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C’est bouclé : le tribunal a tranché, Ivana Essomba et Amougou Belinga connaissent leur sort dans l’affaire Bryan Fombor

Le ministère public soutient sans ambages que l’accusée principale, Ivana Obama Essomba, l’épouse du Directeur général de Vision 4 et les autres mis en cause se sont concertés pour donner la mort à Bryam Formbor au lieudit Texaco Omnisport à Yaoundé. Une thèse que le collectif des avocats de la défense conteste en dénonçant un dossier bâclé avec en arrière-pensées des règlements de comptes à des innocents.

Le collège des magistrats du Tribunal de grande instance (TGI) du Mfoundi en charge de l’examen du dossier opposant les ayants-droit de Boris Bryam Formbor Fabo, l’ancien amant décédé de Ivana Obama Essomba, et celle qui est devenue l’épouse du «journaliste-vedette» de Vision 4 et de nombreuses autres personnes, a du pain sur la planche. Au terme des débats houleux pendant lesquels chaque partie au procès a essayé de tirer la couverture de son côté, il revient au collège des juges de démêler les écheveaux pour dire qui a effectivement assassiné Bryam Formbor Fabo, une sorte de célèbre vedette de la nuit. Le crime décrié est survenu dans la nuit du 4 au 5 juin 2020 au lieudit Texaco Omnisport à Yaoundé.

Le 26 avril 2023, l’audience consacrée aux réquisitions du ministère et aux plaidoiries des avocats des parties au procès a duré plus de 6 heures à cause du nombre important des intervenants et de la durée des exposés des uns et des autres. Comme c’est de règle, le représentant du parquet a été le premier à prendre la parole pour présenter l’accusation en l’absence des ayants-droits du jeune Bryam Formbor régulièrement représentés par leur avocate. Pendant deux heures, le magistrat du ministère public a démontré, d’après lui, les raisons pour lesquelles il est convaincu de la culpabilité de tous les accusés dans cet assassinat.

Pour planter le décor, le magistrat a rappelé que c’est sur la base de l’ordonnance de renvoi du 24 janvier 2022 du juge d’instruction du TGI du Mfoundi que la nommée Ivana Catherine Obama Essomba, mais aussi Maxime Nailengari, vigile, Patrick Nde Mouaffo, mécanicien, André Agladala, Djingui Djamo, Gustave Martial Mbida, mototaximan, Armel Amborira, commerçant, et Salomon Hamada, décédé à la prison centrale Yaoundé Kondengui en cours de procès, ont été renvoyés en jugement pour répondre des faits de coaction d’assassinat. Le procès-verbal de l’enquête policière, les éléments de l’information judiciaire et les listings des appels effectués par l’accusée principale et les images de la vidéo surveillance de la police installée sur le lieu du crime, ont servi d’éléments de preuve au soutien de l’accusation. Celle-ci n’a pas pu faire comparaître les nombreux témoins dont la liste avait pourtant été communiquée au tribunal.

Habits entachés de sang

Selon le représentant du parquet, dans la nuit du 4 au 5 juin 2020, précisément aux environs de 00h 56 min, au lieudit Texaco Omnisport, le jeune Bryam Formbor Fabo a été mortellement criblé de coups de poignard par des malfrats qui n’ont emporté que son téléphone portable et ont aussitôt pris la fuite laissant le corps de ce dernier gisant dans une mare de sang. Une enquête ouverte et diligentée par la Division régionale de la police judiciaire du Centre a permis d’appréhender comme co-auteurs du forfait tous les accusés, note-t-il. Et pendant son long exposé, le parquet est revenu totalement sur les déclarations faites par chacun des mis en cause lors de l’enquête préliminaire et de l’information judiciaire avant de souligner qu’à toutes ces phases de la procédure judiciaire, les inculpés ont persisté à rejeter les faits de coaction d’assassinat qui leur étaient reprochés.

Dans la suite de son récit, le parquet a présenté Catherine Ivana Obama Essomba comme le cerveau du crime, indiquant que les déclarations de cette dernière faites devant le juge d’instruction et celles avancées devant le tribunal avaient varié. A l’information judiciaire, dit-il, cette dernière avait expliqué qu’elle n’est pas apparu dans les images de la vidéo surveillance de la police au même moment que le défunt parce que les caméras de la police n’étaient pas disposées de son côté. De plus, elle raconte ne s’être pas souciée du sort de son ancien amant lorsqu’elle s’était faite extirper de la scène par des individus venus à son secours, parce qu’elle était préoccupée à sauver sa vie. Elle a, par ailleurs, déclaré qu’elle avait rejoint son domicile aux environs de 2h du matin et avait demandé à son gardien de détruire les habits entachés de sang qu’elle portait sous le prétexte qu’elle ne voulait pas avoir le souvenir de cette nuit du crime.

Or, a rappelé le représentant du parquet dans la suite de son propos, l’accusée Ivana Obama Essomba avait également soutenu avoir déclaré à son copain Bruno Bidjang, devenu son époux aujourd’hui, que le regretté «Bryam Formbor était venu chercher de l’argent pour éviter qu’il ne soit pas jaloux et qu’il puisse l’épargner de cet aspect de la vie». Le magistrat a souligné que les autres accusés n’ont pas varié dans leur ligne de défense adoptée depuis l’enquête policière.

