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Une chaude note de Shanda Tonme rendue publique quelques heures après le retour au SED d’Amougou et Cie

Shanda Tonme a envoyé une lettre poignante quelques heures après le retour au SED d’Amougou et ses coaccusés. Il s’agit d’une note adressée au Prof Daniel Abwa, historien, président de la société camerounaise d’histoire.

« Cher Pr. Abwa, mon cher Ami et très cher compatriote,

Du haut de tes multiples et prestigieux lauriers académiques, tu as sonné le Toquin du réveil et de la révolte de notre intelligentsia voire au-delà, après l’annonce brutale et condescendante par la présidence française, de la composition du comité chargé de renseigner sur le passé Franco-Camerounais. Je ne partage pas ta démarche uniquement dans la forme, je la partage entièrement dans la substance, l’essentiel de l’argumentation et la pertinence de la conclusion. En effet la promesse quelque peu tirée sur le fil blanc du président Emmanuel Macron lors de sa visite dans notre pays, de mettre sur pied ce comité, avait constitué un semblant d’écoute face aux récriminations et aux dénonciations permanentes contre une sorte de chape de plomb placée sur les affres de notre histoire commune. Sceptiques, nous étions nombreux à attendre de voir le maçon au pied du mur. Le voici donc révélé à travers ce choix loin de correspondre à une volonté de transparence.

Cher Professeur, mais que dire et que faire, quand la construction de l’histoire s’éternise dans une logique infâme d’infantilisation, de subordination et d’humiliation avec et sous le couvert de toutes les idéologies et doctrines, comme le constatait si malheureusement l’écrivain Martiniquais Aimé Césaire dans son réquisitoire « Discours sur le colonialisme » ? Des décennies après les indépendances formelles, après l’abolition officielle de l’esclavage, après la traite des Noirs, les preuves sont nombreuses de ce que la vision qu’à l’Europe de l’Afrique ne dépasse toujours pas les images de singes en cage, et de continent de safari peuplé de bêtes sauvages comme n’a pas eu peur de le redire récemment un membre du gouvernement allemand.

Je suis très surpris que la société du savoir et de la connaissance académique en terre camerounaise, si riche, si composite, si réputée et si prompte à animer des polémiques sur le **** des anges et la probité des chapelles politiques, n’ait pas offert en la circonstance présente, un ultime spectacle de dignité en protestant. Certes, en historien de renom, enseignant méticuleux et encadreur précieux, il te revenait sans aucun doute la responsabilité première et le devoir de prendre les devants et d’allumer les bougies, mais que vaut un général sans troupes ? Je les vois calfeutrés, peureux et craintifs ou volontairement effacés, indolents et inconscients, limités à des émotions vives seulement lorsque de brûlants prébendes sont à l’ordre du jour. C’est justement à cela que l’Occident nous les a cantonnés, à savoir la démonstration des humeurs stériles sans implications graves sur les enjeux fondamentaux des rapports entre les nations, et dénuées de toute influence sur la configuration des rapports des forces éthiques et morales qui façonnent l’intelligence universelle.

Cher professeur Abwa, cher Ami, cher frère et très cher compatriote, je ne pouvais donc pas me taire, quand il devient manifeste, que nos partenaires ne veulent avoir de nous comme lumières de nos valeurs, que les chants et des peintures, des sons des tamtams et des pas de dance. Il y a une place pour ces choses dans l’expression de notre patrimoine, mais il y a une autre place bien différente quand il s’agit de science, d’outils, d’instruments et de techniques des recherches, de consécration des normes et des créations mécaniques et industrielles.

Enfin, la question que je me pose maintenant, c’est de savoir si la simple courtoisie, la convivialité élémentaire qui ordonnancent les rapports entre les nations, ont été respectées. En somme notre gouvernement aurait- il été consulté ? Je doute fortement, car le président de la société camerounaise d’histoire aurait été promptement interpellé, consulté et mis au travail pour indiquer quelques orientations précises.

Cher compatriote,

Quoi qu’il en soit, ta démarche m’a profondément plu et réconforté. Je veux savoir, croire et espérer que les prochains jours seront d’une sagesse plus pragmatique pour ceux qui à Paris, ont reçu du président français la mission de travailler sur ce comité. Je veux dans le même temps croire que notre compatriote le Pr. Achille Bembé que je respect infiniment, n’a joué qu’un rôle positif dans la démarche du président français et mieux qu’il saura lui confier à l’oreille, que quelque chose ne marche pas bien à propos de ce comité. Il demeure que notre gouvernement pour sa part, devrait saisir l’occasion pour relayer le message de rejet par sa classe des sciences et des lettres, laquelle espérait et espère toujours autre chose dans le processus de restitution de la vérité concernant le passé du côté officiel français.

Le peuple Camerounais comme d’ailleurs tous les peuples Africains, aspire à des relations saines, honnêtes, respectueuses et mutuellement bénéfiques avec le peuple Français, mais celles-ci ne seront jamais définitivement positionnées dans une perspective heureuse, sans un consensus sur la vérité historique. Le temps des guerres de libération anticoloniales violentes est révolu, et nous vivons le temps de la confrontation conviviale des intelligences pour un nouveau monde plus solidaire, apaisé et sans idées préconçues ni préalables sectaires. Puisse nos partenaires nous comprendre enfin, vraiment ?

Merci Professeur, d’avoir porté notre voix./.

Yaoundé, le 24 Fév. 2023 »

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