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115 % de consommation de drogues en plus en un an


Après quatre ans d’existence, le centre d’accueil pour toxicomanes Contact Esch, à Esch-sur-Alzette, a trouvé ses marques avec une fréquentation qui a explosé en 2023, dans la salle de shoot, mais pas seulement.

Moins visé et décrié par les riverains que sa voisine de l’Abrigado à Luxembourg, le Contact Esch, seconde salle de consommation de drogues supervisée du Grand-Duché et installée à Esch-sur-Alzette, a pris ses aises depuis sa création en septembre 2019. Gérée par la fondation Jugend- an Drogenhëllef (JDH) au 130, rue de Luxembourg, la fréquentation de la «Fixerstuff» eschoise est allée crescendo depuis ses débuts.

Lors des six premiers mois, 1 600 visites avaient été recensées. En décembre dernier, le chiffre s’élevait à 1 373 passages pour un seul mois, le pic de l’année 2023 ayant eu lieu en octobre avec 2 069 passages. «Nous avons eu une très bonne année 2023, nos bénéficiaires ont accepté notre offre», se réjouit Martina Kap, cheffe de service de la JDH. Bien que le sujet principal soit la consommation de drogues, la réjouissance est possible, car le Contact Esch est plus qu’une simple salle de shoot, mais un véritable centre d’accueil pour toxicomanes. Sur place, cinq infirmiers sont présents afin d’éviter les overdoses, mais aussi pour prodiguer des soins. Quatre assistants sociaux et deux éducateurs spécialisés travaillent également du lundi au vendredi dans le but de venir en aide aux bénéficiaires, ainsi que pour s’occuper du vestiaire, servir le café ou un repas.

«On a atteint notre maximum»

La consommation de drogues reste néanmoins le volet qui connaît la plus forte hausse, avec «115 % de consommation de plus en 2023 qu’en 2022». Au fil des années, le nombre de passages liés à la drogue est passé de 1 299 à 2 287 (2020), 2 404 (2021), 3 467 (2022), avant d’exploser avec 7 473 passages en 2023. Le pic de l’année a eu lieu le 17 septembre avec 177 passages pour 62 clients différents sur une seule journée. «Ce jour-là, on a atteint notre maximum, on ne peut pas accueillir plus de gens», témoigne Marina Kap. Au total, 89 contrats d’usage nécessaires pour consommer ont été signés en 2023, dont 84 % ont été contractés par des hommes. «Les gens qui viennent sont surtout des hommes d’environ 45 ans et la grande majorité viennent pour fumer.»

Contrairement aux usagers de l’Abrigado, ceux du Contact Esch privilégient l’inhalation de drogues à l’injection. «À l’Abrigado, ils échangent beaucoup plus de seringues que chez nous», affirme la cheffe du service qui en a distribué 8 483 et récupéré 13 133 en 2023. L’année dernière, 82 % des drogues ont été consommées par inhalation, contre 14 % par intraveineuse. Forcément, l’aluminium, chauffé pour inhaler les vapeurs de la drogue, représente près de trois quarts du matériel utilisé au sein des six espaces de consommation du lieu.

Dans la salle de la capitale, l’injection est bien plus utilisée et représente près d’un cas sur deux, avec 49 % d’injections d’après le rapport national de drogues de 2022. Selon Marina Kap, le mode de consommation majoritaire d’Esch attire donc un public différent, davantage de fumeurs et «certains viennent parfois de Luxembourg», en dépit de la présence de l’Abrigado. Éloignée de la gare, la «Fixerstuff» eschoise est pourtant plus difficile d’accès que son aînée et attire notamment des gens du sud du pays.

Pour assurer la bonne entente avec le voisinage, des réunions avec la Ville d’Esch-sur-Alzette, la police et certains voisins ont lieu tous les six mois. L’occasion aussi de faire le point avec le ministère de la Santé sur la gestion du lieu avec la fondation JDH.

L’héroïne, en tête et surveillée

Malgré les différences entre les deux salles du pays, l’héroïne est largement la substance la plus consommée sous supervision au Luxembourg. À Esch-sur-Alzette, elle représentait en 2023 environ 77 % des cas avec 5 781 usages, loin devant la cocaïne (1 040) et le cocktail des deux (652). À Luxembourg, la même année, il s’agissait de 61 % des cas.

Bien que cette drogue, l’une des plus toxicodépendantes, expose ses consommateurs à un très fort risque d’overdose, le Contact Esch est plus à l’abri de ce genre d’imprévu que l’Abrigado. Fumée, l’héroïne sous forme de poudre est moins dangereuse. Alors, «depuis 2020, nous n’avons connu aucune overdose, car la plupart ne se l’injectent pas».

«L’infirmerie ne chôme pas pour autant», poursuit Marina Kap. Au cours de l’année 2023, 901 passages ont eu lieu à l’infirmerie, au cours desquels 1 192 demandes différentes ont été faites. «Nous faisons des prises de sang, des tests VIH, on peut mettre des pansements, commencer un traitement ou encore gérer des médicaments.» 34 % des actes dispensés par les cinq infirmiers correspondent à des «aides dans les démarches», ce qui prouve que le lieu ne se limite pas à ses isoloirs pour consommer.

Les maladies se répandant souvent parmi les consommateurs par injection de l’héroïne, via le matériel qu’ils peuvent se partager, la prudence est de mise au Contact Esch. Pour l’instant, pas d’inquiétude apparente puisque sur les 59 tests réalisés volontairement par les consommateurs en juillet dernier, seuls un cas d’hépatite C et un cas de VIH positif ont été détectés.

Présent afin de superviser la consommation et la santé des toxicomanes, le personnel permet également à ceux qui souhaitent vaincre leur addiction de s’en sortir. Depuis le 1er janvier, un programme de substitution à la méthadone, afin de diminuer les douleurs et la dépendance aux opioïdes, est proposé sur place.

Bientôt ouvert le week-end ?

Pour l’instant, le Contact Esch est ouvert de 8 h 30 à 16 h du lundi au vendredi, mais la hausse de la fréquentation pourrait entraîner une ouverture le week-end également. De plus, selon «un city-rapport que nous avons réalisé avec l’aide d’une association des Pays-Bas, il faut ouvrir le week-end ici», explique Martina Kap. Problème : «Nous avons besoin de postes en plus pour ouvrir le week-end.» Bien que le centre d’accueil soit géré par la fondation Jugend- an Drogenhëllef, la création de postes dépend du ministère de la Santé qui, pour l’instant, n’a pas communiqué sur d’éventuels renforts. «Je ne pense pas que l’on puisse ouvrir cette année, mais nous avons le désir de le faire», assure la cheffe de service.

Au Contact Esch, en 2023, l’héroïne par inhalation (blow) était le mode de consommation le plus répandu, avec 5 072 cas sur 7 473. Photo: fondation jugend- an drogenhëllef
En 2023, 89 contrats d’usage de la salle de consommation ont été signés par les consommateurs, soit 32 de plus qu’au lancement en 2019. Photo : editpress/isabella finzi



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