Images sciemment floues

A l’audience, note l’accusation, tous les accusés ont plaidé non coupable. Au cours des débats, Ivana Obama Essomba, confie le parquet, a reconduit à quelques nuances près ses déclarations faites pendant les phases antérieures du procès. «Elle a toutefois prétendu n’avoir pas remis les vêtements qu’elle arborait pendant la nuit du crime à son gardien pour les jeter ou les détruire. Bien plus, elle a varié s’agissant de son agression, pour déclarer que celle-ci s’était produite quelques instants après que Bryam Formbor était sorti de son véhicule, avant qu’elle ne soit entraînée dans un coin obscure par ses agresseurs», a indiqué le ministère public. Il a également noté que contrairement à ses déclarations lors des deux autres phases de la procédure, l’accusée avait affirmé que les caméras de la police n’étaient pas positionnées de son côté, elle avait fourni à l’audience une clé USB dont les images avaient été sciemment rendues floues pour dire qu’elle était visible sur la scène du crime.

L’autre contradiction de la mise en cause vient du fait que celle-ci a déclaré avoir été accompagnée à son domicile par une de ses amies alors que son vigile avait déclaré à l’enquête préliminaire que sa patronne était arrivée à bord d’un taxi dans lequel se trouvait quatre occupants. «Nous avons noté, entre autres, les incohérences de l’accusée Ivana Essomba dans toutes les phases du procès. Ces incohérences illustrent à suffire la volonté de cette dernière d’empêcher la manifestation de la vérité, notamment la planification macabre de l’assassinat de Formbor Fabo dont elle avait été l’actrice en appelant ce dernier à la mort depuis le lieudit Nkolmesseng Safari», a déclaré le parquet.

Il a ajouté que, pendant la procédure, tous les accusés ont dit qu’ils ne se connaissent pas alors qu’ils avaient des liens de voisinage pour certains et habitaient sous le même toit pour d’autres. Ce sont ces éléments, en plus des images des caméras de surveillance de la police dans lesquelles certains accusés ont été identifiés et appréhendés, qu’il y avait lieu, selon les dires de l’accusation, de penser à une connivence macabre entre les accusés. Pour le parquet, Ivana Obama Essomba veut à tout prix tirer avantage de ce que Bryam Formbor Fabo avait été réduit au silence éternel pour passer un tissu de mensonges sans contradicteur pertinent. Mais, face à la réalité cela ne passera pas, a-t-il martelé.

Au terme de ses réquisitions, le ministère public annonce que tous les documents admis comme pièces à conviction par le tribunal à l’audience sont les éléments de preuve irréfutables de la culpabilité des coaccusés d’avoir ensemble et avec préméditation, causé la mort de Bryam Formbor Fabo. Raison pour laquelle il a demandé au collège des juges de déclarer tous les accusés coupables des faits de coaction d’assassinat.

Traitement de faveur

L’argumentaire du parquet a été totalement corroboré par l’avocate des ayants-droits de Formbor Fabo, qui a ajouté que Ivana Obama Essomba avait affiché une attitude inhumaine caractérisée par la froideur, l’indifférence face au corps de son ancien amant qui gisait dans une mare de sang. L’avocate s’est posée des questions qui sont restées sans réponses, notamment celles de savoir si l’accusée était une amoureuse éconduite ou si elle avait été payée pour assassiner son ancien amant. Elle a aussi évoqué le traitement de faveur dont bénéficie la mise en cause en matière criminelle d’assassinat en comparaissant libre alors que les autres accusés croupissent à la prison centrale de Yaoundé – Kondengui. A noter qu’elle est aujourd’hui l’épouse de l’un des employés de confiance de M. Amougou Bélinga, proche du Garde des Sceaux qui a toujours tout obtenu des juridictions de Yaoundé.

Pour la défense de la liberté de leurs clients, les cinq avocats des accusés ont tour à tour pris la parole. Ils ont balayé du revers de la main les arguments déployés par l’accusation. De manière succincte, les hommes en robe noire ont pris le contre-pied du parquet sur l’ordonnance de renvoi qui avait été bâclée pour les besoins de la cause, sur les ragots des réseaux sociaux et la condamnation que ceux-ci avaient prononcée contre Ivana Obama Essomba. Les avocats de la défense soutiennent que le dossier est vide et a été monté avec légèreté pour régler les comptes à leurs clients à qui l’accusation veut à tous les prix attribuer un assassinat. Ils soutiennent que cette affaire est une cabale étant donné que l’accusation n’a pu démontrer les éléments de coaction pendant les débats.

Le ministère public, d’après la défense, s’est essentiellement appuyé sur une ordonnance de renvoi reposant uniquement sur des images floues, qualifiées de silhouettes, où il difficile d’identifier les personnes. Pis, le parquet, ajoutent les avocats, n’a présenté ni un témoin devant la barre, ni le poignard du crime, encore moins effectué un examen de sang pour établir les responsabilités ou non des accusés dans cet assassinat. Ils soulignent également que les listings d’appels dont l’accusation se prévaut pour accabler Ivana Obama Essomba sont de simples brouillons puisqu’ils n’ont pas été authentifiés par l’Agence nationale des Technologies de l’Information de la Communication (ANTIC).

Ils ont conclu leurs propos en relevant que les faits de coaction d’assassinat pour lesquels les accusés ont été renvoyés en jugement ne sont pas caractérisés étant donné que les éléments préparatoires du crime, la concertation, qui sont, entre autres preuves de la préméditation, n’ont pas été démontrés au cours des débats. Ils demandent au tribunal de dire le droit en déclarant les accusés non coupables des faits mis à leurs charges. La décision du tribunal sur la culpabilité ou non de Ivana Obama Essomba et ses coaccusés est attendue le 31 mai 2023.

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