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L’armée de l’Air doit « sur-recruter » pour compenser ses problèmes récurrents de fidélisation des aviateurs


Les réformes conduites entre 2008 et 2015, avec l’objectif de supprimer 50’000 postes au sein des armées, ont produit des effets négatifs qui tardent à être gommés. Ainsi, durant cette période, le format de l’armée de l’Air et de l’Espace [AAE] a été réduit de 30% alors que le rythme opérationnel s’est intensifié. Cela s’est traduit par une tension sur ses effectifs, comme l’avait expliqué le général Philippe Lavigne, son chef d’état-major [CEMAAE] en 2019.

« Nous faisons […] face à une recrudescence de départs non souhaités, dont le nombre a doublé depuis 2015. Cela peut s’expliquer par des surcharges de travail, des absences prolongées du domicile dues aux sous-effectifs et aux multiples engagements, ainsi que par des aspirations différentes des nouvelles générations, plus volatiles. Il est donc impératif de trouver des leviers de fidélisation », avait-il en effet expliqué lors d’une audition parlementaire, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2020.

Seulement, la page des suppressions de postes étant tournée, l’AAE doit désormais augmenter ses effectifs… alors qu’elle est toujours confrontée à un nombre toujours élevé de départs. Un phénomène que l’actuel CEMAAE, le général Stéphane Mille, a récemment qualifié « d’évaporation des talents ».

« L’armée de l’Air et de l’Espace, comme les autres armées, souffre d’un déficit de fidélisation, notamment concernant le personnel navigant, ainsi que les spécialistes du Maintien en condition opérationnelle, du contrôle aérien et des systèmes d’information et de communication [SIC]. Le nombre de départs n’a ainsi jamais été aussi élevé, pour atteindre 3130 départs en 2022 », a ainsi souligné le député Frank Giletti [RN], dans son avis budgétaire dédié à l’AAE.

Aussi, si elle veut satistaire ses schémas d’emplois, l’AAE doit « sur-recruter ». C’est ainsi que, au cours des trois dernières années, elle a recruté environ 10’000 aviateurs [dont 3450 en 2022], ce qui représente 25% de ses effectifs.

La conséquence est que ses capacités d’accueil et de formation sont proches de la saturation. Par exemple, a relevé M. Giletti, l’École de formation des sous-officiers de l’armée de l’Air [EFSOAA] de Rochefort a vu ses recrutements passer de 700 par an en 2014 à 1800 en 2023… Et cela alors que ses « locaux ne sont pas dimensionnés pour une telle augmentation ». Lors de son audition à l’Assemblée nationale, le CEMAAE a évoqué ce problème. « Aujourd’hui, nous sommes au maximum des capacités disponibles en matière de formation », a-t-il dit aux députés.

Aussi, aller au-delà de 3400 recrutements par an « sera ainsi une gageure pour les années à venir », estime M. Giletti. Et si « l’évaporation des talents » se poursuit, le manque de personnels qualifiés risque donc de s’accroître… D’où la nécessité d’améliorer la fidélisation des aviateurs.

Pour cela, plusieurs leviers peuvent être utilisés. Comme, d’abord, le recrutement précoce des aviateurs, comme le permet l’École d’enseignement technique de l’armée de l’air [EETAA] de Saintes. Ainsi, rappelle le rapporteur, plus de 80% de ses élèves poursuivent leur scolarité à l’EFSOAA de Rochefort et restent huit ans de plus que la moyenne des aviateurs au sein de l’AEE. « Cela démontre que la fidélisation est d’autant plus forte que les personnes ont été recrutées précocement par l’institution militaire », en conclut-il.

Un autre levier pour l’AAE consiste à « limiter le débauchage massif et non concerté de ses aviateurs par les entreprises du secteur de l’aéronautique civil », en nouant des accord avec celles-ci afin de coordoonner les départs. « Cette convention, initialement conclue avec Air France, est actuellement en cours d’extension pour couvrir les grandes entreprises de la Base industrielle et technologique de défense et la Direction générale de l’aviation civile », indique M. Giletti. Seulement, cette politique mettra sans doute du temps avant de produire ses effets…

Tout comme l’amélioration des conditions de vie et de travail, qui est un autre levier, au même titre que le « plan famille ».

Mais le principal moyen de conforter cette fidélisation passe par la rémunération. Elle « constitue l’outil privilégié pour fidéliser davantage nos militaires », estime M. Giletti. Et celui-ci de témoigner, pour avoir effectué de « nombreuses visites de terrain », que « la revalorisation de l’indiciaire constitue la mesure la plus attendue des militaires ».

Revalorisation qui, aux yeux du rapporteur, est « d’autant plus importante que le retrait des forces armées de la bande sahélo-saharienne fait craindre une baisse des ‘primes OPEX’, que la prime de liens au service entraîne des inégalités de traitement entre militaires qui peuvent être sources d’incompréhension, et que la nouvelle politique de rémunération [des militaires] est encore mal appréhendée au sein des troupes [conséquences de la fiscalisation des primes et de l’absence de prise en compte au titre des pensions] ».

Cependant, prévient Frank Giletti, cette revalorisation ne doit pas pour autant se traduire par une aggravation du « tassement de la grille indiciaire », ce qui serait susceptible de « démobiliser les sous-officiers et officiers qui assurent les contraintes les plus importantes, sans réelle plus-value financière ».

Photo : AAE





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