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Pour le Haut comité d’évaluation de la condition militaire, la promotion interne s’essouffle au sein des armées


L’escalier social, qui suppose de consentir des efforts pour grimper dans la hiérarchie, est une notion fondamentale pour les armées. Par le passé, celle-ci a été illustrée par Marcel Bigeard, qui, de coursier au sein d’une banque est devenu le général que l’on connaît [et même secrétaire d’État !] avec pour seul diplôme un brevet d’études élémentaires. Plus récemment, le « pacha » du nouveau sous-marin nucléaire d’attaque [SNA] Tourville a commencé sa carrière de marin en tant que matelot… Par ailleurs, 7,2 % des officiers et 21,5 % des sous-officiers ont un niveau CAP/BEP.

Mais, aussi fondamentale soit-elle, cette promotion interne, c’est à dire le changement de catégorie hiérarchique [de militaire du rang à sous-officier, puis de sous-officier à officier] tend à ralentir. Tel est le constat établi par le Haut comité d’évalution de la condition militaire [HCECM], dans sa dernière revue annuelle, qui vient d’être publiée par le ministère des Armées. Et cela, même si, en 2022, 7387 militaires [en tenant compte de ceux de la Gendarmerie nationale] ont changé de catégorie [soit +11,4 % par rapport à l’année précédente].

Si ce chiffre traduit une évolution positive en apparence, il est cependant trompeur pour deux raisons. D’une part, parce que ce résultat est en grande partie dû à la Gendarmerie nationale, 3600 de ses militaires étant passés à une catégorie supérieure en 2022 [soit 48,7 % du total]. D’autre part, parce qu’il concerne essentiellement les militaires du rang, qui représentent 85 % des changements de catégorie.

Or, souligne le HCECM, la promotion vers les corps d’officiers a dans le même temps baissé de 14,8 % par rapport à 2021. Même chose, dans des proportions encore plus importantes, pour « les engagements de volontaires comme militaires du rang » [-44 %].

Sur une échelle de temps plus large [2017-22], la promotion interne des militaires du rang vers les corps de sous-officiers a progressé de 26,7 %. Mais cette hausse a surtout été observée dans la Gendarmerie nationale [+66,5 % par rapport à 2017] et dans l’armée de Terre [+ 5,9 %, seulement]. En revanche, la tendance est à la baisse dans la Marine nationale [-12,7 %, toujours par rapport à 2017] et dans l’armée de l’Air & de l’Espace [- 11,2 %].

Cependant, le HCECM relativise ces chiffres. « Bien qu’on observe une progression du nombre de sous-officiers issus de la promotion interne dans les trois armées [+223 en 2022], leur part relative dans le flux total d’entrée dans les corps de sous-officiers est en légère baisse quasi-continue depuis 2014. Le recrutement externe de sous-officiers a en effet doublé sur la même période, passant de 2011 en 2014 à 4057 en 2022. Ainsi, le taux de promotion interne chez les sous-officiers a atteint son niveau le plus bas en 2021 [38 %], et a légèrement progressé de 3,1 points entre 2021 et 2022 », explique-t-il.

Quant aux militaires ayant obtenu « l’épaulette » [c’est à dire promus officiers] en 2022, leur nombre a baissé de 7,4 % au sein de l’armée de Terre et de 12 % dans l’armée de l’Air & de l’Espace. En revanche, il a progressé de 5,4 % dans la Marine nationale qui, souligne le HCECM, a « connu en 2021 le taux le plus bas de promotion interne de ces vingt dernières années ». Dans la Gendarmerie nationale, il a reculé de 7,4 % par rapport à 2021 et a « atteint son niveau le plus bas de ces dix dernières années ».

Par ailleurs, constate encore le HCECM, dans les armées, en 2022, le pourcentage de militaires promus officiers par rapport à l’ensemble des officiers recrutés la même année régresse de 6,4 points [539 personnes soit 33,5 % en 2022, 578 personnes soit 39,9 % en 2021] alors que le flux total d’entrée dans les corps d’officiers progresse de 11,1 % [1609 contre 1448 en 2021].

En clair, une plus grande place est donnée au recrutement externe aux dépens de la promotion interne.

« La baisse de l’attractivité du recrutement interne se traduit notamment par la baisse du taux de sélectivité. Il apparaît que l’accès à ‘l’épaulette’, qui implique des responsabilités accrues, une mobilité plus fréquente et le recul de dix ans pour l’accès à la pension à liquidation immédiate [PLI], est moins recherché depuis quelques années. Or ce mode de recrutement est particulièrement important dans notre modèle d’armée : il représente près de 33,5 % du recrutement en 2022 », explique le HCECM.

Cette tendance peut se mesurer en tenant compte du nombre de candidats aux différentes écoles formant les officiers recrutés par voie interne.

Ainsi, pour l’armée de Terre, l’École militaire interarmes [EMIA] a compté 3,31 candidats pour 1 admis en 2022 [contre 5,61 candidats pour 1 admis en 2014]. Cela « s’explique surtout par la forte hausse des places offertes [+ 55 % entre 2014 et 2022] accompagnée d’une baisse du nombre de candidats malgré une légère remontée en 2021 [le nombre de candidats a ainsi été divisé par 2 entre 2013 et 2019] », avance le HCECM.

La tendance est la même, quoique plus prononcée, pour l’École militaire de la flotte [EMF], avec 3,18 candidats pour 1 admis en 2022 [contre 9,5 candidats pour 1 admis en 2014]. Pour le HCECM, cette « situation rappelle celle qui a conduit à la mise en sommeil de l’École navale interne [ENI] en 2014 ». Enfin, le concours interne de l’École de l’Air et de l’Espace [CI-EAE] a vu le nombre de candidats chuter de 68 % entre 2013 et 2022, le taux de sélectivité s’établissant à 2,74 candidats pour 1 admis.





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