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La Géorgie clairement tournée vers l’Europe


Une balade à travers Tbilissi, la capitale géorgienne, suffit pour comprendre que le pays, partageant une frontière avec la Russie, ambitionne de rejoindre au plus vite l’UE. Reportage.

Il existe pas mal de similitudes entre Luxembourg et Tbilissi, les capitales du Grand-Duché et de la Géorgie. Toutes deux sont des villes forteresses, hébergent une population multiculturelle et possèdent un patrimoine historique et architectural très riche. Le match de football disputé jeudi dernier entre les deux pays fut l’occasion idéale de faire mieux connaissance avec un État luttant résolument pour sa liberté.

Sur les hauteurs de Tbilissi trône la statue Kartlis Deda, représentant une mère tenant dans sa main droite une épée pour combattre les ennemis de la Géorgie et dans sa main gauche un bol de vin pour saluer les amis. Par le passé, le pays caucasien a été obligé de se défendre à maintes reprises, contre l’empereur que fut Napoléon, et plus récemment – en 2008 – contre la Russie de Vladimir Poutine. Cette guerre a été un déclencheur qui pousse aujourd’hui la Géorgie à vouloir intégrer la famille européenne, plutôt que de replonger sous le giron de Moscou.

Partout, des drapeaux européens flottent

Le chemin européen a été entamé quelques années plus tôt. Devenue indépendante de l’Union soviétique en 1991, la Géorgie a connu une révolution pacifique, en novembre 2003. La «révolution des roses» a conduit au pouvoir Mikheil Saakachvili, artisan d’une transformation du pays en démocratie à économie libérale de marché. Deux décennies plus tard, plus précisément en décembre dernier, la Géorgie a obtenu le feu vert pour l’ouverture officielle des négociations afin d’adhérer à l’UE. 

Dans la foulée, des dizaines de milliers de personnes se sont rassemblées dans les rues de Tbilissi pour fêter cette «immense étape» de franchie. La présidente pro-occidentale du pays, Salomé Zourabichvili, a salué cette décision et assuré que «la volonté inébranlable du peuple géorgien» avait enfin été reconnue par les Vingt-Sept. L’adhésion à l’UE est en effet soutenue, selon des récents sondages, par 80 % de la population.

Si le chemin s’annonce long et épineux (lire également ci-dessous), Tbilissi est déjà clairement tournée vers l’Europe. Dans cette ville de 1,2 million d’habitants – soit un tiers de la population géorgienne – on aperçoit flotter des drapeaux européens à tous les coins de rue, y compris à l’entrée du bar-restaurant qui a accueilli, jeudi dernier, les supporters des Roud Léiwen. L’autre grand symbole sont les tags qui fleurissent sur les façades et même des conteneurs de poubelles. Les inscriptions sont sans équivoque : «Fuck Russia».

Il est aussi saisissant de voir, aux abords de la place de la Liberté – la plus grande de Tbilissi – un centre d’information dédié à l’UE, mais aussi à l’OTAN. La Géorgie ambitionne également d’intégrer l’Alliance atlantique. Candidat depuis 2008, le pays reste toutefois en salle d’attente. Des coopérations cibles existent toutefois depuis 1994.

La mission primaire sera de compléter l’architecture de l’État afin de pouvoir intégrer les deux alliances, considérées comme un bouclier protecteur contre le voisin russe.

Élection présidentielle en octobre prochain

Rien que ses riches histoire et culture font que la Géorgie va clairement enrichir la famille européenne. Il existe la légende que Dieu, au moment de répartir les territoires de notre planète, avait oublié les Géorgiens. Ces derniers l’auraient alors invité à un repas festif. Le caractère chaleureux des gens et le bon vin de la région auraient finalement convaincu Dieu d’offrir aux Géorgiens la terre qu’il s’était réservée pour lui-même.

Construite sur ces mêmes fondations, Tbilissi, et avec elle l’ensemble de la Géorgie, ne peut que sortir gagnante d’une adhésion à l’UE. La capitale est une ville pleine de contrastes, avec des bâtiments monumentaux datant de l’ère soviétique, un cœur historique au pied de la forteresse, des édifices religieux uniques, des œuvres architecturales ultra-modernes, mais aussi des quartiers et rues en ruine.

La transparence sera un des critères majeurs à remplir par la Géorgie. Un début est fait, avec palais de justice et un quartier général de la police flambant neufs. «Ils sont faits de verre, afin de démontrer aux citoyens que la pleine transparence est de mise», renseigne un guide touristique.

