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« Je n’ai jamais été un grand voyant »


Poursuivi pour avoir escroqué, sous un faux nom, trois Portugais, un quadragénaire comparaît depuis jeudi devant le tribunal correctionnel. Le parquet lui reproche d’avoir, en sa qualité de «grand voyant médium», abusé des victime et empoché plus 55 000 euros en faisant croire à l’existence de démons fantômes.

« J’avais des problèmes avec ma femme. Elle voulait me quitter », raconte Antonio*, 41 ans. Dans un journal gratuit, cet ouvrier forestier découvre la petite annonce en 2013. Convaincu d’avoir trouvé la solution à son problème personnel, il contacte le marabout. «Est-ce que vous avez confiance en ces annonces ?», l’interroge le président. – «Maintenant non.»

En effet, sa femme, il ne l’a jamais récupérée. Et, en tout, il a perdu autour de 40 000 euros… Dans un premier temps, il dit avoir rencontré deux à trois marabouts auxquels il a payé autour de 20 000 euros pour les séances spirituelles. Sans succès : «Ma femme n’est pas revenue.» Il tente donc de se faire rembourser ses consultations. C’est alors qu’il entre en contact avec le prévenu, un certain «Jacob». «Il m’a dit que ‘Momo’ était à Monaco. Pour le faire revenir, je devais lui payer 1 200 euros.» Le président s’intéresse : «Après votre rendez-vous avec ‘Jacob’ et ‘Momo’, est-ce que vous avez eu plus de succès ?» – «Non.» Sauf que cela lui a de nouveau coûté 20 000 euros. Cet argent, il l’avait en grande partie emprunté auprès de sa sœur et de son frère.

«Comment ça s’est terminé ?», le relance le président. – «La dernière fois, ‘Jacob’ voulait encore plus d’argent.» Il assure ne plus recourir à des marabouts : «C’était la première fois. Mais aussi la dernière fois. Maintenant, je suis quand même séparé de ma femme.»

Ce n’est pas la seule victime à avoir exposé son histoire, jeudi matin, devant la 12e chambre correctionnelle. Pedro* (59 ans) s’est également fait envoûter par les mots d’un marabout. «C’est un moment désespéré où on ne sait même plus ce qu’on fait.» Voilà son explication. À la différence du premier témoin, il n’a toutefois pas formellement reconnu l’homme qui se trouve aujourd’hui sur le banc des prévenus. À l’époque, il s’inquiétait de la chute des résultats scolaires de ses filles. Via une petite annonce, il entre en contact avec un certain «Kakimbo». Les 15 400 euros qu’il place dans une boîte en métal «pour renforcer le travail spirituel», il ne les reverra jamais. Sur les conseils du marabout, il avait également acheté un soixantaine de bougies, des œufs et… des citrons. Ce qui fait qu’aujourd’hui il lui réclame 15 850 euros au titre du préjudice matériel.

Potion magique contre les mauvais esprits

La troisième victime que le parquet reproche au prévenu d’avoir escroquée avait fait appel à un marabout pour régler ses problèmes conjugaux. Pour faire disparaître les mauvais esprits, le professeur lui avait fait boire une potion magique. Après avoir déboursé 290 euros, le mari désespéré était sur le point de contracter un prêt bancaire à hauteur de 7 500 euros. Il s’était même rendu à la police à Diekirch pour qu’elle l’aide dans cette opération.

Ce n’est pas la seule victime qui s’est adressée à la police en 2013. Début février, elle avait déjà reçu la plainte du quadragénaire qui s’est fait extorquer 20 000 euros. Lors de son audition à la police, il a pu livrer plusieurs indices – dont sa plaque d’immatriculation et une adresse de rendez-vous à Longwy – permettant d’identifier le prévenu qui habite aujourd’hui Poitiers (F). La police découvrira à Longwy plusieurs caisses de prospectus signés du professeur «Jacob».

Lors de son extradition en 2017, il explique ne pas connaître le Grand-Duché. Tout ce qu’il concède, c’est de s’être rendu à Longwy pour la vente d’une voiture. «Je n’ai jamais été un grand voyant médium», s’est-il défendu, hier, face aux juges. Sur les trois noms de victimes cités, il prétend juste connaître le premier. «Mais il ne m’a pas donné un centime», assure-t-il.

Une audience n’aura pas suffi pour venir à bout des débats. Un dernier témoin et un psychologue doivent encore être entendus avant les plaidoiries de la défense et le réquisitoire du parquet. Le procès se poursuit le 7 mars.

Fabienne Armborst

* Prénoms d’emprunt.



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