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À l’ONU, la Russie met son veto à la poursuite du suivi des sanctions internationales visant la Corée du Nord


Après son premier essai nucléaire, en octobre 2006, la Corée du Nord fit l’objet de sanctions internationales, adoptées à l’unanimité par le Conseil de sécurité des Nations unies [résolution 1718]. Cependant, elles n’eurent pas l’effet escompté puisqu’elles ne dissuadèrent pas Pyongyang de poursuivre son programme nucléaire et le développement de missiles balistiques.

En décembre 2017, ces sanctions furent une nouvelle fois renforcées avec l’adoption la résolution 2375 par le Conseil de sécurité. Mais pour éviter un éventuel veto de la Russie et de la Chine, le texte dut faire l’objet d’un compromis, les dispositions les plus strictes, comme l’arrêt total des exportations de pétrole vers la Corée du Nord, ayant été écartées.

Quoi qu’il en soit, les éventuelles violations de ces sanctions sont documentées par l’United Nations Security Council Enforcement Coordination Cell [UNSC ECC ], qui utilise des moyens de surveillance [frégates, aéronefs] fournis par huit pays, à savoir la France, les États-Unis, le Japon, le Royaume-Uni, la Nouvelle-Zélande, la Corée du Sud, le Canada et l’Australie.

En outre, chaque année depuis 2009, un groupe d’experts des Nations unies publie un rapport sur l’application des mesures prises à l’encontre de la Corée du Nord. Dans celui qu’il a récemment remis au Conseil de sécurité, il a surtout constaté, encore une fois, que ces sanctions n’avaient eu aucun effet sur la poursuite des activités nord-coréennes.

De juillet 2023 à janvier 2024, la Corée du Nord « a continué de bafouer les sanctions du Conseil de sécurité » et « a poursuivi la mise au point d’armes nucléaires » ainsi que la « production de matières fissiles nucléaires. […] Elle a tiré au moins sept missiles balistiques [un missile balistique intercontinental à trois étages, peut-être un missile balistique à portée intermédiaire et cinq missiles balistiques à courte portée] » et « a réussi à placer un satellite d’observation militaire en orbite, à l’aide de la technologie des missiles balistiques », a ainsi noté le groupe d’experts.

En outre, il s’est aussi intéressé à des « transferts immatériels de technologies, effectués peut-être en violation des sanctions » et, surtout, à la fourniture par la Corée du Nord « d’armes classiques et de munitions, en contravention des sanctions » non seulement à la Russie mais également au Mali, au Myanmar et au Hamas.

Le 18 mars, le ministre sud-coréen de la Défense, Shin Won-sik, a estimé à 7000 le nombre de conteneurs de munitions et d’armes expédiés par la Corée du Nord en Russie. Ce qui n’est guère surprenant étant donné que les deux pays ont scellé un « partenariat stratégique » l’an passé et que des missiles ainsi que des obus de facture nord-coréenne ont été utilisés en Ukraine.

Quelles seront les conséquences de cette relation sur le développement de l’arsenal nucléaire et des missiles balistiques nord-coréens ? Le groupe d’experts ne sera pas en mesure de les évaluer dans un prochain rapport. Son mandat arrivant à échéance en avril 2024, la Russie s’est opposée à son renouvellement en exerçant son droit de veto lors d’une séance du Conseil de sécurité, le 28 mars. À noter que la Chine s’est abstenue.

Ce n’est pas la première fois que la Russie met son veto à la poursuite des activités d’un groupe d’experts des Nations unies : elle l’a ainsi fait pour celui qui était chargé du régime de sanctions concernant le Mali, en août dernier.

Quoi qu’il en soit, l’ambassadeur de Russie auprès des Nations unies, Vassili Nebenzia, a expliqué que le Comité des sanctions 1718 [relatif à la Corée du Nord] n’avait plus lieu d’exister étant donné qu’il s’intéressait à « des questions sans intérêt, pas à la mesure des problèmes auxquels fait face la péninsule ». Le ministère chinois des Affaires étrangères est peu ou prou allé dans le même sens. « La situation actuelle dans la péninsule de Corée reste tendue et imposer aveuglément des sanctions ne peut pas résoudre le problème », a-t-il commenté.

« La Russie a désormais utilisé son veto pour mettre un terme à deux comités d’experts, en raison du développement de ses relations militaires avec ces gouvernements », ont dénoncé la France, les États-Unis, le Royaume-Uni, la Corée du Sud et le Japon, via un communiqué commun, en faisant référence au Mali.

Mais la réaction sans doute la plus vive a été celle de Séoul. Le veto de la Russie est une « décision irresponsable », a fustigé la diplomatie sud-coréenne. « Il ne peut y avoir aucune justification à la disparition des gardiens du régime de sanctions. C’est comme détruire des caméras de surveillance pour empêcher d’être pris la main dans le sac », a-t-il ajouté.

« La France regrette profondément le veto qui a été opposé à la reconduction du mandat. Celui-ci prive le Conseil d’un outil primordial pour suivre la mise en œuvre de ses résolutions, y compris des sanctions, mais aussi des exemptions humanitaires. [Il] prive l’ensemble des États membres d’une source d’information cruciale sur un sujet qui intéresse directement leur sécurité et la stabilité internationale. Il est, enfin, un nouveau facteur de fragilisation de notre architecture de non-prolifération », a déploré la diplomatie française.

De son côté, le département d’État américain a pointé le « cynisme » dont a fait preuve la Russie pour saper « la paix et la sécurité dans le monde » afin de « favoriser un troc vicié que Moscou a scellé ».

Quant à l’Union européenne [UE], elle a dit voir dans le veto russe une « tentative » pour « dissimuler des transferts illégaux d’armes entre la Corée du Nord et la Russie ». Et d’ajouter : « Cela aura de graves conséquences sur la capacité à mettre en œuvre les résolutions du Conseil de sécurité et à répondre aux actions déstabilisatrices » de Pyongyang et « sapera l’architecture mondiale de non-prolifération ».





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