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2 récits de société à dévorer


L’un parle des métiers de la mort, l’autre de la condition féminine. Deux récits contemporains extrêmement bien documentés.

«  Demain dès l’aube  » de Caroline de Bodinat (Flammarion)

On pense tout de suite à la série «  Six feet under  », qui raconte le quotidien d’une famille de croque-morts aux Etats-Unis. L’auteure de ce livre, journaliste spécialisée dans l’art du portrait, a enquêté pendant trois ans dans le milieu des pompes funèbres en province. Point de curiosité malsaine ni de fascination pour la mort, mais une curiosité tout court. Et des rencontres, au fil de ses deuils personnels. Elle accroche avec Pascal, directeur de l’entreprise Caton dont la signature est «  une famille au service des familles  ». Chez Caton, elle est initiée à tous les postes du métier, depuis celui de la conseillère qui reçoit les familles pour le choix du cercueil à celui de maître de cérémonie, qui orchestre tout le jour J, en passant pas celui des porteurs et des marbriers. Sans oublier le dur métier de thanatopracteur ou embaumeur, chargé de restaurer un corps abîmé et d’offrir une bonne présentation pour que la famille fasse ses adieux dignement. Les passages sur les étapes de la crémation sont aussi bien documentés que difficiles à supporter. Mais la mort n’a rien de tendre. Au fil des mois, ses «  collègues  » oublient qu’elle est là pour écrire un livre et se livrent plus facilement au sujet de leur vie (en alerte H24), de leur propre famille, de leurs aspirations (que le métier soir mieux considéré), de leurs regrets. Car on oublie, dans la sidération du deuil, que les officiants sont des hommes et des femmes chargés de nous aider dans ce moment difficile et de tout prendre en charge pour assurer au défunt le meilleur des hommages. Construit comme un roman, ce livre-enquête redonne leur humanité à ces professionnels et jette un pont entre eux et nous. Pascal, Sophie, Franck, sont les maçons de notre dernière adresse. Les connaître, pour mieux les apprécier. Car ce sont eux qui nous rendent notre dignité et permettent le travail de deuil.

«  Une femme de son temps  » de Joséphine Lebard (Bayard récits)

C’est le portrait d’une grand-mère par sa petite-fille, et à travers lui, celui d’une époque et du droit des femmes.  Joséphine Lebard, la quarantaine, a grandi dans une société qui a intégré le féminisme. Elle n’a pas eu à lutter, comme ses modèles auteures Annie Ernaux ou Marie Cardinal. Mais elle a vu sa grand-mère adorée renoncer à ses rêves pour mieux se conformer aux normes de son temps. Sept enfants, un statut de femme au foyer, et un talent de peintre contrarié. Voilà sa vie. A sa mort, Joséphine fait un post sur Facebook pour raconter qui était cette grand-mère, post accompagné d’une photo où l’on voit un tableau d’elle, des fleurs, et derrière, une vue sur un jardin désolé. Une belle métaphore d’une vie qu’on pourrait penser gâchée. La grand-mère, sous ses allures de grande bourgeoise, était aussi une femme peintre amateur. La petite fille grandit avec ce contre modèle, pour s’interroger à la quarantaine sur le leg. Qu’a donc transmis cette femme élégante avec ses chemisiers et son rang de perles  ? Pourquoi a-t-elle choisi d’être au foyer au lieu de vivre une vie d’artiste  ? L’arrière grand-mère, elle, était prof de maths. La sœur ainée de cette grand-mère était dentiste. Alors pourquoi cette grand-mère avait-elle fait le choix de ne pas travailler  ? Etait-ce un choix  ? A l’époque «  me-too  », on n’en parle pas, de cette génération-là. Alors qu’elle a semé des graines pour que celle de Joséphine soit émancipée. Elle a été capable de dire à sa petite-fille «  ne fais pas comme moi  ». Ce qui est courageux et ambitieux. A l’époque, la série «  Les saintes chéries  » met en scène un couple. Madame est dévouée au bien-être de monsieur qui part au bureau. Et puis il y a «  Ma sorcière bien-aimée  ». avec Samantha qui a épousé un simple mortel. Mais, signe des temps, elle utilise ses pouvoirs en douce. Un an d’écriture et de documentation aux archives de Paris ont été nécessaires à l’élaboration de ce récit qui sait bien mêler le personnel et les informations sur le trans-générationnel. Avec en filigrane le message des magazines féminins des années 60-70-80. Un régal.   

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