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«Elle a trouvé la poule aux œufs d’or !»


Début 2017, un septuagénaire avait confié sa carte bancaire à une jeune femme pour acheter un gâteau. Elle en a profité pour aller grignoter ses réserves sur son compte… L’histoire finit au tribunal.

À 79 ans et sans famille, il était sans doute content d’avoir trouvé un peu de compagnie. Alors qu’il rentrait du supermarché à Pétange, une jeune femme de 22 ans était venue l’aider à pousser son caddie. Elle l’avait accompagné jusqu’à son domicile pour lui porter ses courses. Il comptait boire le café avec elle. Afin qu’elle puisse aller leur acheter un gâteau, il lui avait donc donné sa carte bancaire… Sauf qu’elle avait profité de cette occasion pour inspecter ce qu’il avait sur son compte en banque. Elle visait visiblement une plus grosse part du gâteau. Comme dira le parquet dans son réquisitoire : «Elle a trouvé la poule aux œufs d’or!»

Cela ne s’était en effet pas arrêté avec les retraits de 500 et 220 euros, ce 13 janvier 2017. En deux petites semaines, elle avait réussi à déplumer le septuagénaire de près de 9 000 euros. Elle était bien entrée dans sa vie. La preuve : elle avait même réussi à obtenir une procuration sur son compte. Ce qui lui avait permis de retirer 2 500 euros d’un seul coup à Pommerloch. Un projet de mariage était même dans les airs…

Sauf que début février 2017, en allant un jour faire ses courses, plus moyen pour l’homme de mettre la main sur sa carte bancaire. La découverte sur son extrait de compte de dépenses pour lesquelles il n’avait pas d’explication avait inquiété le septuagénaire. Il avait décidé de bloquer sa carte et de porter plainte.

Le gâteau, le lavabo et… le jambon cuit

«Il avait beaucoup de fierté masculine. C’était difficile d’avouer qu’il s’était fait abuser», se souvient l’aide senior qui l’a accompagné dans ses démarches.

À l’aide des caméras de vidéosurveillance installées aux distributeurs de billets, la police avait réussi à identifier deux personnes. La première était la jeune femme qu’il avait accueillie chez lui. Elle était rapidement passée aux aveux. Elle conteste toutefois avoir abusé de sa faiblesse. «Je ne l’ai pas forcé à donner cet argent. Il était très lucide. Il m’a donné sa carte bancaire pour acheter un gâteau», a répété mardi matin à la barre du tribunal la jeune maman, âgée aujourd’hui de 26 ans. Polytoxicomane à l’époque, elle raconte avoir été «en manque» et «à la recherche d’argent».

«La toxicomanie n’est pas non plus une excuse pour tout», lui insufflera la présidente. Quant aux regrets exprimés, le tribunal, qui a vu les photos des caméras de surveillance, a exprimé ses doutes : «Vous étiez tout sourire!»

Sur le banc des prévenus l’accompagne l’homme qu’elle avait fait passer au septuagénaire pour son frère… Mais en réalité, c’était son petit ami. Lui aussi avait squatté l’une ou l’autre fois la maison à Pétange. À 37 ans, il n’en est pas à son premier passage devant la justice. Il a d’ailleurs décidé de se défendre sans avocat: «Qu’est-ce que je fais avec un avocat qui ne savait rien du tout sur mon dossier quand je l’ai vu?»

Face au juge d’instruction, le trentenaire ne s’était pas montré très loquace. «Vous ici êtes aussi plus sérieux!», a-t-il lancé aux juges de la 13e chambre correctionnelle avant de déballer sa version. Il ne leur a pas caché avoir reçu une des deux cartes pour acheter du matériel et réparer le siphon du lavabo. Il y avait aussi eu les frais pour les nuits qu’il a passées au Parc Hôtel à Dommeldange. «Aucun autre hôtel n’étant libre, j’ai dû prendre le plus cher…» Enfin, il aurait acheté du jambon cuit au septuagénaire. «Car il aimait cela.» Selon le prévenu, la goutte d’eau qui a fait déborder le vase ce sont les 2 000 euros qu’il a déboursés pour acheter des vêtements à Bruxelles. «Il m’avait dit : « Pas plus de 500 euros ». J’ai donc dû partir…»

Abus de faiblesse ou abus de confiance?

La défense de la jeune femme conteste l’infraction de l’abus de faiblesse. «Elle avait le droit de retirer de l’argent. Elle a juste exagéré», argue Me Brian Hellinckx qui note en outre qu’aucune expertise n’a été réalisée pour voir si le septuagénaire était une personne vulnérable. Voilà pourquoi l’avocat plaide en faveur de l’abus de confiance.

«Pour être victime d’un abus de faiblesse, il ne faut pas nécessairement être gaga. Le septuagénaire avait besoin d’affection, elle s’est glissée dans sa vie», estime, pour sa part, le représentant du parquet. «Il n’y a pas eu une seule étincelle d’amour. Elle a juste abusé de sa solitude», soulèvera encore le substitut principal Laurent Seck dans son réquisitoire. «La carte bancaire, c’était pour remplir le frigo. Aujourd’hui, on tente de nous faire croire que c’est pour rémunérer le fait qu’elle s’est prostituée devant lui…»

Quatre pages de casier judiciaire

Vu son absence d’antécédents judiciaires, le parquet requiert 24 mois de prison avec sursis probatoire contre la jeune femme avec l’obligation qu’elle poursuive ses soins en relation avec son problème de toxicomanie. Contre le trentenaire actuellement détenu à Schrassig pour une autre affaire et dont quatre pages noircissent déjà le casier judiciaire, un sursis n’est plus possible. Il demande donc 30 mois de prison ferme. Âgé entretemps de 82 ans, le plaignant habite aujourd’hui dans une maison de retraite.

Prononcé le 29 octobre.

Fabienne Armborst



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