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6 avril 1984 : voici le triste sort réservé au sauveur de Paul Biya

Contre toute attente et devant la surprise générale des Camerounais, le président Ahmadou Ahidjo démissionne du pouvoir, dans un discours diffusé par la radio nationale du Cameroun le 4 novembre 1982. Il cède le pouvoir à son successeur dit constitutionnel, Paul Biya, alors à cette époque premier ministre. Paul Biya prête serment le 06 novembre 1982. Un an et 05 mois plut tard, survient au sein du pays un « coup d’État » orchestré par l’armée nationale. Les acteurs du putsch annoncent notamment la suspension des télécommunications. Cela signifiait que même la radio nationale qui avait servi à la retransmission du discours des radicaux devait être fermée, « jusqu’à nouvel ordre ». La tentative de coup d’État échouera, grâce à la contribution exceptionnelle d’un Camerounais grâce à qui Paul Biya n’a pas été renversé. Malheureusement, ce Camerounais périt dans la pauvreté et la misère. camerounweb.com vous dévoile dans les lignes qui suivent ce Camerounais en question.

Son nom est Gabriel Ebili. C’est un ancien technicien de la Crtv. Selon la version officielle et certains travaux, c’est lui qui a débranché les câbles FM de la Radio nationale le 6 avril 1984 empêchant les camerounais de l’arrière pays de vivre les évènements en temps réel , notamment le discours de prise du pouvoir par les putschistes. À croire aux travaux de Louis Marie Ateba, avant le 06 avril 1984, Gabriel Ebili est contacté par des hommes qui lui demandent de coopérer. Selon ces hommes, Ebili se devait de céder, au risque de faire l’objet des représailles. Ebili ne savait ni le jour, ni l’heure de l’opération. Il était alors âgé de 27 ans. Quelques jours avant le coup d’État, il prit le soin de mettre sa famille à l’abri, en l’envoyant à Lolodorf à Bibondi, son village natal. Ayant pris peur, il se garda d’informer sa hiérarchie. Aux premières heures de la matinée du 06 avril 1984, des tirs d’obus retentissaient à Yaoundé, capitale du pays. Comme à l’accoutumée, Gabriel Ebili se rendit à son lieu de service au petit matin. Sans anicroche, il atteignit l’enceinte de Radio-Cameroun. Mais lorsqu’il franchissait le portail, il réalisa que la radio était envahie par les militaires armés. L’un d’eux lui administra une sévère bastonnade. Traîné de force par les mutins, Gabriel Ebili mit les émetteurs en marche. Il se garda discrètement de mettre le C.D.M. en marche. Les mutins se montrèrent de plus en plus menaçants, et le conduisirent au studio. Chemin faisant, Ebili rencontra ses collègues Hyppolite Nkengué et Jean Vincent Tchiénéhom, croupissant dans la torture. Les mutins récupérèrent la bande et ordonnèrent Ebili de faire passer leur discours à l’antenne. Ebili s’y était soumis.

Louis Marie Ateba ajoute que les mutins étaient convaincus du passage effectif de leur message sur l’ensemble du réseau national. Or par les manoeuvres secrètes de Gabriel Ebili, le discours des mutins n’avait été écouté qu’à Yaoundé, constituant ainsi un rôle central dans l’échec du coup d’État du 6 avril 1984. Jusqu’à 16 heures, l’entrée de la radio était encore envahie par les mutins. C’est alors qu’arriva le colonel Samobo pierre et ses troupes restée fidèles au régime. Gabriel Ebili lui fit état de la situation. Ebili et Samobo furent rejoints par le capitaine Ivo. Les mutins étaient dispersés. Dès lors, Ebili restaura les branchements des émetteurs, et diffusa le discours du Président de la République qui stipulait que la situation est redevenue à la normale, et que la radio ne pourrait reprendre son fonctionnement que le dimanche. Le 29 septembre 1984, Gabriel Ebili, Alexandre Kokoh, directeur de la radio, et Francis Achu Samba, ingénieur des télécommunications, recevaient la médaille de la vaillance de l’ordre national, pour avoir « sauvé les institutions du pays ».

Malgré ce geste qui a sauvé Paul Biya, Gabriel Ebili s’était brutalement retrouvé mis à la retraite en 1987 et ne jouissait pas des émoluments y relatifs. Il avait entamé la ronde des rédactions pour crier sa misère et l’ingratitude. Ses cris de désespoir seront consignés dans un document, « Gabriel Ebili, le héros oublié du 6 avril 1984 », un portrait rageur dressé en fin mars 2012 par l’écrivain Charles Ateba Eyene, de regrettée mémoire.

En 2015, le président Paul Biya avait ordonné le déblocage de la somme de 40 millions de francs pour la construction d’une résidence privée digne de ce nom, au profit du technicien radio retraité du Poste national de la Crtv, et également marqué son accord pour la reconstitution de sa carrière administrative.

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