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Le Groupe l’Anecdote s’investit de façon bruyante pour obtenir la remise en liberté d’Amougou Belinga

Resté longtemps silencieux sur l’enlèvement suivi du décès de Martinez Zogo, la télévision du Groupe l’Anecdote s’investit désormais de façon bruyante pour obtenir la remise en liberté de son promoteur. Entre «doutes» désormais entretenus sur l’identité de la dépouille de l’homme des médias au prétexte de l’inexistence d’un test ADN dans le dossier du juge d’instruction, et démarches judiciaires plus ou moins occultes en vue d’une libération immédiate, sans parler de l’évocation des «lenteurs judiciaires» imaginaires, le fan club de l’homme d’affaires ne se donne aucune limite pour atteindre ses objectifs. Enquête sur les non-dits d’une campagne médiatique douteuse.

La dernière émission dominicale phare de Vision 4 TV dénommée «Club d’élites», le 9 avril 2023, dont l’animateur et sans doute la direction avaient l’ambition de transformer en une tribune de soutien à M. Jean-Pierre Amougou Bélinga n’a sans doute pas atteint tous les objectifs qu’elle visait. Ayant entre autres sujets en débat l’affaire Martinez Zogo, avec en arrière-plan de démontrer qu’il existe «des doutes sur l’identité du corps» de l’homme des médias sauvagement assassiné et que le dossier du juge d’instruction chargé de l’affaire n’avait ni résultat d’un test ADN, ni le rapport d’une autopsie médicale (et donc que le patron de la chaine est embastillé pour rien), cette émission a plutôt produit l’effet contraire.

En fait, les interventions dans ce débat de Maître Claude-Bernard Assira Engoute, avocat et par ailleurs professeur de droit à l’Université catholique d’Afrique centrale, l’un des cinq invités du jour, ont plutôt conforté l’opinion des téléspectateurs sur le fait que l’idée d’évoquer l’absence d’un test ADN pour jeter un doute sur l’identité du corps était juridiquement incongrue. Et qu’il fallait laisser le juge d’instruction faire son travail. La dépouille de M. Martinez Zogo avait été reconnue par ses proches à travers «un faisceau concordants d’indices et de présomptions», a dit le professionnel du droit, et on ne l’a plus jamais aperçu depuis l’annonce de sa filature suivie de son enlèvement. Pour Maître Assira Engoute, tout cela était suffisant pour que l’enquête se déroule sans problème. Ce sont des arguments de bon sens que Calixte Beyala, écrivaine camerounaise engagée dans l’affaire Martinez Zogo, avait déjà expriméS la veille sur les réseaux sociaux.

Les arguments des comparses connus du patron de Vision 4 TV au cours l’émission «Club d’élites», dont un certain Saint-Eloi Bidoung, qui se présente comme journaliste, M. Souley Onohiol du Messager qui est sans doute toujours reconnaissant des attentions financières reçues de M. Amougou Bélinga alors surtout qu’il était gravement malade, mais aussi l’économiste Dieudonné Essomba, l’un des invités permanents du programme, ont pesé d’un poids négligeable devant la force argumentative de l’enseignant de droit. D’ailleurs, dès sa première prise de parole sur le sujet, ce dernier n’a pas hésité à rappeler que le média de M. Amougou Bélinga et ses soutiens ne pouvaient pas s’attendre subitement à une justice vertueuse alors que ces derniers avaient jusque-là été indifférents, voire à l’origine de certains scandales judiciaires. Le volet de la campagne médiatique lancée pour soutenir la cause de l’inculpé Amougou Bélinga s’est donc quasiment achevé en eau de boudin.

Mandat d’extraction

En réalité, il y a longtemps que les proches de M. Amougou Bélinga multiplient des actions plus ou moins publiques pour que ce dernier ne s’éternise pas à la prison principale de Yaoundé – Kondengui (ancienne BMM) où il est incarcéré depuis le 4 mars 2023, après son inculpation pour «complicité de torture». D’ailleurs, ce jeudi, 13 avril 2023, le patron du Groupe l’Anecdote a rendez-vous avec les juges de la Cour d’appel du Centre au Palais de justice du centre administratif. Les avocats de l’homme d’affaires espèrent obtenir que cette juridiction ordonne au juge d’instruction du Tribunal militaire de Yaoundé de leur faire délivrer une copie du dossier de l’enquête préliminaire et de prendre des mesures pour empêcher l’inhumation du disparu. La première audience de cette affaire, le 23 mars dernier, avait donné lieu à un renvoi sans aucun débat sur le fond de la demande.