Le pont de la Paix est aussi fait de verre. Il donne accès à un parc, qui se trouve, lui, aux abords de la place de l’Europe. Ici, les drapeaux géorgiens et européens flottent côte à côte, avec en arrière-fond des vestiges de la forteresse de Tbilissi.

Une prochaine étape décisive attend le pays. Une élection présidentielle s’annonce pour octobre prochain. La confirmation de Salomé Zourabichvili, clairement pro-occidentale, permettrait à la Géorgie de poursuivre son chemin vers l’Europe.


«Il nous faut éviter de rater le bon train»

Les eurodéputés luxembourgeois soulignent l’importance d’avoir ouvert la porte à la Géorgie. Ils plaident pour procéder par étapes afin d’intégrer le pays, en attendant de boucler le long et épineux processus d’adhésion.

Au sommet européen de décembre dernier, l’Ukraine a monopolisé les attentions en ce qui concerne les tractations sur l’élargissement de l’UE. Pourtant, le pays du président Zelensky n’est pas le seul à avoir placé de grandes attentes dans le sommet des chefs d’État et de gouvernement. À la veille du Conseil européen, un sommet UE-Balkans occidentaux a eu lieu à Bruxelles. Le processus d’élargissement vers cette région, théâtre de guerres de 1991 à 2001, est engagé depuis… 2000. Et une issue n’est toujours pas en vue.

Quel sort sera réservé à la Géorgie? «Au vu du contexte géopolitique, il est évident qu’il presse» de rapprocher le pays caucasien de l’UE, avance Charles Goerens (DP). Le doyen des eurodéputés luxembourgeois souligne toutefois qu’il est indispensable que les deux côtés remplissent les conditions pour réaliser ce mariage. «La Géorgie doit pleinement respecter les critères de Copenhague, portant sur l’État de droit, la liberté de la presse ou encore l’indépendance de la justice. En même temps, l’UE doit revoir son fonctionnement pour pouvoir continuer à fonctionner. Vu que c’est déjà compliqué à 27, au vu de l’unanimité nécessaire sur des questions cruciales, je ne vois pas comment cela pourrait fonctionner à 35», développe l’élu libéral.

Avec la Géorgie et la Bosnie-Herzégovine, qui a obtenu, en fin de semaine dernière, l’ouverture des négociations d’adhésion, sept autres candidats sont en lice : le Monténégro (négociations ouvertes depuis 2012), la Serbie (2014), la Macédoine du Nord (2020), l’Albanie (2020), la Moldavie (2023), l’Ukraine (2023), sans oublier la Turquie (négociations gelées depuis juin 2018). Le Kosovo demeure un «candidat potentiel» à l’adhésion.

Mettre fin au «tout ou rien»

Contrairement aux tergiversations avec les Balkans occidentaux, les eurodéputés luxembourgeois plaident pour «laisser la porte ouverte» à la Géorgie. «Car, il nous faut éviter que la fatigue s’installe parmi la population qui lorgne vers l’Europe», souligne Marc Angel (LSAP). Il voit toutefois une difficulté, au-delà du respect de l’État de droit : «La Géorgie serait le seul pays membre qui ne dispose pas de frontière directe avec l’UE.»

Nonobstant, «il nous faut éviter de rater le bon train», renchérit Tilly Metz (déi gréng). La Géorgie fait déjà partie du Conseil de l’Europe. Des coopérations plus étroites avec l’UE existent aussi d’ores et déjà. Or, «il est important de procéder par étapes, en toute transparence, sans oublier qu’il faut aussi emmener avec nous les citoyens des 27 pays».

Christophe Hansen, ancien eurodéputé du CSV et actuel vice-président de la commission parlementaire des Affaires étrangères, plaide pour la piste de conclure davantage d’alliances stratégiques, aussi avec les pays de l’Europe de l’Est. «Pendant trop longtemps, on a cru bon ne pas trop vexer la Russie. Ce fut une erreur», admet le député.

Une des pistes évoquées, afin d’envoyer un signal aux Géorgiens, mais aussi à la Russie de Vladimir Poutine, est d’ouvrir progressivement le marché intérieur ou l’espace Schengen. «Il est très important d’abandonner la logique du tout ou rien. Si un candidat à l’adhésion remplit une partie des critères, on doit pouvoir lui donner accès à certains domaines, sans qu’ils fassent partie intégrante des institutions», conclut Charles Goerens.



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