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Succession de Paul Biya : Samuel Eto’o, voici pourquoi une alternative sérieuse non négligeable

Arrivé à la tête de la Fecafoot en décembre dernier, l’ancien capitaine des Lions Indomptables n’a d’ambition que footballistique. Mais dans la capitale camerounaise, on le soupçonne de se rêver un destin à la George Weah et de viser le fauteuil de Paul Biya comme l’analyse Georges Dougueli (Jeune Afrique).

À la sortie d’un restaurant de Bonapriso, un quartier pavillonnaire huppé de la capitale économique, on n’entend plus que des « Eto’o, président ! » L’ancienne star du football est assaillie par plusieurs dizaines de personnes, smartphone à la main. Chacun exige selfie et dédicace. Samuel Eto’o était pourtant arrivé discrètement, au volant d’une voiture ordinaire, avec masque anti-Covid et coiffé d’une casquette. Mais ses efforts pour passer inaperçu sont vains.

Depuis son ascension à la Fécafoot, son agenda est intenable. Le 16 février, il était à Limbé (Sud-Ouest), où la Fecafoot avait délocalisé une session de son comité exécutif, et la royauté traditionnelle locale en a profité pour l’anoblir. Quelques jours plus tard, il s’envolait pour le Bénin. Partout, Eto’o est traité avec tous les égards. Il plaît aux femmes avec sa silhouette de quadra à peine plus arrondie qu’au temps où il prenait de vitesse les défenseurs adverses, avec son sourire à la fois innocent et espiègle, avec son style chic décontracté.

L’ex-footballeur le mieux payé au monde a pris le risque de relever le pari de ressusciter la pratique du sport le plus populaire de son pays, qui se mourrait des querelles de ses dirigeants et de la corruption endémique, au lieu de couler des jours tranquilles de jeune retraité à Milan, où vivent sa femme, Georgette, et leurs enfants.

De retour au Cameroun, après avoir passé trente ans de sa vie hors du pays, était en soi un virage compliqué à négocier. Il lui a d’abord fallu s’imposer à la tête d’une fédération acquise au Grand-Nord depuis près de deux décennies, et dont Mohammed Iya, l’ancien président condamné pour détournement de fonds, continuait, depuis la prison, à tirer les ficelles. Il lui a fallu aussi composer avec l’animosité d’Issa Hayatou, baron de Garoua et ancien président de la Confédération africaine de football (CAF), auquel Eto’o avait eu l’impudence de préférer Ahmad Ahmad.

L’ancien Star du Barca a dû enfin surmonter l’hostilité de plusieurs barons du pouvoir, partisans affichés du président sortant. Parmi eux, l’impétueux ministre de l’Administration territoriale, Paul Atanga Nji, et son collègue chargé du Travail, Grégoire Owona, qui est également secrétaire général adjoint du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC). Narcisse Mouelle Kombi, ministre des Sports, et Samuel Mvondo Ayolo, directeur du cabinet civil du chef de l’État, n’étaient pas mieux disposés à son égard et ne se sont pas privés de le faire savoir.

En tant qu’ambassadeur de la Coupe du monde 2022 au Qatar, il doit séjourner à Doha au moins une fois par mois. À cet engagement contractuel avantageusement rémunéré, il faut ajouter plusieurs contrats avec divers annonceurs. Même à la retraite, l’ex-footballeur continue d’engranger de confortables revenus.

À Yaoundé, la vieille garde est hostille mais se méfie. Elle le sait proche du couple présidentiel et n’ignore pas qu’il bénéficie de la neutralité bienveillante du puissant secrétaire général à la présidence, Ferdinand Ngoh Ngoh. Elle sait qu’il dispose de relais de poids dans les milieux économiques : Samuel Eto’o est un familier de Célestin Tawamba, le chef du patronat camerounais, qu’il voit souvent, autant que de l’homme d’affaires Baba Danpullo, qui est aujourd’hui encore l’un des plus grand financiers du RDPC. Il est aussi l’une des rares personnalités qu’Emmanuel de Tailly, directeur général de la Société anonyme des brasseries du Cameroun (SABC), aime à recevoir chez lui à dîner.

Mais Eto’o dérange. Il le sait et fait profil bas. Il a adopté les codes de la politique locale, qui veut que la discrétion soit une vertu, et réduit ses déplacements en avion privé. Il ne sort pratiquement plus le soir en ville. Certes, il a fait venir de Milan sa voiture préférée, une Aston Martin gris métal, mais il la bichonne plus qu’il ne la conduit.

L’un des ressorts de sa popularité est sa fortune, acquise loin des combines de la bourgeoisie politique, administrative et commerçante camerounaise. Alors que le petit peuple cultive le soupçon à l’égard de l’argent des riches, Eto’o a brisé un tabou et s’est affranchi des catégories. Et ceux qui scandent « Eto’o, président » ne sont pas très différents de ceux qui ont porté George Weah des terrains de football à la présidence du Liberia. « Parce qu’il est déjà riche, lui au moins ne volera pas l’argent de l’État », voulait-on croire à Monrovia.

Eto’o incarne encore une réussite « propre » pour l’instant. Mieux, il redistribue, à en croire l’une de ses conseillères. « Nous arrivions fin janvier à la Fecafoot pour une conférence de presse, raconte-t-elle. Des gens attendaient depuis des heures devant les bureaux, tenus à distance par la sécurité. Malgré tout, Eto’o est descendu du véhicule et est allé à les écouter et leur parler. Puis il est revenu dans sa voiture prendre de l’argent, qu’il a distribué. Oubliant qu’en donnant en public il envoyait un signal en forme d’appel d’air. » Depuis, les sollicitations pleuvent de toutes parts.

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