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le commerce est-il en souffrance dans la Ville-Haute ?


Le contexte économique défavorable n’a pas aidé les commerces de ce quartier qui essaient tant bien que mal de s’en sortir.

Depuis quelques mois, plusieurs commerces, magasins comme restaurants, ont mis la clé sous la porte dans la Ville-Haute de la capitale. De quoi s’interroger sur la situation commerciale de ce quartier. Pour Anne Darin, directrice de l’Union commerciale de la Ville de Luxembourg (UCVL), celle-ci a été fortement influencée par le contexte économique marqué par l’augmentation des prix.

«L’inflation s’est répercutée sur la marge des commerces, d’autant qu’en 2023, il y a eu beaucoup d’indexations salariales qui ont pesé sur les charges des entreprises. Tout cela impacte également la trésorerie des commerçants qui est déjà bien tendue», détaille-t-elle.

À cela s’ajoutent les charges immobilières comprenant à la fois les dépenses énergétiques et les loyers. «Nous essayons de sensibiliser les propriétaires. Car les loyers ne sont pas toujours adaptés à la réalité économique de rentabilité», appuie la directrice de l’UCVL.

Ainsi, selon une tendance observée par l’UCVL, en 2023, la Ville-Haute a compté plus de fermetures que d’ouvertures. Et il y en a eu davantage dans le commerce de détail que dans celui de l’Horeca. Comme l’explique Anne Darin, les raisons de ces cessations d’activité sont multiples.

«Dans le secteur mode et accessoires, de nombreuses entreprises internationales ont eu des difficultés et ont dû fermer leurs points de vente à Luxembourg (…) On a aussi vu des entreprises indépendantes avoir des problèmes après seulement un ou deux ans d’implantation ou encore des départs en retraite.»

Un turnover, qui, selon la responsable de l’UCVL, a toujours été présent dans la Ville-Haute. «Il a peut être légèrement augmenté à la suite de la crise sanitaire. Ces dernières années, nous avons eu pas mal de fermetures d’enseignes qui ont sûrement marqué les esprits.» Malgré cette situation, pour Anne Darin, ce quartier reste attractif.

«La demande d’implantation est toujours présente», soutient-elle. En effet, le taux de vacance – qui prend en compte l’occupation des commerces – reste assez stable. «Il varie entre 8 à 10 % en fonction des mois. Mais on est bien loin de la situation d’après-crise sanitaire où il était monté jusqu’à 15 %», fait-elle remarquer.

Une situation mitigée pour les restaurants

Qu’en est-il pour le secteur de la restauration et de l’hôtellerie dans la Ville-Haute? «Pour les restaurants, l’activité se porte assez bien. Il y a un grand roulement, certains ouvrent quand d’autres ferment. Mais le genre de restauration a changé, il y a plus de restauration rapide de type fast-food», constate Alain Rix, président de la Fédération nationale des hôteliers, restaurateurs et cafetiers du Grand-Duché (Horesca).

Si le chiffre d’affaires des restaurants est plutôt satisfaisant, il n’en va pas de même du côté de leur rentabilité. «Les index, le coût de la matière première, tout cela a fait que cela a explosé. Et on ne peut plus répercuter sur les prix, car les clients ne seront pas prêts à payer plus cher», regrette-t-il.

De ce fait, le ticket moyen, que ce soit pour les touristes ou les Luxembourgeois, a nettement baissé. «Dans le passé, on avait des clients qui allaient deux à trois fois au restaurant. Ils y vont maintenant une à deux fois.»

La Ville a toujours été morte le soir

Après plusieurs années de difficultés en raison de la crise sanitaire, pour Alain Rix, les restaurants de Luxembourg subissent encore aujourd’hui les conséquences de la pandémie. «En plus de l’impact financier avec l’augmentation des matières premières, il y a aussi eu des changements dans le type de clients et de leur comportement (…). En Ville, ce qui nous fait mal, c’est le télétravail qui fait baisser la fréquentation des établissements.»

Celle-ci est, par ailleurs, assez inégale. «Un jour, c’est complet, un autre, c’est très calme. De manière générale, c’est assez calme le soir (…). La Ville a toujours été morte le soir, en été ça va, mais l’hiver, c’est très compliqué.» En plus de ces difficultés, les restaurateurs doivent également faire face à la pénurie de main-d’œuvre, bien connue dans le secteur.

