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Le faux CEO arnaquait des candidats à l’embauche partout en Europe


Les conditions d’emploi proposées par le prévenu étaient trop belles pour être vraies. Un miroir aux alouettes utilisé par un escroc international pour appâter ses victimes présumées.

Éric-Théodore se retourne vers la salle à l’énumération de chacune de ses victimes présumées. Vingt-deux fois. Le quinquagénaire fait au passage briller sa cravate brodée de fils d’or et de cristaux qu’il porte sur un costume trois pièces rayées.

Le prévenu est élégant comme le sont généralement les CEO de grandes entreprises. Seulement le poste qu’il prétend occuper est aussi faux que les brillants de sa cravate.

Quand les policiers lui ont mis la main dessus, il était serveur dans un restaurant à Vianden. Il avait pris «une année sabbatique». Les différentes entreprises qu’il avait fondées reposaient sur du vent, selon la police et le parquet.

Éric-Théodore apparaît comme un escroc international qui a déjà fait parler de lui entre autres en Allemagne, en France et en Angleterre où il a déjà été condamné à plusieurs reprises pour les mêmes types de faits ces vingt dernières années.

Malgré des mandats d’arrêt lancés contre lui, il a retenté sa chance entre décembre 2016 et novembre 2020 au Luxembourg avec la même arnaque bien rodée jusqu’à ce qu’il soit arrêté l’année dernière.

Douze mille euros de salaire mensuel et de nombreux avantages pour un poste d’event manager. La promesse d’embauche est alléchante. Les entretiens ont lieu à l’hôtel Royal ou au Learning Center de l’université de Belval et Éric-Théodore propose à certains candidats de venir les chercher en limousine à l’aéroport du Findel. Le prévenu vend du rêve.

Les postes n’existent pas et ses sociétés n’auraient jamais eu d’activité économique réelle. Pourtant, certains candidats recrutés via l’Adem ou en ligne, signent des contrats fictifs et abandonnent des emplois bien réels.

Grosse erreur. Le prévenu leur fait miroiter un avenir professionnel brillant et demande des versements de sommes d’argent pour des documents administratifs, la traduction de diplômes, l’achat de matériel informatique ou didactique et de livres ou d’autres motifs avant de ne plus donner signe de vie.

L’argent était envoyé en Côte d’Ivoire à la famille du faux homme d’affaires. À chaque fois, il prétextait un manque de fonds de ses jeunes entreprises pour obtenir des avances. Des sociétés-écrans sans existence légale, avance l’enquêteur.

«Cela relève du droit du travail»

«Mes sociétés étaient enregistrées au registre du commerce, elles avaient des bureaux, elles avaient une activité économique dans le conseil aux entreprises… Ce ne sont pas des sociétés fantômes», s’emporte le prévenu avec véhémence, critiquant le travail de l’enquêteur de la section criminalité générale de la police judiciaire.

Éric-Théodore n’aurait, selon lui, rien à se reprocher. Tout est faux. Les six victimes présumées qui se sont portées partie civile hier après-midi à l’audience de la 16e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg ne sont pas de cet avis.

L’homme parle bien, a une explication pour tout. «Les victimes veulent récupérer de l’argent sur mon dos», dit-il. «C’est une question de droit du travail.» Son casier judiciaire est vierge et les plaintes à son encontre sont fausses, affirme-t-il. «L’enquêteur s’est livré à une campagne diffamatoire à mon encontre qui a nui à mes activités économiques», poursuit-il.

Un article paru dans le journal Le Monde à la suite de son procès en France serait également diffamatoire. Il n’a jamais été condamné par le passé et les frais avancés faisaient partie de la politique d’entreprise.

«J’ai l’esprit d’entreprendre. Créer une entreprise n’est pas un crime. Elon Musk en a une dizaine», argumente le prévenu qui se défend seul. «Les faits qui me sont reprochés relèvent du droit du travail. Ce n’est pas une affaire pénale. Dans ce cas, tous les employeurs sont des escrocs.»

Il oublie qu’il n’aurait jamais remboursé ses employés, ni payés certains salaires dus. L’enquêteur estime à près de 14 000 euros l’argent perçu indûment par celui qui prétend avoir étudié à Harvard et travaillé pour Goldman Sachs.

«Sa personnalité va de pair avec les infractions qui lui sont reprochées. Il ne fait que tromper, manipuler et nier», a constaté la représentante du parquet dans son réquisitoire. «Il ment. Il prétend des choses contredites par le dossier répressif.»

Le prévenu bascule nerveusement d’un pied sur l’autre et n’hésite pas à l’interrompre, frôlant l’outrage à magistrat : «Le ministère public est dans le déni. Il a un problème d’amnésie. Je viens de remettre une cinquantaine de preuves officielles de ma bonne foi.»

Il ne l’impressionne cependant pas. La représentante du ministère public a requis une amende appropriée et une peine de 28 mois de réclusion à son encontre et a conseillé au tribunal de n’assortir la peine d’un sursis probatoire qu’à la condition qu’il rembourse toutes ses victimes.

Le prononcé est fixé au 25 avril.



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