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Ana Girardot (Madame de Sévigné) cash sur ce qui a été le plus difficile avec Karin Viard : « Elle supporte mal les contraintes »


Le rendez-vous est fixé dans un café du 10e arrondissement de Paris, à une heure où l’on imagine que les stars (comme les princesses) dorment encore… Mais Ana, pétillante, ponctuelle, gracieuse en sweat XXL, a déjà entrepris mille projets, joué avec son fils Jazz, avant de le déposer à la maternelle. Elle ne s’est pas souciée de « paraître », mais rayonne de beauté.

Fille d’acteurs (Isabel Otero et Hippolyte Girardot), petite-fille de peintres (Clotilde Vautier et Antonio Otero), cette artiste âgée de 35 ans a la passion du jeu, le goût de l’art et une carrière haute en couleur. Elle se livre avec plaisir sur son actualité, ses envies, et ce métier qui l’anime tant.

Vous êtes à l’affiche, le 28 février, de Madame de Sévigné. Parlez-nous de ce drame historique…

ANA GIRARDOT. J’incarne Françoise, la fille de la célèbre marquise qui lui envoyait les lettres devenues littérature française. Alors que sa mère veut faire de Françoise une femme libre et indépendante, la comtesse de Grignan n’a aucune volonté d’émancipation. Elle ne pense qu’à son mariage ! Voilà qui suscite déception, incompréhension, voire névrose et obsession.

Mère et fille entretiennent une relation fusionnelle et tourmentée…

A. G. Madame de Sévigné, jouée par Karin Viard, tente d’imposer sa vision du bonheur, d’un destin louable, comme une projection d’elle-même. C’est une forme d’emprise dont Françoise essaie de se détacher… pour mieux se consacrer corps et âme à son époux. Françoise écoute son cœur et non la raison de sa mère. Guidée par ses sentiments, elle n’est que dévotion pour son vieux général de Provence.

Quels accessoires vous ont permis de composer ce rôle avec Karin Viard ?

A. G. J’aborde toujours un personnage à travers le costume. Le XVIIe siècle, c’est l’époque des Précieuses, des salons, des coiffures grandioses et du maquillage outrancier. Mais le vêtement le plus symbolique, c’est le corset. Raide, bloquant, limitant, il entrave les mouvements, empêche de se déplacer, et, en ce sens, révèle la position de la femme. Karin Viard supportait très mal cette oppression, comme elle supporte mal les contraintes, les obligations. Moi, je suis à la fois laborieuse, endurante au mal et d’un naturel docile…

Vous jouez la « plus jolie fille de France », de son adolescence jusqu’à ses six grossesses et les ravages de la maladie…

A. G. Françoise ne sait gérer ni sa beauté ni le désir qu’elle suscite. Sacrificielle, elle ne se nourrit pas, néglige sa santé, frôle la mort en couches… De mon côté, j’aime qu’un tournage m’éprouve physiquement, me mette en difficulté, me pousse dans mes retranchements. Cela aide à ne pas jouer les divas alors qu’on vous bichonne comme une poupée. Je crois que j’ai besoin de me sentir courageuse, coriace même.

Vous devez souffrir… pour être « bonne » (actrice) ?

A. G. J’assume la douleur, je l’endosse, mais elle ne m’atteint pas, elle me glisse dessus. Je ne l’emporte pas avec moi à la cantine : elle s’arrête à l’instant où j’entends « coupez ! ». Je pense que c’est cette dualité, cette capacité à tout donner sur un plateau, sans m’abîmer, puis à me consacrer entièrement à ma vie de famille, qui est le socle de mon équilibre. Bon, je dois quand même avouer que cela m’arrache les boyaux et que je pleure pendant trois jours lorsque je dois laisser mon petit garçon… Mais le goût de l’aventure reprend vite le dessus.

crédit photo : shutterstock

Est-ce vos parents, artistes, que vous remerciez pour ce talent de savoir concilier vie pro et vie privée ?

A. G. Cela n’a pas été une évidence de faire le même métier qu’eux. Ils m’ont mise en garde sur le revers d’une profession basée sur le désir de l’autre. Ils m’ont transmis un caractère studieux, mais aussi une angoisse de l’échec, du rejet, de ne pas être celle que l’on choisit… Ils sont surtout pleins de conseils avisés. Ma mère, très critique, me rappelle que le monde ne tourne pas autour de ma petite personne.

Il paraît que vous avez interdit à votre père, Hippolyte Girardot, de voir votre précédent film, , d’Anissa Bonnefont, sur un bordel de Berlin…

A. G. C’est un accord entre nous, il le respecte. Ce long-métrage relate l’expérience heureuse, féministe, assumée, d’une prostitution choisie. J’incarne une femme qui part à la découverte de sa sexualité, de ses limites, de ses fantasmes. J’y expose mon intimité, je venais d’accoucher… Il a fallu que je dépasse ma peur du regard des autres. Je ne me suis jamais sentie aussi forte, puissante, constructive que depuis que j’ai lâché prise.

Comment cette énergie positive se manifeste-t-elle ?

A. G. Il n’y a pas une journée sans que j’écrive, dessine, ou danse en musique. Mode, production, réalisation : plus on me dissuade, plus j’y vais. Le défi est mon moteur. Je m’appuie aussi sur les accords toltèques qui permettent d’être en accord avec soi-même, heureux, satisfait. On ne peut pas contrôler ce que les autres vont penser de notre travail, alors faisons de notre mieux. De la même manière, je ne conçois pas de rivalité. Je suis très proche d’Alice Isaaz alors que l’on passe les mêmes castings… C’est très anglo-saxon comme façon de penser. D’ailleurs, je rêve de jouer en anglais, à Hollywood.

Vous avez aussi une histoire forte et romantique avec votre mari, aux États-Unis…

A. G. Je connais mon amoureux (le directeur artistique Oscar Louveau, ndlr) depuis le lycée. Nous nous sommes mariés à New York en 2008, avons vécu à Los Angeles… avant de nous remarier à Las Vegas en 2020, et d’avoir notre fils la même année. C’est une chance incroyable d’avoir rencontré celui qui est mon meilleur ami, mon plus grand soutien, un père extraordinaire… et même un sacré cuisinier ! Il m’autorise à être moi-même, sans jamais me culpabiliser. Il me renvoie une image valorisante, même lorsque je suis épuisée, pas apprêtée ou déprimée. C’est en fait grâce à lui que je peux m’épanouir, jouer la comédie et en accepter les aléas.





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