C’est une sortie de Paul Chouta publiée sur sa page Facebook qui avait rendu publique en premier l’information relative à une demande supposée de remise en liberté immédiate du patron du Groupe l’Anecdote. Dans un texte publié le 20 mars 2023 et intitulé «des manœuvres en cours pour libérer Amougou Bélinga», le lanceur d’alertes écrit ceci : «Le tribunal militaire a rejeté la demande de liberté provisoire de Jean-Pierre Amougou Bélinga. Les avocats du Zomloa des Zomloa ont fait appel en saisissant la Cour d’appel du Centre. Cette cour s’apprêterait donc à libérer Jean-Pierre Amougou Bélinga, ce qui ne surprend personne, connaissant les rapports qu’il a avec le patron de la justice». Ce message porté le même jour par Kalara à la connaissance du chef de file des conseils de l’homme d’affaires dans l’espoir de cerner la réalité sur la demande judiciaire alléguée, est resté jusqu’ici lettre morte.

Il n’empêche : la révélation du lanceur d’alertes va être crédibilisée par la programmation de l’examen en appel du recours introduit par les avocats de M. Amougou Bélinga. Des sources proches du dossier révèlent à votre journal des manœuvres discrètes autour de l’extraction du patron de Vision 4 de la prison principale de Yaoundé Kondengui où il est en détention provisoire. La veille du rendez-vous, soit le 22 mars, le «mandat d’extraction» de l’inculpé est arrivé à la prison et a rapidement disparu de la circulation contrairement aux usages. Cela suscite la curiosité dans la prison principale. Le document signé conjointement par la présidente de la Cour d’appel et le célèbre juge Gilbert Schlick sera publié en primeur le lendemain par le DP de Kalara sur sa page Facebook, quelques minutes avant «l’audience de la chambre de contrôle de l’instruction» prévue dès 7h30’.

Devant ce qui ressemble à un quiproquo ayant retardé le déploiement des éléments du Groupement polyvalent d’intervention de la gendarmerie nationale (Gpign) chargé de l’escorte de l’homme d’affaires vers la salle d’audience, le régisseur de la prison principale va lui-même assurer le transfert du justiciable au Palais de justice. C’est une précaution rare, disent les observateurs avertis, que certains mettent sur le compte des grandes affinités connues de M. Amougou Bélinga avec le ministre d’Etat Laurent Esso, super-patron de l’administration pénitentiaire. Mais cette précaution est vaine. M. Schlick, le président de la chambre de contrôle de l’instruction de la Cour d’appel du Centre, et ses collègues ont décidé de renvoyer au 13 avril 2023 l’examen du recours du patron de Vision 4 TV. Mais cet épisode ne manque pas d’intérêt.

Droits bafoués…

Le mandat d’extraction porte des informations qui permettent de comprendre que le recours initial de l’homme d’affaires a été introduit auprès du juge d’instruction du Tribunal militaire de Yaoundé. C’est ce qui explique la mention de la «chambre de contrôle de l’instruction», qui est justement compétente au regard de la loi pour connaître des recours concernant les actes du juge d’instruction. L’idée entretenue par une rumeur persistante d’une demande de remise en liberté immédiate déposée auprès du président du Tribunal de grande instance (TGI) du Mfoundi, juge des libertés, est donc écartée… Peut-être momentanément. Cependant, le fond des revendications précises de l’homme d’affaires reste inconnu. Mais ce n’est une question de jours…

Dix jours plus tard, en effet, soit le 24 mars 2023, le «consortium d’avocats de la défense de Jean-Pierre Amougou Bélinga et consorts», adresse une correspondance au juge d’instruction. Dans ce document signé au nom du «consortium» par le bâtonnier émérite Charles Tchoungang, le consortium rappelle avoir sollicité, le 4 mars 2023, la «délivrance d’une copie du dossier de l’enquête préliminaire» dans l’affaire «Lieutenant-colonel Danwe et ministère public contre Jean-Pierre Amougou Bélinga et autres» sur le fondement de l’article 165 du Code de procédure pénale.

