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Affaire Savanah Energy et COTCO : nouveau rebondissement dans la bataille entre Ngoh Ngoh et Adolphe Moudiki

Il n’est pas sûr que le ciel des relations de coopération entre Yaoundé et Ndjamena soit désormais sans nuage. Des signaux contradictoires sont enregistrés ces dernières semaines. Certains laissent même présager une nouvelle poussée de fièvre. Au vu des récentes manœuvres et décisions du Tchad. Lesquelles sont déjà suivies des protestations de la Société nationale des Hydrocarbures (SNH-Cameroun), au sujet du contrôle de la Cameroon oil transportation Company (Cotco SA).

Petronas-Cotco-Savannah

Le rachat de Petronas par la Société des hydrocarbures du Tchad (SHT) est validé le 15 mai 2023 par la Commission de la Cemac et l’instance sousrégionale de la concurrence. De fait, «le Tchad et la SHT détiennent depuis lors 53,77% du capital social et des droits de vote de Cotco SA». À en croire un communiqué du ministère tchadien des Hydrocarbures et de l’Énergie en date du 2 juin dernier, c’est en vertu de cette nouvelle configuration que le Gouvernement du Tchad décide de nouveau de passer à l’offensive. En faisant le grand ménage et en forçant au passage la main au Cameroun. «Une Assemblée générale des actionnaires s’est tenue le 24 mai 2023 à Paris et a été maintenue malgré les manœuvres dilatoires et la tentative de Esso Pipeline Investments Limited (EPIL), prétendument détenue par Savannah Energy Plc (qui la nomme Savannah Midstream Investment Limited), pour la faire reporter», annonce Ndjamena. Il en est entre autres sorti la décision de «révocation avec effet immédiat de tous les administrateurs représentant EPIl, y compris le président-directeur général». Le communiqué évoque comme motif le fait que «n’étant plus membre du Consortium exploitant le champ pétrolier de Doba au Tchad, EPIL n’a plus le droit, selon les statuts de Cotco SA, de détenir des actions». Le gouvernement tchadien assure cependant que «dans l’esprit qui a permis la réalisation historique de l’oléoduc Tchad-Cameroun et conformément aux orientations des plus hautes autorités des deux pays, le Tchad a engagé des discussions avec le Cameroun concernant l’augmentation de la participation camerounaise dans le capital de Cotco et la gestion partagée de Cotco SA par les deux pays».

Protestations

En attendant que le gouvernement du Cameroun réagisse à ce dernier développement, la première salve d’objections enregistrée à date vient de la SNH. Les protestations sont contenues dans un courrier confidentiel daté du 2 juin 2023 et auquel des confrères ont eu accès. Elles concernent la régularité de l’Assemblée générale des actionnaires tenue à Paris; l’acquisition de Petronas par la SHT et la violation de ses engagements pris devant la Commission de la Cemac; et le contrôle-même de Cotco.

«Vous voudrez bien noter que la SNH n’a participé à aucune Assemblée générale de Cotco le 24 mai 2023 à Paris et n’a reçu de convocation signée du président du Conseil d’administration de Cotco, avec comme point inscrit à l’ordre du jour, la révocation des administrateurs de SMIL (Savannah Energy, Ndlr)», fait d’abord remarquer Adolphe Moudiki. Dans de telles conditions, poursuit l’Administrateur-directeur général (ADG) de la SNH, «au cas où une telle Assemblée se serait tenue, les résolutions en découlant apparaissent irrégulières. Car contraire aux règles statutaires de Cotco sur la convocation et la tenue des Assemblées générales». Au chapitre de la violation des engagements de la SHT pris au moment de l’acquisition des actifs de Petronas, l’ADG de la SNH est tout aussi incisif. «Je note que la République du Tchad a notamment pris les engagements suivants pour obtenir l’accord de la Cemac: le maintien au Conseil d’administration des actionnaires de Cotco; la limitation à quatre du nombre d’actionnaires tchadiens au Conseil d’administration; la désignation par les actionnaires minoritaires des autres administrateurs; et ne pas inscrire à l’ordre du jour des Assemblées générales ordinaires, des projets de résolutions qui portent entre autres sur la nomination des dirigeants de Cotco, autres que les administrateurs tchadiens…», rappellet-il. Avant de s’appesantir sur un engagement en particulier. Il s’agit de celui pris par la SHT de «rétrocéder à la SNH (agissant pour le compte du Cameroun, Ndlr), et à la demande cette dernière, une partie de ses actions dans Cotco», estil indiqué dans la décision de la Commission de la Cemac en date du 15 mai dernier.

