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La bande frontalière rêve de la manne fiscale du Luxembourg


« Services quoi ? Services publics ? » A Villerupt (Meurthe-et-Moselle), à quelques kilomètres du Luxembourg, la présence de l’Etat n’est plus qu’un souvenir et la commune demande, comme d’autres villes frontalières, une « contribution » fiscale au Grand Duché voisin.

Plus de 117.000 habitants de Lorraine travaillent au Luxembourg et y paient leurs impôts, dont pas un centime ne revient en France. Alors le 8 mars, un collectif d’élus a demandé que le voisin contribue aux dépenses des communes frontalières, qui ne veulent plus être des « zones dortoirs sans dynamique économique » aux loyers inabordables.

Quatre-vingts élus français et deux députés luxembourgeois réclament la mise en place d’une convention entre les deux pays, sur le modèle de celle existant avec la Suisse. « Si le Luxembourg adoptait la même convention (…), il devrait reverser 3,5% des salaires bruts des frontaliers » aux communes, soit quelque 185 millions d’euros par an, écrit dans un communiqué la députée LFI de Meurthe-et-Moselle Martine Etienne, à l’origine de l’initiative.

A Rédange, 1.000 habitants, pas de café ni de boulangerie, seulement la mairie. En face, Belvaux, au Luxembourg, offre un bar-restaurant, une poste, une université… Et non loin, un immense centre commercial autour d’immeubles flambant neufs.

« Dans une ville (de 10.000 habitants) comme Villerupt, il n’y a pas assez d’argent » pour développer les services publics, dit Mariette, une retraitée qui souhaite taire son patronyme. « Il n’y a plus d’usine, ils travaillent tous de l’autre côté », en Belgique ou au Luxembourg, soutient-elle. Il faudrait que « le Luxembourg donne une partie » des sommes récoltées via les impôts.

« Sentiment d’abandon »

« On a quand même été abandonnés », relève le maire (PCF) de Villerupt Pierrick Spizak. Et « on voit que c’est l’ensemble des services publics qui mettent la clé sous la porte », accuse-t-il: « On n’a plus de CAF (Caisse des allocations familiales, ndlr), Pôle Emploi fait une permanence par semaine, le Trésor public maintenant est à Longwy… Ce sont toutes ces choses-là qui créent aussi ce sentiment d’abandon. »

En mai dernier, une fusillade sur un point de deal a fait cinq blessés dans cette commune, touchée comme ses voisines par le trafic de drogue, ou encore par les « marchands de sommeil » qui louent des appartements insalubres.

« A part les bus, il n’y a pas de services publics », abonde un habitant d’une trentaine d’années, qui ne souhaite pas donner son identité. Nombre de ces bus sont floqués de l’acronyme « RGTR », pour « Régime général des transports routiers », un opérateur luxembourgeois.

Dans une lettre envoyée à Emmanuel Macron en juillet, le maire de Mont-Saint-Martin (4.000 habitants) avait évoqué des « services publics exsangues ». La Poste, qui avait été attaquée à l’explosif, y est par exemple restée fermée près de deux ans. Les émeutes de l’été dernier ont aussi fortement touché la commune.

Différent de la Suisse 

Jusqu’à maintenant, la France et le Luxembourg ont choisi un « modèle fondé sur le co-développement de projets d’intérêt commun financés conjointement par les deux États », rappelle la préfecture de Meurthe-et-Moselle.

L’ancien maire de Villerupt, Alain Casoni, était à l’origine, dès le début des années 2000, de cette demande de rétrocession fiscale. « Elle est nécessaire pour combler les inégalités », insiste son successeur, qui plaide pour « une juste répartition de la richesse créée par les frontaliers qui reviennent chez nous le soir ».

Une proposition de résolution a été déposée à l’Assemblée nationale en septembre par la députée Martine Etienne, qui porte ce combat aux côtés de deux autres députées LFI. Le collectif souhaite que Paris entre en négociations avec Luxembourg.

Mais « on ne peut aujourd’hui sur le plan du droit fiscal international faire référence ou appel, s’agissant du Luxembourg, au concept de rétrocession fiscale et aux précédents helvétiques », selon les services de l’Etat en Meurthe-et-Moselle.

En effet, la compensation qui existe entre Paris et la Suisse est « non pas fiscale mais financière, essentiellement motivée par le fait que vivent dans ces départements non seulement de nombreux frontaliers français, mais également de nombreux ressortissants de nationalité suisse », explique la préfecture.



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