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«Un cas de figure très rare pour un fossile»


Deux chercheurs du musée national d’Histoire naturelle ont dévoilé dans une revue scientifique suisse la découverte d’un fossile extraordinaire réalisée en 2022 à Bascharage.

Dans la revue scientifique Swiss Journal of Palaeontology, les chercheurs Robert Weis et Ben Thuy, du musée national d’Histoire naturelle, ont publié le 14 février un article annonçant la découverte d’un fossile de calamar vampire, ou calmar vampyromorphe.

Sa mise au jour dans les strates du Jurassique inférieur (-201 à 174 millions d’années) près de Bascharage est exceptionnelle, parce qu’il s’agit d’une espèce nouvelle et d’un fossile conservé comme rarement, qui donne, en outre, un élément de compréhension de l’environnement où évoluait l’animal il y a des centaines de millions d’années.

Votre article scientifique paru en février fait état de plusieurs découvertes.

Ben Thuy : La pièce la plus spectaculaire est le fossile d’un calamar vampire, qu’on a décrit comme étant une espèce nouvelle et qui a été découvert lors des fouilles de Bascharage en mai 2022. Ensuite, dans l’article, nous parlons de pièces de poissons prédateurs.

Elles étaient déjà dans les collections du musée depuis des décennies, mais n’avaient jamais suscité l’intérêt qui leur revenait. C’est un groupe qui n’existe plus aujourd’hui, donc on n’a pas de nom vernaculaire pour les désigner, mais ces poissons avaient un peu la taille et la forme d’un thon.

On ne s’était pas aperçu que c’était une pièce si exceptionnelle

Pourquoi une telle découverte opérée en 2022 est-elle rendue publique quasiment deux ans plus tard?

Le fossile du calamar a d’abord été nettoyé et dégagé de la roche, parce qu’au départ, on ne voyait pas tout. En fait, on ne s’était pas aperçu que c’était une pièce si exceptionnelle. C’est un processus qui a pris plusieurs mois avec des spécialistes.

Une fois que le fossile a été dégagé, on a commencé à l’étudier et à faire des comparaisons avec d’autres études qui étaient apparues auparavant, et on s’est rendu compte que c’était une espèce nouvelle.

On a alors rédigé un article scientifique. Mais il faut savoir qu’une fois que l’article scientifique est rédigé, il y a tout un processus qui peut durer aussi presque une année. On envoie l’article scientifique auprès de la revue spécialisée.

Le comité de lecture de la revue va prendre son temps pour l’évaluer. S’il est recevable, il sera envoyé auprès d’au moins deux réviseurs indépendants, qui à leur tour prennent parfois jusqu’à cinq ou six mois afin de revoir l’article et de rédiger un rapport pour les éditeurs.

Sur la base de ce rapport, l’éditeur décide si l’article peut être publié. Cela explique le délai entre la découverte en 2022 et la publication de l’article en 2024. C’est un délai tout à fait normal.

Il faut compter entre une année et trois ans entre une découverte sur le terrain et une publication à son sujet, selon des standards scientifiques, dans une revue spécialisée.

Ce n’est pas une trouvaille isolée

Quelle est la particularité de ce fossile de calamar?

On a deux faces du même fossile qui montrent des choses légèrement différentes, mais à part cela, le fossile est très complet, ce qui est rare, car on a les empreintes des parties molles que sont les tentacules.

C’est la première fois que l’on trouve cela au Luxembourg. Seules de très rares pièces en Allemagne ou en Angleterre présentent cette particularité. Le fossile mesure exactement 38 cm et on peut estimer que l’animal mesurait entre 40 et 50 cm.

Il vivait dans des eaux assez peu profondes, dans une mer qui se trouvait à la place du Luxembourg. Et c’est assez intéressant, parce qu’aujourd’hui il y a encore une espèce de calamar vampire, mais elle se trouve dans les abysses. Ce qui lui a valu son nom de vampire.

Mais il y a trois raisons qui font que ce fossile est exceptionnel. Sa conservation, le fait qu’il s’agisse d’une espèce nouvelle et le fait qu’il documente un processus biologique, ce qui est très rare dans les fossiles. C’est comme une pièce d’un puzzle qui va nous donner une image un peu plus complète des relations écologiques dans cette mer.

Il y avait des groupes de poissons qui étaient prédateurs des calamars vampires, parce qu’on a retrouvé six poissons qui avaient des restes de calamars dans leur estomac. Et il y avait des calamars qui, eux, étaient prédateurs d’un autre groupe de poissons beaucoup plus petits.

C’est un coup de chance qu’un animal qui chassait sa proie meurt subitement et qu’il soit fossilisé avec les restes de sa proie. C’est un cas de figure très rare pour un fossile.

Y a-t-il d’autres fouilles en cours sur le site de découverte du calamar ?

Oui, le calamar est une des trouvailles les plus spectaculaires, mais il y en a d’autres. Je ne peux pas encore en parler, mais il y aura encore d’autres fossiles assez spectaculaires qui proviennent de ces fouilles à Bascharage.

C’est un site riche et bien connu des paléontologues du monde entier. Ce n’est pas une trouvaille isolée, d’autres fossiles intéressants ont été trouvés et nous allons publier des articles dans les prochains mois.

Le fossile du calamar vampire est presque complet, avec la présence de tentacules. Photo : paul braun/mnhn



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