donne également mandat au receveur des impôts assignataire d’avoir à exercer les poursuites à l’encontre des redevables concernés. Code général des impôts R Edition 2022…

Méthode sociologique

Sous-section III : blocage des comptes bancaires. Article L 76.- Les receveurs régionaux des impôts et les receveurs des impôts des unités de gestion spécialisées peuvent procéder au blocage des comptes bancaires du contribuable sans préjudice des sanctions prévues par ailleurs en cas de non-règlement à l’échéance, et après une mise en demeure, des sommes dûment liquidées. La décision du ministre des Finances a été prise dans le champ de l’exécution et non pas du contentieux. Ce sont donc les textes visés dans les sections ci-dessus mentionnées qui devraient être pris en compte pour apprécier la légalité de la décision de sursis de ce dernier. Ici, on devrait recourir à la méthode sociologique. Ça veut dire que comme le législateur n’a pas prévu le recours contre les mesures particulières de poursuites comme l’avis à tiers détenteur, le ministre n’avait pas à chercher un texte pour ordonner le sursis à l’exécution des poursuites engagées en vertu d’une procédure particulière. Ses subordonnés non plus ne doivent chercher un texte qui autorise le ministre à ordonner le sursis contre une mesure d’exécution comme l’avis à tiers détenteur. Selon Edouard Laferrière dans
« traité de la juridiction administrative et des re- cours contentieux », Pa- ris, Berger-Levraut, 2ème édition 1896, « les ministres sont responsables des actes de leurs subordonnés, d’où il suit qu’ils ont autorité sur ces actes, peuvent prescrire, inter- dire les réformer, les annuler …. ».

Celui qui a produit l’audio pour fustiger dans son analyse la décision du ministre des Finances devrait donc retenir que ce ministre est responsable des actes de ses subordonnés et peut les interdire ou les réformer. Aucune voie de recours

n’est ouverte au subordonné dans ces cas de figure. Raison d’ailleurs pour laquelle l’auteur de l’audio suggère que les juridictions s’auto saisis- sent pour sanctionner des décisions comme celle qui fait l’objet de son analyse. Cette suggestion n’est pas bonne. C’est le juge de paix à compétence étendue qui avait ce genre de pouvoir au Cameroun à l’époque
: il jouait à la fois le rôle de procureur de la Ré- publique, de juge d’instruction, et de président du tribunal. Ce qui ne pouvait pas garantir une bonne justice. Car, comment pouvez-vous croire que quelqu’un qui a décidé de vous poursuivre et qui par la suite vous a renvoyé lui-même devant les juridictions de jugement où il officie comme juge puisse à la fin dire que vous êtes innocent ? Enfin le receveur des Finances qui a engagé des poursuites particulières contre le Groupe l’Anecdote et le Dgi n’étant pas des autorités locales décentralisées, auquel cas le ministre n’aurait eu qu’un pouvoir de surveillance mais non celui de substituer son autorité à celle d’un pou- voir local pour des affaires de la compétence de ce dernier, c’est par fausse interprétation des articles 75 et suivants du Code général des impôts, qui s’appliquent au cas d’espèce, que l’analyste de l’audio en circulation pense que le ministre avait excédé son pouvoir. Je rappelle que la fausse interprétation de la loi, selon Jacques Boré, dans le pourvoi en cassation, suppose que le texte à appliquer prêtait à controverse et que la décision attaquée a adopté une interprétation que la Cour de cassation juge non conforme au sens réel du texte. C’est dire comment l’interprétation d’un texte de loi peut être difficile.

Il n’y a plus de documents à analyser. C’est comme si un jugement était de- venu définitif et que l’huissier vient pour exécuter. On analyse plus de documents. C’est fini. C’est ça l’avis à tiers détenteur. Le litige est fini. Il faut passer à l’exécution. C’est ce qu’on a fait à Amougou Belinga. Il n’y avait plus que le ministre pour intervenir. Or les auteurs des audio veulent faire croire que le ministre ne pouvait plus intervenir. C’est pour cela que l’auteur de l’audio passe en revue la procédure et les délais pour démontrer que le litige était devenu définitif. Or, j’essaie de démontrer que même si le litige était devenu définitif, aucun texte n’empêche le ministre d’intervenir. En plus le Dgi et le receveur sont ses subordonnés.

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