Adoplhe Moudiki se veut encore plus précis sur les prétentions de son institution. Le dirigeant attend une rétrocession de l’ordre de 20% des 53,77% des actions de la SHT dans Cotco. De telle sorte qu’au bout du compte, la SNH détiendra 35,17% des parts de cette société. Des parts qui doivent également être majorées des 10% acquis auprès de Savannah Energy, pour une participation finale dans le capital de Cotco de l’ordre de 45,17%, soit la majorité des actions. La désignation d’un nouveau dirigeant à Cotco devrait naturellement être impactée par ce nouveau schéma. Contrairement à l’annonce du Tchad. Lequel a affirmé qu’«en leur qualité d’actionnaires majoritaires de Cotco SA, la République du Tchad et SHT prennent les mesures nécessaires, en consultation avec les autorités camerounaises, afin qu’un nouveau directeur général soit nommé dans les meilleurs délais par le Conseil d’administration de Cotco SA». Dissensions camerounaises Un autre courrier confidentiel en date du 30 mai 2023 laisse pourtant entrevoir des dissensions parmi les Camerounais, relativement à la défense des intérêts du Cameroun. «J’ai l’honneur de porter à votre attention qu’au cours de la session du Conseil d’administration de la société Cotco du 24 mai 2023 à Paris, votre représentante dans ledit Conseil, Mme Judith Menguele, s’est illustrée par des prises de position contraires à celles du représentant de la SNH».

Adolphe Moudiki attire ainsi l’attention de Louis Paul Motaze, ministre camerounais des Finances (Minfi), sur ce que cela contribue à «manifester publiquement une divergence de la partie camerounaise sur le dossier». Une situation qui l’a «contraint à procéder au remplacement de Mme Menguele dans le Conseil d’administration de Cotco, et à coopter dès le prochain Conseil, un nouvel administrateur (que je désignerai), soucieux de la défense des intérêts stratégiques de l’État, conformément au mandat que le chef de l’État m’a confié en la matière», écritil. La mise en cause est entre autres accusée de n’avoir pas «approuvé les résolutions proposées par Savannah Energy sur les activités bancaires de Cotco, le remplacement du PDG de Cotco, et le rapport d’activités de la société». Autre charge contre Mme Menguele: «elle a par ailleurs pris part aux Assemblées générales ordinaires organisées par le Tchad au terme du Conseil d’administration et en l’absence de la SNH et de Savannah Energy», accuse l’ADG.

Le patron de la SNH redoute en effet que cette situation «conforte le Tchad dans ses prétentions hégémoniques sur cette société stratégique». Arbitrage de Paul Biya Tous ces éléments sont à verser au dossier de la nouvelle montée de tensions entre les deux pays. Malgré le retour acté, depuis le 7 juin dernier à Yaoundé, de l’ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du Tchad. S.E. Djidda Moussa Outhman a d’ailleurs présenté dans la foulée ses lettres de créances au président camerounais. Paul Biya est une fois de plus interpellé pour éviter que la situation ne devienne explosive. Une correspondance également frappée du sceau de la confidentialité et datée de ce 8 juin 2023, permet de croire qu’il suit de près l’évolution du dossier. Sur la question soumise à sa très haute appréciation concernant le remplacement de Mme Judith Menguele au sein du Conseil d’administration de Cotco, le chef de l’État a «instruit son maintien dans ses fonctions de représentante du ministère des Finances».

Le courrier signé de Ferdinand Ngoh Ngoh, ministre d’État, secrétaire général de la présidence de la République, ne donne toutefois aucune indication sur les positions que devra désormais défendre la concernée. Difficile d’imaginer que cela se fasse contre les intérêts du Cameroun. La question à mille barils de pétrole est de savoir où se situent ces intérêts stratégiques: dans le contrôle de Cotco ou dans la normalisation des relations avec le Tchad? L’arbitrage du numéro 1 camerounais reste attendu. Affaire à suivre.

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