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le procès a repris lundi avec les premiers témoignages


Entre fait divers, pratiques journalistiques et cuisine interne, le procès de l’affaire dite Lunghi a repris lundi après-midi avec les témoignages des rédacteurs en chef de RTL de l’époque.

La troisième date était la bonne. Après deux reports, l’affaire dite Lunghi du nom de l’ancien directeur du musée d’Art moderne de Luxembourg, a repris hier après-midi face à la 7e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg. L’audience a débuté par le visionnage du reportage qui a mis le feu aux poudres et poussé Enrico Lunghi à porter plainte le 23 décembre 2016 contre X pour coups et blessures involontaires, calomnie et diffamation. On le voit s’emporter face à la journaliste de l’émission de RTL Den Nol op de Kapp qui lui demande notamment ce qui lui déplaît dans l’œuvre de l’artiste luxembourgeoise Doris Drescher qui se plaignait de ne pas être exposée au musée. De la main, il repousse fortement le micro que tient la jeune femme.

Les différentes parties au procès ont commencé à placer leurs pions sur ce grand jeu d’échecs au gré des dépositions des deux premiers témoins de l’affaire, Alain Rousseau alors rédacteur en chef du journal télévisé, et Caroline Mart, son adjointe. L’affaire est complexe. On navigue entre pratiques journalistiques, cuisine interne d’une chaîne d’information et fait divers. L’interview a lieu dans le cadre d’un sujet sur les artistes luxembourgeois qui se sentent délaissés par les canaux institutionnels. Avant la diffusion du reportage, Steve Schmit, le responsable du pôle magazine de la chaîne, demande conseil auprès de ses deux confrères quant à son contenu et à sa pertinence. Le trio finit par s’opposer à sa diffusion dans sa première mouture.

Le reportage mêle interview de Doris Drescher, réponse d’Enrico Lunghi et images de son geste «vif». «Ma première réaction a été de me demander quel était le sens de ce reportage. Il n’avait ni queue ni tête. Je n’en comprenais ni le sens ni le contexte», a indiqué Alain Rousseau à la barre hier. Caroline Mart a confirmé cette impression. La journaliste explique que «nous ne voulions pas le diffuser sous cette forme. (…) Il n’y avait pas d’urgence, nous avons donc décidé d’appliquer un principe de précaution et de réfléchir à tête reposée de l’opportunité du sujet et de sa diffusion» «sur une chaîne qui veut garantir un journalisme de qualité» à ses téléspectateurs. Comme Alain Rousseau, elle explique que leur réaction en tant que membres de la rédaction en chef aurait été tout autre si les images leur avaient permis de prendre l’exacte mesure des faits décrits par la journaliste indépendante. «Sophie Schram m’a accusée de vouloir protéger Enrico Lunghi», poursuit Caroline Mart. «Elle ne nous a jamais parlé de blessure et nous n’avons pas réussi à mener de discussion rationnelle avec elle.»

Deux angles différents

Neuf jours après le tournage du reportage, la journaliste se rend aux urgences pour faire examiner son bras qu’elle dit douloureux. Le lendemain de cette visite, la rédaction en chef du journal télévisé est convoquée dans le bureau d’Alain Berwick, ancien CEO de RTL Lëtzebuerg, où les attendaient déjà Sophie Schram, le bras en écharpe, et Marc Thoma de l’émission Den Nol op de Kapp. La réunion aurait été relativement houleuse puisque le CEO aurait menacé Alain Rousseau et Caroline Mart de démission. Alain Berwick qui «prenait in fine la décision de ce qui était diffusé sur antenne», souligne Caroline Mart, leur aurait reproché de ne pas avoir protégé la journaliste comme l’exige le principe de responsabilité en cascade.

Au terme de cette réunion, il a été proposé de diffuser le reportage avec les images montrant les faits si la journaliste déposait plainte contre Enrico Lunghi. Le reportage a été diffusé, mais le dépôt de plainte n’est pas effectué au moment de la diffusion des images. L’affaire s’emballe : Xavier Bettel lance une instruction disciplinaire contre l’ancien directeur du Mudam et RTL est accusé d’avoir manipulé le reportage. Aujourd’hui, les juges doivent démêler les responsabilités des uns et des autres dans cette affaire pour déterminer qui en est la victime. Enrico Lunghi ou Sophie Schram? Des doutes ont été émis sur les problèmes de santé de l’un et l’autre à la suite des faits.

Pour y parvenir, ils devront également établir si la réaction de l’ancien directeur n’a pas été disproportionnée et si la réaction de la rédaction en chef de ne pas diffuser le reportage a été la bonne. «On parle de deux angles de reportage différents. L’un traite d’artistes qui se plaignent et l’autre d’une journaliste attaquée par le plaignant dans le cadre de son métier», a noté le président de la 7e chambre correctionnelle avant de demander à Alain Rousseau si «personne n’avait pu penser que Sophie Schram avait pu mettre en scène sa blessure». L’ancien rédacteur en chef ne veut préjuger de rien. «Je ne peux me référer qu’aux images que j’ai vues», assure-t-il. «Une rédaction fonctionne comme un écosystème. Si elle avait été blessée, cela aurait fini par se savoir.» Un point de vue que partage Caroline Mart, comme le fait que Steve Schmit, a toujours refusé de diffuser le reportage. La journaliste continuera de se plier aux questions des juges et des avocats cet après-midi.



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