«On ne trouve pas assez de personnel. Certains établissements ferment deux jours par an à cause de cette pénurie», indique Alain Rix. Une situation que l’on retrouve également dans le commerce de détail où, selon la directrice de l’UCVL, le recrutement reste «un vrai enjeu aujourd’hui».

Du côté des hôtels de la Ville-Haute, la situation est, en revanche, bien meilleure grâce notamment au tourisme d’affaires qui, selon le président de l’Horesca, «fonctionne plutôt bien». Il fixe leur rentabilité entre 8 à 10 %

Pourtant, une problématique bien spécifique à la Ville de Luxembourg demeure dans le secteur de l’Horeca comme dans celui des commerces de détail : celle des loyers. «J’espère qu’ils baisseront parce que les restaurateurs n’en peuvent plus», regrette Alain Rix qui espère que 2024 sera une meilleure année pour les professionnels de la restauration.


La parole aux commerçants

Martine Wagner est gérante du café bar «Vis-à-Vis» situé dans la Ville-Haute. Pour elle, la situation reste assez mitigée. «On ne va pas dire que l’on travaille mal, surtout le soir. Le moment où nous rencontrons le plus de difficultés, c’est durant la journée.» Des changements qu’elle lie directement à la crise sanitaire. «Auparavant, les gens venaient en groupe, en équipe. Aujourd’hui, on a plus de clients qui viennent seuls. Peut-être que c’est le développement du télétravail, on ne sait pas vraiment dire (…). La semaine, c’est vraiment calme. Le samedi, il y a quand même beaucoup de monde. Quand on dit qu’il n’y a pas de monde en ville, ce n’est pas vrai», confie la commerçante.

Gabriel Boisante, gérant de plusieurs établissements de nuit à Luxembourg, est du même avis. Pour lui, la Ville-Haute a emmagasiné plusieurs problèmes depuis quelques années. «La crise sanitaire, les travaux et le manque d’accessibilité ont donné une mauvaise image à ce quartier.» Une situation qui n’a pas été sans conséquences sur l’attractivité de cette zone commerciale. «On remarque que les week-ends sont chargés et les débuts de semaine très calmes. On voit que les fins de mois, les gens sortent moins alors que les débuts sont plus intéressants.» Et cela, même si le pouvoir d’achat des Luxembourgeois reste élevé. «En plus de l’inflation, l’explosion des taux d’intérêt a fait que les propriétaires fonciers, très nombreux dans le pays, ont plus de difficultés à gérer leur budget.»

Malvina Gelezuinas, gérante d’un magasin de chaussures dans la Ville-Haute, est, quant à elle, plutôt satisfaite de ce début d’année. «Le flux touristique est revenu, donc on travaille plutôt bien et la météo est avec nous», sourit-elle. En revanche, elle note certains problèmes de sécurité. «Les problèmes que connaissent les commerçants du quartier Gare commencent à s’installer en Ville-Haute.»

Partir de la Ville

Face aux difficultés, Mike Decker a souhaité fermer son établissement d’antiquités, après 25 ans d’activité dans la Ville-Haute de Luxembourg. Mais les raisons sont nombreuses. «La Ville a beaucoup changé, et est devenue très jeune. Dans notre activité où nous avons une clientèle assez âgée, cela n’a pas aidé. Évidemment, les différentes crises ont aussi joué», confie le commerçant.

Pour lui le «manque» d’attractivité et le développement des centres commerciaux dans le pays ont aussi joué dans son choix de fermeture. «Honnêtement, si j’avais le choix de faire mes courses, je n’irais pas en centre-ville mais plutôt dans des centres commerciaux, et c’est bien ça le problème.» Après plusieurs années en centre-ville, l’activité de Mike Decker ne s’arrête pas pour autant. «J’ai trouvé un dépôt en périphérie. C’est quelqu’un du quartier Gare qui reprendra mon magasin. Mon propriétaire m’a dit qu’il n’allait pas augmenter le loyer. Cela ne lui créera pas de nouvelles difficultés.»



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