International

Changer de langue, c’est changer de façon de penser



La langue dans laquelle on s’exprime, quand on est polyglotte, détermine de très nombreuses perceptions et de très nombreux comportements, d’après plusieurs chercheurs en psychologie, explique le journaliste scientifique David Robson dans les pages du Guardian. “Ce phénomène est connu sous le nom d’‘effet langue étrangère’, et ses avantages peuvent être une source d’inspiration pour tout personne souhaitant enrichir son esprit avec les mots d’une autre langue”, écrit-il. Cet effet ne doit pas être confondu avec le déterminisme linguistique. Tel mot plutôt qu’un autre n’entraîne pas en lui-même un changement. Ce sont le passage d’une langue à une autre, la gymnastique mentale que cela nécessite et la distance que cela entraîne qui expliquent l’“effet langue étrangère”.

Le professeur Boaz Keysar, de l’université de Chicago, s’en est fait une spécialité. Il a constaté à l’issue de plusieurs séries d’expériences que les gens qui pensent dans une autre langue que leur langue maternelle optent pour le choix utilitariste (sacrifier une personne pour en sauver cinq, par exemple) plutôt que pour l’inaction. “Une collaboration ultérieure avec Albert Costa, de l’université Pompeu Fabra de Barcelone, a documenté les mêmes résultats auprès de divers participants venant des États-Unis, d’Europe et d’Asie”, souligne le quotidien britannique.

Outre une facilité à prendre une décision utilitariste, la pratique d’une langue étrangère influence plusieurs de nos biais cognitifs courants :

  • Moins d’aversion au risque : Boaz Keysar a remarqué que les gens avaient tendance à être moins craintifs et à prendre plus de risques quand ils pensaient dans une langue étrangère.
  • Moins d’“effet de cadrage” : dans une langue étrangère, on est moins sensible à la formulation des messages qu’à leur contenu.
  • Moins d’“illusion de l’unique invulnérabilité” : une étude de Michal Bialek, professeur agrégé à l’Université de Wroclaw, en Pologne, révèle que, si nous pensons habituellement commettre moins d’erreurs qu’une personne moyenne, il n’en est rien quand nous nous mettons à penser dans une autre langue. Nous serions ainsi moins imbus de nous-mêmes.
  • Moins de détresse causée par la mémoire : se souvenir de choses dans une autre langue que celle dans laquelle elles se sont produites induit une certaine distance qui rend les événements traumatisants du passé moins douloureux.
  • Un plus grand souci de l’exactitude des souvenirs : la dernière étude de Boaz Keysar, dirigée par son doctorant Leigh Grant, a montré que changer de langue peut décourager la création de faux souvenirs. S’exprimer dans une autre langue que sa langue maternelle entraîne un souci de l’exactitude.
  • Plus de tolérance à l’incertitude : selon Silvia Purpuri, de l’université de Trente, en Italie, le recours à une langue étrangère permet d’envisager plus sereinement l’incertitude et d’être plus créatif. “Ceux qui ont des niveaux élevés de tolérance à l’incertitude font preuve de plus de flexibilité et d’adaptabilité, conduisant à un environnement de travail plus harmonieux et à de meilleures performances globales”, explique la chercheuse.



Source link

Please follow and like us:

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

RSS
Follow by Email
YouTube
Pinterest
LinkedIn
Share
WhatsApp