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Sacrifice humain : ‘le cerveau du père Mveng a fait l’objet de marchandage’

Engelbert Mveng est un prêtre jésuite camerounais. Auteur de plusieurs ouvrages en lien avec les arts, l’histoire, l’anthropologie et la théologie, sa dépouille a été retrouvé le 22 avril 1995, le crâne fracassé. Selon les révélations rapportées par la journaliste française Fanny Pigeaud, le cerveau de l’homme de Dieu était convoité par des membres d’une secte.

Les pratiques irrationnelles des responsables camerounais sont cependant aussi encouragées par le fonctionnement arbitraire et la stratégie souvent incompréhensible de Biya : l’impossibilité de se fier à son mérite et à ses compétences pour avoir un poste de responsabilité, ou tout simplement « réussir» socialement, oblige à imaginer d’autres voies et logiques. Des groupuscules ésotériques se sont ainsi constitués et sont devenus, pour certains, d’importants réseaux d’influence et de recrutement pour le pouvoir. « Vous voulez un poste de responsabilité dans la fonction publique ?

Vous voulez entrer au gouvernement ou alors devenir un grand directeur général d’une société ? Désormais au Cameroun, pour avoir un haut poste de responsabilité, accéder au pouvoir social et devenir riche, la voie connue de tous est celle des cercles mystico-magiques », constatait le quotidien Le Messager en 2005. Franc-maçonnerie, Rose-Croix, Ordre des rameaux, Éboka figurent aujourd’hui parmi les sectes les plus connues. Biya a lui-même particulièrement favorisé l’ordre de la Rose-Croix (Amorc), dont on le disait membre : Raymond Bernard, secrétaire général de cette secte, a séjourné à plusieurs reprises au Cameroun et a bénéficié d’importants financements de Biya.

Il a ainsi reçu 3,6 millions de francs nets d’impôt, en 1988, de la Société nationale des hydrocarbures (SNH). En 1990, le président camerounais lui a également acheté pour 5,3 millions de francs un tableau de Bernard Buffet et a fait, toujours via la SNH, un don de 5,6 millions de francs puis un autre de 2 millions en 1989 au Centre international de recherches culturelles et spirituelles (Circes), une association créée par R. Bernard en 1988. La présidence camerounaise a vraisemblablement effectué aussi un virement de 20 millions de francs au même Circes. Enfin, Biya a prêté 40 millions de francs sans intérêt et remboursables en 99 ans à l’Ordre souverain du Temple initiatique (Osti), dont Raymond Bernard a été le grand maître jusqu’en 1997.

Ainsi patronnée, la Rose-Croix a pris beaucoup d’ampleur au Cameroun au cours des années 1980 et des années 1990. La rumeur disait alors à Yaoundé qu’il fallait être rosicrucien pour avoir des chances de devenir ministre. Titus Édzoa a été un membre important de l’ordre, tout comme le général Serge Benaé Mpeké (1930-2007), chef d’état-major particulier de Biya. Depuis la fin des années 1990, la Franc-maçonnerie semble être à son tour devenue l’un des premiers réseaux d’influence et de recrutement au sein de la classe politique et d’affaires du pays. Ces groupes ésotériques pratiquent la magie, la géomancie, le satanisme mais se livrent aussi à des actes criminels, constatés dès le début des années 1990. Certains de leurs cultes « exigent par exemple l’offrande de sacrifices humains ou de certaines parts de l’organisme humain – cas du cerveau, des organes sexuels, du cœur. D’autres vont jusqu’à l’élimination physique des gens et à leur démembrement. Dans les deux cas prévaut l’idée selon laquelle le “pouvoir se mange”, la manducation de certains organes humains permettant de capter la puissance invisible, de se l’approprier et de la déployer contre les ennemis, dans la lutte pour le contrôle de l’État et de ses ressources », ont écrit en 1995 l’historien Achille Mbembe, l’économiste Célestin Monga et le sociologue Yao Assogba.

Le théologien et sociologue Jean-Marc Éla, estimant que le pouvoir était « tombé entre les mains des magiciens », a également affirmé que ces derniers faisaient du trafic d’organes humains et des sacrifices humains. Le cerveau du père jésuite et intellectuel Engelbert Mveng retrouvé assassiné, le crâne fracassé, à son domicile à Yaoundé le 23 avril 1995 « a fait l’objet de convoitise et de marchandage », a témoigné Éla. Il a fait partie de ceux qui ont vu l’ombre du pouvoir et de ses sectes derrière le meurtre du père Mveng, resté officiellement non élucidé. Le religieux, qui avait ses entrées au palais d’Étoudi, aurait été éliminé, selon l’hypothèse la plus souvent évoquée, en raison de son opposition aux pratiques ésotériques dont il était le témoin à la présidence. Parce qu’il dénonçait à son tour les agissements du pouvoir, Jean-Marc Éla a été menacé de mort et obligé de partir en exil peu de temps après l’assassinat du père Mveng. Avant son départ, il avait dans une prédication mis implicitement en cause la présidence dans la mort du père Mveng : « Qu’as-tu fait de ton frère ? », avait-il dit en référence à l’Évangile. Tout le monde avait compris qu’il s’adressait à l’ancien camarade de séminaire du père Mveng : Paul Biya. Quelques années plus tard, Éla a déclaré : « Biya sait
qui a assassiné le père Mveng et doit le dire aux Camerounais.

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