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[Le portrait] Rémy Manso : le gourmand du ballon


Le directeur sportif du FCD03 régale le pays depuis treize ans.

Quand ils ont entendu que Le Quotidien préparait un portrait de Rémy Manso, le directeur sportif de Differdange et propriétaire de onze («bientôt douze») restaurants au Grand-Duché, certains afficionados de la DN ont haussé les épaules : «Mais que voulez-vous qu’on apprenne sur lui qu’on ne sache déjà?».

Cette petite phrase, répétée à l’intéressé, l’a fait rire et convenir qu’effectivement, il parlait librement de sa vie à tout le monde et que sa maison de Senningerberg était assez largement ouverte aux invités. Mais il a cherché le détail que peu de gens pourraient connaître sur lui et lâché en riant cette petite pépite, pour un homme dont le nom pèse énormément dans le monde de la restauration grand-ducale (El Barrio, Chimi Churri…) : «Vous n’avez qu’à écrire que je n’ai pas eu mon diplôme d’hôtellerie. Même à Diekirch, ils n’étaient pas au courant. C’est moi qui le leur ai appris quand ils m’ont demandé de venir assurer des interventions».

C’est que sa dernière année dans le Nord s’est dilluée dans le sauvetage du restaurant mexicain de son père, le fameux Däiwelskichen, «où certains avaient les doigts un peu trop longs», joli euphémisme pour dire qu’on piquait dans la caisse. Il a donc volé au secours de Carlos Manzo, son père et «meilleur ami», pourtant une personne longtemps restée dans l’ombre d’une séparation compliquée.

«Mes parents se sont séparés quand j’avais 2 ans. Je suis parti vivre avec ma mère, ma grand-mère et la tante de ma grand-mère au Portugal, à Castelo Branco, où j’ai été élevé à l’ancienne.» C’est-à-dire sur un matelas rembourré à la paille, des «douches» dans un seau et le fameux «savon bleu» pour se brosser les dents, celui que pas mal de vieilles familles portugaises utilisaient même pour faire la lessive.

Élevé par des femmes mais sans aucune coquetterie, Rémy Manso ne verra son père qu’une fois, à ses cinq ans. Sa première visite au «héros de la famille qui s’est toujours bien comporté en envoyant de l’argent», date de ses 14 printemps. Une fois l’an, il monte dès lors au Luxembourg, fait la plonge ou le service, apprend tout ce qu’il peut de ce père «artiste», fan de peinture et musique, qui ne manifeste aucun intérêt pour le ballon rond et qui s’amuse de voir son adolescent s’énerver quand son club de Benfica perd un match, avant de lui lâcher cette sentence non négociable : «Lâche le foot, occupe-toi plutôt des femmes!». Pas facile toutefois de donner satisfaction au paternel, qui le mettait au lit à 21 h parce qu’il voulait inculquer certaines règles à son rejeton. «J’avais beau lui dire qu’au Portugal, je me couchais à minuit, il ne voulait rien entendre», rigole Manzo.

Lâche le foot, occupe-toi plutôt des femmes

Le foot snobé par le père, Rémy n’en verra finalement que peu la couleur. Du futsal dans sa jeunesse au Portugal, en tant que gardien. Il intègre un club de D2 lusitanienne à ses 18 ans… mais c’est aussi le moment qu’il choisit pour déménager pour de bon au Grand-Duché et dédier sa vie à la restauration. Le ballon rond devient un simple passe-temps.

À l’école hôtelière de Diekirch, il «apprend à manger de la viande alors qu’avant, je me contentais beaucoup d’œufs et de purée» et les bases qui lui servent aujourd’hui à «savoir quoi demander à (s)es chefs». Certains l’invitent d’ailleurs à venir cuisiner avec eux de temps en temps. Il s’en empêche : «Moi, mon métier, c’est le service, c’est construire des équipes qui fonctionnent bien ensemble. Dans des restaurants et sur les terrains. Je ne serais pas bon aux fourneaux : quand je pète des câbles, j’ai envie de tuer des gens et c’est ce qu’il ne faut pas en cuisine».

Pourtant il l’assure, lui qui a mené le FCD03 à la Ligue des champions de futsal avec de sérieux espoirs de qualification contre certains des meilleurs clubs d’Europe, à la fin du mois, tandis que la section foot est leader invaincue de BGL Ligue après avoir remporté la Coupe la saison passée, c’est bien plus dur de s’occuper d’une équipe de foot que de ses 400 employés. En restauration, le niveau d’excellence est requis tout le temps.

«Alors qu’en foot, on n’affronte pas tous les jours le Real Madrid, donc forcément…» Donc forcément, ça se relâche. Mais pas mal de footeux apprennent aussi la rigueur dans ses établissements, y compris à des postes clefs. Et ça va très bien au patron, qui même quand il s’agit de ses enfants, «préfère montrer la réalité des choses… que de leur acheter des choses».

Qu’en dirait son père, de cette tocade footballistique née d’une visite sur un match de futsal où Rémy a vu «une équipe qui était habillée en rouge et qui perdait» (le FCD03), et qu’il a décidé d’aider? Pas moyen de le savoir : Carlos est décédé aux 25 ans de son fils, une semaine seulement après l’ouverture de leur restaurant commun. «On n’en aura pas profité longtemps.»

Mais il estime que papa aurait fini par le suivre. Lui, en tout cas, n’a pas pu s’en empêcher parce qu’il adore qu’on lui dise que c’est impossible, que ça ne marchera pas. Juste pour prouver le contraire. «Où pouvais-je aller d’autre qu’à Differdange, dès lors?» Avec lui, le futsal a tout gagné. Le football lui a demandé un coup de main («mais pas financier, même si tout le monde dit le contraire») et ne s’en plaint pas, pour l’instant. «Mais je pense que j’arrêterai dès qu’on aura gagné quelque chose pour voir un peu plus ma femme et mes enfants.»

Vu qu’il a déjà remporté la Coupe, on doit imaginer que par «gagner», Manso entend «le championnat». Et on jurerait qu’il s’est inventé ce challenge pour rester le plus possible après avoir trouvé en Fabrizio Bei ce qui ressemble à un père de substitution : «Lui et mon père se ressemblent tellement. Fabri est un peu fou, explosif, tu ne sais jamais ce qu’il va dire. Je retrouve Carlos en lui. Avant, c’était toujours mon père, aux soirées, qui se levait le premier pour danser. Maintenant, c’est Fabrizio».

Voilà deux ans qu’ils profitent ensemble du FCD03. Plus que le père et le fils du restaurant familial. Une raison pour Manso de l’avouer : «Pour le moment, même si je préfère le stress de l’avant-match, je suis plus fort en restaurant qu’en foot». Jusqu’à quand?



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