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«Les inégalités sont toujours là»


Comme certains en doutent, les féministes mettent les points sur les i : oui, la lutte pour les droits des femmes reste nécessaire au Luxembourg, au vu des inégalités qui persistent. Et elles seront dans la rue ce 8 mars pour le crier.

En cette Journée internationale des droits des femmes, la plateforme JIF, qui regroupe 13 organisations, associations et partis politiques luxembourgeois, s’apprête à porter haut ses revendications pour lutter contre les inégalités au Luxembourg. Et cette année, c’est simple, il n’y en a qu’une. «Déjà avec un gouvernement qui se voulait progressiste, on n’a rien obtenu de ce qu’on réclamait. Alors, avec cette nouvelle coalition CSV-DP, on a voulu aller droit à l’essentiel», résume Isabelle Schmoetten, à la tête du CID Fraen an Gender.

Du coup, tout ce que la JIF demande, c’est d’intégrer la dimension de genre à l’ensemble des politiques publiques. Ce qui est loin d’être gagné : «Nous sommes encore à des années-lumière de pouvoir crier victoire en matière d’égalité», estiment les trois militantes que nous avons rencontrées, pointant que les droits des femmes sont menacés ou régressent dans beaucoup de pays et que Luxembourg n’est pas une île.

«On doit continuellement se justifier sur le pourquoi de cette marche, alors que les inégalités sont toujours là, les exemples ne manquent pas», s’agace la directrice, avant d’égrener une longue liste.

D’abord, au Luxembourg, les femmes disposent de moins d’argent que les hommes, en termes de revenus comme de patrimoine. Elles sont aussi six fois plus nombreuses à travailler à temps partiel, souvent de manière subie, et sont surreprésentées dans les secteurs les plus précaires, quand elles n’ont pas réduit, voire stoppé leur activité professionnelle pour élever leurs enfants.

Pas étonnant qu’à l’âge de la retraite, ce soit le grand écart : les femmes perçoivent une pension 43 % inférieure à celle des hommes, là où la moyenne européenne tourne autour de 30 %. «On détient le record en Europe», se désolent ces féministes.

À la maison, ce sont majoritairement elles qui assurent le travail domestique, donc non rémunéré, et qui supportent la charge mentale du foyer. Pour la JIF, des mesures politiques doivent être prises : «En favorisant la présence de la mère au détriment de celle du père avec des congés maternité et paternité inégaux, ça ne fait que perpétuer cette injustice.»

Face à la crise du logement qui frappe l’ensemble de la population, les femmes font partie des groupes les plus durement touchés, avec un budget plus serré et face aux réticences des propriétaires privés à louer leur bien à une mère isolée – huit familles monoparentales sur dix sont composées de femmes avec enfants.

Elles représentent également l’immense majorité des victimes de violences : en 2022, parmi les interventions policières ayant entraîné une expulsion du domicile, la victime était une femme dans neuf cas sur dix. Et comment quitter un conjoint violent quand les foyers d’accueil du pays sont saturés.

Enfin, au niveau du pouvoir politique, les femmes restent cantonnées au second plan : seules 19 bourgmestres sur 100 sont des femmes, 20, sur un total de 60, sont députées, et on compte à peine 5 ministres sur les 15 portefeuilles du gouvernement. Des chiffres accablants.

Pour des politiques au prisme du genre

«Tous ces constats doivent être reconnus par les autorités», plaident-elles, «et le prisme de l’égalité des genres systématiquement appliqué dans la conception, les avis et l’approbation des textes de loi.»

Jessica Lopes insiste : une loi qui se voudrait neutre pénalisera automatiquement le groupe déjà défavorisé. «Prenons l’exemple des pensions. Si rien n’est fait en termes de politique familiale pour s’assurer que les femmes ne soient plus pénalisées à la retraite, le déséquilibre va perdurer, voire empirer.» La militante cite ensuite la loi censée protéger les victimes de violences domestiques… avec un texte neutre en genre. «C’est absurde», lâche-t-elle.

Pour lutter contre toute forme de discrimination, les militantes estiment que le gender mainstreaming s’avère indispensable. Ce concept permettra d’évaluer l’impact concret de chaque projet de loi sur les citoyens en fonction de leur genre. «En parallèle, cela implique de créer des systèmes pour la collecte et l’analyse de données fiables, afin de pouvoir légiférer de manière plus égalitaire, en veillant à la protection des femmes», précise Keren Rajohanesa.

Une approche qui n’a rien de nouveau puisqu’elle est déjà appliquée par l’Union européenne depuis les années 1990, par certains pays ou encore des communes. À quand le tour du Luxembourg?

Opprimées à travers le monde

La JIF s’alarme de la montée des mouvements réactionnaires et de l’extrême droite partout dans le monde, entraînant un rétrécissement des droits des femmes comme des personnes LGBTQI. La traite, la remise en cause du droit à l’avortement, le viol comme arme de guerre, les violences sexuelles dans le contexte migratoire, les restrictions vestimentaires, les atteintes à la liberté, les mutilations génitales et les mariages forcés sont autant de fléaux qui continuent d’écraser les femmes. Et pour les militantes, les causes sont les mêmes, peu importe où on se trouve sur le globe : sexisme structurel, patriarcat et misogynie.

Marche féministe cet après-midi

À l’appel de la plateforme JIF, un millier de personnes sont attendues aujourd’hui à 17 h, place de Paris à Luxembourg, pour participer à la grande marche féministe qui se tient chaque année. «Le 8 mars est un jour de lutte pour combattre les inégalités persistantes, mais aussi une commémoration pour toutes les féministes qui se sont battues avant nous, et à qui l’on doit nos libertés d’aujourd’hui», rappelle Jessica Lopes. Le cortège rejoindra la place Guillaume-II, avant une «after-party» dès 19 h au centre culturel Altrimenti, 5 avenue Marie-Thérèse.

fraestreik.lu

Lutte, commémoration, solidarité : pour les féministes, le 8 mars est une date symbolique. Photo : anouk flesch/editpress



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