«Il se trouve qu’à ce jour et en dépit d’avoir régler les frais demandés par M. le greffier en chef de votre juridiction, poursuit la correspondance, nous n’avons pas toujours reçu la copie de l’enquête préliminaire pourtant indispensable à la préparation de la défense de notre client dans le cadre de l’instruction que vous menez et de l’éventuel procès envisagé». Le consortium estime que les droits de son client sont bafoués et exposent la procédure à la nullité. Il demande en conséquence au juge d’instruction de «bien vouloir ordonner à M. le greffier en chef de [lui] faire tenir une copie exhaustive du dossier de l’enquête préliminaire pour préserver les droits de [son] client et ceux de la défense» au nom du respect du contradictoire et de l’égalité des armes pour un procès équitable dans une affaire pénale.

Me Tchoungang profite de l’occasion pour poser un autre problème. «Eu égard aux informations distillées par la presse selon lesquelles le défunt animateur de radio, M. Martinez Zogo, aurait été supplicié dans le sous-sol de l’immeuble Ekang appartenant à notre client, et qu’il y aurait assené des coups de pieds et des barres de fer après un entretien surréaliste avec le ministre d’Etat, ministre de la Justice garde des sceaux, la perspective de l’enterrement de la victime nous paraît aller à l’encontre de la recherche de la vérité», écrit-il. Le bâtonnier émérite sollicite formellement dans sa correspondance que le juge d’instruction prenne «des actes qui concourreraient à la vérification des faits, afin de préserver les preuves que l’inhumation de la victime pourrait occulter».

Trouble à l’ordre public

Toutes ces demandes ont le don d’alimenter des polémiques au sein de l’opinion, notamment au sujet de l’absence alléguée du rapport de l’autopsie pratiquée sur le corps de Martinez Zogo le 22 janvier 2023 peu après sa découverte et sur l’absence du test ADN ci-dessus rappelé. M. Amougou Bélinga passe naturellement pour le «mouton de la tabaski», un innocent emprisonné pour rien… Lorsque la réponse du juge d’instruction à la requête de la défense de l’homme d’affaires est dévoilée le 6 avril 2023 par un autre lanceur d’alertes, M. Boris Bertolt pour ne pas le nommer (qu’on sait particulièrement proche de M. Amougou Bélinga), la polémique est relancée de plus belle. Sur sa page Facebook, il publie l’ordonnance datée du 28 mars qui rejette les demandes d’obtention des copies du dossier d’instruction faites par divers inculpés dont le patron de Vision 4 TV. Et ses arguments offrent un nouveau prétexte à la campagne médiatique en faveur de la libération de l’homme d’affaires.

En partant d’une sorte d’exégèse de l’article 165 du code de procédure pénale qui a prévu la possibilité pour le parquet d’obtenir copie des «actes de procédures» et aux autres parties d’en recevoir copie des «pièces de procédures», le juge d’instruction soutient dans son ordonnance que «l’information judiciaire étant secrète tout comme l’enquête préliminaire, il est constant que la délivrance de la copie entière du dossier aux parties autres que le ministère public risque de fragiliser le sceau de la confidentialité dont est frappée la présente phase de la procédure». Il ajoute que «la grande spéculation médiatique (réseaux sociaux et autres) dont fait l’objet la présente cause (affaire Martinez Zogo), fait penser à un risque élevé de trouble à l’ordre public et surtout de divulgation et d’effritement des éléments de preuve».

Si l’argumentation du juge d’instruction pour ce qui concerne la distinction entre «actes» et «pièces» de procédure, est soutenue par les avocats des «ayants-droit de Arsène Salomon Mbani Zogo dit Martinez Zogo» dans un communiqué de presse publié le 5 avril, qui y trouvent rien moins qu’une «application stricte de la loi», Maître Claude-Bernard Assira n’est pas du même avis. L’avocat qui a par le passé obtenu plusieurs fois délivrance de la copie d’un dossier de procédure au stade de l’information judiciaire, comme ce fut le cas quand il défendait les intérêts du ministre d’Etat Atangana Mebara, estime que la position exprimée par le juge d’instruction participe d’une «vision surréaliste qui ne correspond à rien». «Cette distinction ne s’explique pas du tout. Il s’agit d’une simple question d’écriture», soutient-il, qui est une «interprétation extrêmement restrictive et sévère de la loi». Pour lui, le parquet et les autres parties sont «également» au même pied d’égalité.

