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La France va envoyer un attaché militaire en Arménie et ouvrir un consulat dans une région convoitée par Bakou


Selon la Direction générale du Trésor, l’Azerbaïdjan possède les 25e réserves mondiales prouvées de gaz et une capacité de production annuelle d’environ 36 milliards de mètres cubes par an [du moins était-ce le chiffre avancé en 2019]. Ce qui lui a permis d’exporter 11,6 milliards de mètres cubes, dont 79% vers la Turquie. Et, en 2020, il était question de porter cette production à 54 milliards de mètres cubes par an, grâce à l’exploitation des gisements d’Absheron et d’Umid-Babek.

« Cependant, l’augmentation de la consommation intérieure [11,5 milliards m3 en 2019, +8,7%) crée une pression sur les volumes de gaz azerbaïdjanais pouvant être exportés. En 2017, le pays a même signé un contrat d’importation avec [le groupe russe] Gazprom pour couvrir ses besoins. Le gouvernement entend donc poursuivre une politique d’extraction intensive, les volumes extraits du champ de Shah Deniz devant notamment augmenter de 13% en 2020 », a noté la Direction générale du Trésor.

Cela étant, avec la guerre en Ukraine et les sanctions qu’elle a imposées à la Russie, l’Union européenne [UE] cherche à diversifier ses sources d’approvisionnement en gaz naturel. Et elle s’est donc tournée vers l’Azerbaïdjan.

Ainsi, en juillet 2022, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen s’est rendue à Bakou pour signer un accord en vertu duquel l’Azerbaïdjan a pris l’engagement d’exporter 20 milliards de mètres cubes de gaz vers l’UE d’ici 2027. D’autres projets énergétiques ont par ailleurs été mis sur la table, notamment dans le domaine des énergies renouvelables [hydrogène, solaire], avec, à la clé, la promesse d’investissements, dont 60 millions d’euros devant provenir de fonds européens.

Et, à cette occasion, Mme von der Leyen a estimé que l’Azerbaïdjan était un « partenaire fiable et digne de confiance »… malgré ses menaces d’user de la force pour contraindre le Haut-Karabakh – peuplé majoritairement d’Arméniens – à revenir dans son giron et régler d’autres différends territoriaux avec l’Arménie.

Aussi, quand Bakou a « étranglé » le Haut Karabakh [ou République d’Artsakh] en fermant le corridor de Latchine, son unique voie d’accès vers l’Arménie, l’UE a regardé ailleurs… Mais elle n’était pas la seule…

Garante de l’accord de cessez-le-feu conclu en novembre 2020 pour mettre un terme à une offensive lancée quelques semaines plus tôt par l’Azerbaïdjan au Haut Karabakh, la Russie a laissé faire. Comme elle a été passive quand, le 19 septembre, Bakou a mené une opération militaire éclair pour s’emparer, sans coup férir, de ce territoire.

Depuis, le président azerbaïdjanais, Ilham Aliev, a beau jeu d’assurer que les droits des Arméniens du Haut Karabakh seront garantis… Sur une population de 150’000 individus, plus de 50’000 se sont déjà réfugiés en Arménie. Et ce n’est pas fini.

Maintenant qu’il a repris le contrôle d’un territoire qui lui avait été « donné » par Staline au temps de l’Union soviétique, le président Aliev va-t-il en rester là? C’est peu probable… Car Bakou a une autre revendication : obtenir un accès à son territoire du Nakhitchevan, via le « corridor de Zanguezour », qui couperait en deux la région arménienne de Syunik. Ce qui serait d’ailleurs vu d’un bon oeil à Ankara, dans la mesure où cela permettrait de relier la Turquie et l’Azerbaïdjan à l’Asie centrale, de couper l’Arménie de son allié iranien et de mettre la main sur des gisements de zinc, de cuivre et de molybdène.

Même si elle est membre de l’Organisation du traité de sécurité collective [OTSC], dirigée par la Russie, l’Arménie se trouve isolée… Et ne pourrait vraisemblablement pas s’opposer aux visées azerbaïdjanaises.

« Les systèmes de sécurité extérieure dans lesquels l’Arménie est impliquée se sont révélés inefficaces pour protéger sa sécurité et ses intérêts », a ainsi estimé Nikol Pachinian, le Premier ministre arménien, lors d’une allocution télévisée diffusée le 24 septembre. « L’Arménie n’a jamais renoncé à ses obligations ni trahi ses alliés. Mais l’analyse de la situation montre que les systèmes de sécurité et les alliés sur lesquels nous comptons depuis longtemps se sont fixés pour tâche de montrer notre vulnérabilité et l’incapacité du peuple arménien à avoir un État indépendant », a-t-il insisté.

Le même jour, le président Macron a assuré que la France est « aujourd’hui très vigilante à l’intégrité territoriale de l’Arménie ». Et cela après avoir exprimé, à plusieurs reprises, le soutien de Paris à Erevan. Cependant, les actes n’ont pas suivi les discours… Va-t-il en aller autrement cette fois?

A priori, et toute proportion gardée, la France s’oriente vers une sorte de stratégie du « piéton imprudent » [qui, traversant la route sans regarder, oblige les automobilistes à freiner].

Le 26 septembre, à l’Assemblée nationale, et alors que le président turc, Recep Tayyip Erdogan, rencontrait M. Aliev au Nakhitchevan, la ministre française des Affaires étrangères, Catherine Colonna, a ainsi affirmé que la « France prendra dans les jours qui viennent les initiatives qui s’imposent, que ce soit à titre national, à titre bilatéral avec l’Arménie, aux Nations unies, en qualité de membre permanent du Conseil de sécurité ou au sein de l’Union européenne ».

« Aucun pays n’aide davantage l’Arménie que la France. […] C’est vrai sur le plan diplomatique : toutes les réunions du Conseil de sécurité des Nations unies consacrées à ce sujet, toutes sans exception, se sont tenues à l’initiative de la France. En outre, […] c’est également à l’initiative de notre pays qu’une mission d’observation est déployée en Arménie », a ensuite enchaîné la ministre, avant d’insister sur l’aide humanitaire apportée aux « populations arméniennes du Haut-Karabakh ».

Et d’ajouter, en réponse à la députée Emmanuelle Anthoine [LR] : « Puisque vous nous demandez des actes, sachez que nous avons également renforcé notre relation de défense avec l’Arménie. Un attaché de défense sera présent à l’ambassade de France à Erevan » et « nous ouvrirons prochainement une antenne consulaire dans la région de Syunik, près de la frontière ».

Enfin, Mme Colonna a accusé la Russie de complicité dans les « opérations militaires engagées par l’Azerbaïdjan ». Et pour elle, cela rend « encore plus nécessaire une action diplomatique internationale ». Quant à l’UE, elle doit « agir avec nous pour le respect de l’intégrité territoriale de l’Arménie et préserver les droits des Arméniens du Haut-Karabakh à vivre, s’ils le souhaitent, dans le respect de leurs droits historiques », a-t-elle conclu.





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