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Un « coup de Trafalgar » se prépare-t-il contre le Système de combat aérien du futur?


En avril, après des mois de discussions âpres entre les industriels concernés [et en particulier entre Dassault Aviation et les filiales allemande et espagnole d’Airbus], la première tranche de la phase 1B du Système de combat aérien du futur [SCAF] a officiellement été lancée par la France, l’Allemagne et l’Espagne. À noter que la Belgique a ensuite rejoint ce programme avec le statut d’observateur.

Depuis, la Loi de programmation militaire [LPM] 2024-30 votée en France a porté sur les fonts baptismaux le Rafale F5, qui sera accompagné par un drone issu du programme nEUROn, autrefois dirigé par Dassault Aviation. Et cela alors que ce chasseur-bombardier engrange les commandes et suscite de plus en plus d’intérêt à l’étranger.

La situation n’est pas du tout la même en Allemagne, où l’industrie aérospatiale, représentée par le BDLI [BDLI – Bundesverband der Deutschen Luft- und Raumfahrtindustrie], s’inquiète pour l’avenir de l’Eurofighter EF-2000/Typhoon.

Faute de de nouveaux contrats à l’exportation, de commandes nationales supplémentaires [en Allemagne et en Espagne, ndlr] et de financements pour développer un standard « Tranche 5 », la production de cet avion de combat pourrait s’arrêter en 2030. Ce qui, au-delà de la question de l’emploi et des recettes fiscales, se traduirait par des pertes de compétences et un possible décrochage technologique. Évidemment, cela ne mettrait pas l’industrie aéronautique allemande dans les meilleurs conditions pour le SCAF. D’où l’avertissement lancé le mois dernier par Michael Schoellhorn, PDG d’Airbus Defence & Space et président du BDLI.

Cette crainte est partagée par le Royaume-Uni, même si les Eurofighter Typhoon que prévoit de garder la Royal Air Force [RAF] doivent être modernisés dans le cadre du programme Medulla. Pour l’industrie britannique, et en particulier BAE Systems, il s’agit d’avoir un plan de charge suffisant pour maintenir les savoir-faire nécessaires au Global Combat Air Programme [GCAP], un projet rival du SCAF et mené en coopération avec l’Italie et le Japon.

Dans ce tableau, un acteur inattendu tient un rôle qui pourrait être déterminant pour la suite : l’Arabie Saoudite. En effet, le royaume saoudien n’a pas fait mystère de son intention de participer au GCAP [ce qui a été refusé par le Japon]. En outre, il est en discussion avec Londres pour acquérir 48 Eurofighter supplémentaires. Seulement, en raison d’un veto allemand, l’affaire n’a pas encore été conclue à ce jour. D’où, d’ailleurs, l’intérêt qu’il a récemment manifesté pour le Rafale [ce qui a été confirmé par Sébastien Lecornu, le ministre français des Armées, ndlr].

D’où les efforts de Londres pour convaincre Berlin de lever son veto sur la vente d’Eurofighter à l’Arabie Saoudite… Et à en croire le quotidien « The Times », le chancelier allemand, Olaf Scholz, serait sur le point de céder… à la condition que l’Allemagne puisse rejoindre le GCAP. Ce qui serait un « coup de Trafalgar ».

Pour étayer ses informations, le journal britannique s’appuie sur les confidences d’un haut responsable allemand, lequel a affirmé que M. Scholz ne verrait pas l’intérêt d’une concurrence entre le SCAF et le GCAP. Aussi, souhaiterait-il les fusionner ou, à défaut, rejoindre le projet lancé par le Royaume-Uni.

Selon son entourage, le chancelier considérerait le SCAF comme un « éléphant blanc » susceptible de devenir un « gouffre financier ». Et, a priori, il remettrait même en cause les principes convenus pour mener à bien ce programme. « Lorsque la France parle de politique européenne de défense, elle parle d’intérêts industriels français. M. Scholz estime qu’il a beaucoup plus en commun avec les Britanniques qu’avec les Français sur ces questions », a résumé une source gouvernementale allemande dans les pages du Times.

Pour le moment, la presse d’outre-Rhin reste muette sur les intentions prêtées à M. Scholz. En tout cas, l’intéressé ne s’est pas empressé pour les démentir, si tant est qu’elles soient inexactes. Cependant, il n’est pas non plus exclu que Berlin cherche à faire pression sur Paris pour les prochaines étapes du SCAF… Au passage, il est à noter que les pays impliqués dans le GCAP sont tous dotés de chasseurs-bombardiers F-35, ce qui favorisa l’interopérabilité entre les deux systèmes.

En France, le député Jean-Louis Thiérot [LR], membre de la commission de la Défense a cependant estimé que l’information du Times, si elle est avérée, « n’est pas si surprenante que cela ». Et d’ajouter, sans user du conditionnel, qu’il « faudra en tirer toutes les conséquences dans notre politique européenne et de coopérarion ».

Cela étant, l’éventuelle participation au GCAP [autrefois appelé « Tempest »] de l’Allemagne ne manquerait pas d’avoir des conséquences sur d’autres programmes menés en coopération avec la France, à commencer par le Système principal de combat terrestre [MGCS], déjà au centre de plusieurs polémiques au cours de l’été dernier.

En outre, elle soulèverait plusieurs questions : quelle place prendrait l’industrie allemande au sein du GCAP, sachant que l’Italie, via Leonardo, a récemment plaidé pour que sa participation soit revue à la hausse? Vers quels autres partenaires la France pourrait-elle se tourner? Et, enfin, que fera l’Espagne?





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