Lors de l’émission «Club d’élites» du 9 avril 2023, Maître Assira reconnaît cependant que le juge d’instruction a le droit de «restreindre l’accès au dossier d’instruction» pour assurer le bon déroulement de l’information judiciaire et favoriser la manifestation de la vérité. Il se montre une fois de plus opposé au fan club de M. Amougou Bélinga qui estime que la justice fait preuve de lenteurs et conteste vertement l’argument de «la grande spéculation médiatique» ainsi que les craintes du juge d’instruction par rapport au «trouble à l’ordre public». L’avocat déclare d’ailleurs qu’il n’a rien vu d’atypique dans la gestion de la liberté de M. Amougou Bélinga, qui bien que détenu, «jouit toujours de la présomption d’innocence». «Il est dans le cadre de la machine légale», précise l’avocat.

Maxime Eko Eko

Un point de vue similaire à celui de ses confrères constitués pour les ayants-droit de Martinez Zogo. Revenant dans leur communiqué du 5 avril sur la rumeur d’une demande de mise en liberté sous caution introduite par les conseils de M. Amougou Bélinga, Maître Calvin Job, signataire pour cet autre collectif, se veut sentencieux : «Tous les professionnels du droit dignes de ce nom, savent que, s’agissant de la remise en liberté sous caution, la loi en vigueur l’interdit formellement en matière criminelle lorsque l’emprisonnement à vie est encouru (article 224 alinéa 2 du code de procédure pénale), ainsi que c’est le cas en matière de tortues (article 277-3 du code pénal)». Il n’est pas sûr que ces arguments aient raison de ceux qui croient dur comme fer à l’innocence du patron de Vision 4 et qui espèrent sa remise en liberté rapide. Pourquoi pas ce 13 avril, date de son rendez-vous avec la Cour d’appel du Centre.

Rappelons que dans le cadre des poursuites judiciaires orchestrées à la suite de la disparition brutale de Martinez Zogo, une dizaine de personnes ont finalement été inculpées tantôt pour «filature, enlèvement et tortures», pour certains, et pour «complicité de tortures», pour d’autres, dont M. Amougou Bélinga et M. Léopold Maxime Eko Eko, le patron de la Délégation générale à la recherche extérieure (Dgre). Si ces deux derniers sont incarcérés à la prison principale de Kondengui pour une période initiale de 6 mois qui pourrait se rallonger jusqu’à 18 mois, la durée légale maximale de la détention provisoire, ils sont assez distants l’un de l’autre, pour dire le moins, d’après les sources de Kalara. Alors que le fan club de l’homme d’affaires associe souvent ses déclarations à M. Eko Eko, pour dire qu’il est incarcéré pour rien, les avocats du flic rappellent à souhait que le sort de leur client n’est lié à celui d’aucune autre personne (lire mise au point).

Filé et enlevé le 17 janvier 2023 à Yaoundé, le corps de Martinez Zogo avait été retrouvé le 22 janvier suivant dans la localité d’Ebogo 3 dans le département voisin de la Mefou et Afamba. Une enquête avait immédiatement été engagée sous les auspices du parquet général près la Cour d’appel du Centre. Le procureur de la République de Mfou avait notamment prescrit des prélèvements sur la dépouille sur les membres de la famille du disparu en vue d’un test ADN, tout comme une autopsie médico-légale sur la dépouille, qui fut pratiquée sous le contrôle de son homologue du Tribunal de grande instance du Mfoundi. Avec l’entrée en scène de la commission d’enquête mixte gendarmerie-police mise sur pied sur instruction du chef de l’Etat, le parquet général et ses substituts avaient été mis hors-jeu et rendu sans intérêt les résultats du test ADN dont la réalisation rapide ne semblait pas faire partie des préoccupations des autorités judiciaires…

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