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Magba : Que devient le monopole de la violence physique légitime de l’Etat ?

C’est une interrogation qui vaut son pesant d’or avec les incidents vécus à Magba dans le département du Noun ce vendredi 3 février 2023.
Tout est parti de la visite du roi des Bamoun, Nfonrifoum Mbombo Njoya Mohammed Nabil, au chef de Magba, Ngamon III Soulé. Dans son mot de bienvenue, ce dernier va commettre « l’imprudence » d’appeler son hôte « mon fils ». Les tenants et les aboutissants de « mon fils » ont été vite résumés et reçus comme une défiance à l’égard du visiteur. Dans une vidéo qui tourne en boucle sur la toile, le chef traditionnel de Magba, conséquemment à ce lexique irrecevable, sera dépouillé sur le champ de ses attributs de chef par la garde révoltée du sultan. Ainsi, sa tunique, son bâton, son chapeau et autres, lui seront enlevés. Il est par la suite présenté assis en signe d’allégeance ou de respect au souverain des Bamoun. Le problème que soulève la scène est la démarche, la violence subie par un chef traditionnel qui plus est, sur la place publique, en présence de sa communauté. Suite à ces faits, Magba a connu un week-end particulièrement agité dont la violence était au centre, entre les communautés bamoun et tikar. Alors se pose la question : jusqu’à quand le clash entre les lois républicaines et les pratiques traditionnelles, continuera-t-il de se faire sous le couvert du silence coupable des autorités légales ? Autant personne ne peut dénier l’étendue du pouvoir traditionnel du roi des Bamoun, autant il est inadmissible que le chef traditionnel de Magba subisse tant de violence et d’humiliation dans le cadre de la République, structurée par des lois qui s’imposent à tous. A qui appartient le monopole de la violence dans notre société ? N’est-il pas temps d’exorciser cet usage confus de la violence à tout va dans la cité ? C’est un grand mal dont tout le monde peut en être victime s’il n’est pas combattu avec toute la célérité nécessaire. Ce n’est pas un cas isolé en l’espèce et appelle de ce fait un ressaisissement collectif pour une construction plus harmonieuse de notre vivre ensemble. A Foumban, le maire a déjà essuyé plusieurs fois la violence et des menaces de mort du seul fait qu’en agissant conformément aux prescriptions légales, elle se trouve en porte-à-faux et combattu violemment par les tenanciers des traditions. Dans un tel contexte, au moment où elle est menacée de mort et violentée en toute impunité, que restera-t-il à la longue de l’autorité de l’Etat dans la contrée si une telle situation perdure ? Qu’on se souvienne qu’il n’y a pas longtemps, des gros bras, certainement les mêmes qui ont humilié Ngamon III Soulé, ont saccagé en toute impunité son véhicule de fonction sous le silence des autorités publiques sensées pourtant la protéger comme l’impose la loi. Toutes les péripéties liées à la Porte d’entrée de Foumban, sont encore vivaces dans nos mémoires, où les circonstances donnaient parfois l’amère sensation que les autorités avaient pris fait et cause pour le monarque dans le conflit de compétence avec l’édile de la cité des arts. Ce n’est pas seulement dans le Noun qu’on vit cette défiance affirmée de l’autorité traditionnelle vis-à-vis de la loi. Dans le septentrion, il y a encore des pans entiers de la vie sociale encore réglementés par la coutume et dont la tradition, en parfaite violation des prescriptions légales en la matière. Et là, à la vérité, il convient d’avouer que c’est la violence qui étale les dysfonctionnements et interpellent avec urgence l’action des autorités pour résorber le mal. Cette action-là, n’est rien d’autre que l’application souveraine des textes. Que devient le monopole de la violence physique légitime de l’Etat ? Au nom de quelle loi peut-on déshabiller impunément un chef traditionnel ? Même s’il avait commis un acte de lèse-majesté, n’existe-t-il pas d’autres moyens mieux adaptés pour le ramener sur le droit chemin ? Comment le Cameroun peut-il accepter que des hommes en tenue, qui sont la face visible de la force de l’Etat, soient arrêtés par des jeunes gens et traînés devant un gardien de la tradition ? L’autorité de l’Etat ne se trouve-t-il pas de ce fait menacée ? Dans cette affaire de Magba, qui est en réalité une récidive, il est exposé toute la passivité de l’Etat qui fermente les dérives face au droit positif camerounais. La tradition a tout son champ qu’il faut préserver tout comme l’Etat doit veiller à la sécurité de tous, indépendamment de toutes colorations et appartenances.

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