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Jean Asselborn change de vie


Il a lui-même acté la fin de sa carrière politique sur les réseaux sociaux. L’ancien ministre des Affaires étrangères ne prendra pas le départ des européennes, mais il ne lâche pas l’Union pour autant.

Il voulait partir sur la pointe des pieds juste après les élections d’octobre dernier. «Une interview, mais pour quoi faire ? Je ne serai plus ministre la semaine prochaine, la page est tournée, place à mon successeur», répondait Jean Asselborn dans l’attente de la formation d’un nouveau gouvernement, en novembre dernier. Il finissait par céder et se plier au jeu des questions/réponses, un exercice qu’il a pratiqué toute sa carrière, c’est-à-dire pendant plus de quarante ans.

Il aurait encore pu s’aligner sur la ligne de départ pour les européennes, mais après un tel parcours politique, achevé par 20 années en tant que chef de la diplomatie, Jean Asselborn a préféré concentrer ses efforts sur sa passion : le vélo. Quand il n’était pas debout sur une tribune ou derrière des fourneaux pour une émission culinaire, il était souvent assis sur une selle, mais dans l’avion aussi. Il profitait de ses rares moments de répit pour enfourcher son vélo et sillonner la région que sa fonction tenait éloignée ces 20 dernières années.

L’annonce de l’ancien ministre des Affaires étrangères sur les réseaux sociaux n’a surpris personne, mais s’est aussitôt répandue dans toutes les rédactions nationales et internationales qui ont relayé l’information.

Unanimement reconnu comme une figure marquante de la diplomatie européenne, l’homme politique luxembourgeois avait fait l’objet du film documentaire Foreign Affairs du réalisateur luxembourgeois Pasha Rafiy, tandis que la journaliste autrichienne Margaretha Kopeinig lui consacrait une biographie politique intitulée Merde alors ! . Sa popularité dépassait de loin les frontières du Grand-Duché et si son franc-parler a toujours plu au public, il a souvent fait grimacer certains de ses partenaires européens. Le fameux «Merde alors!», lancé à Matteo Salvini restera dans les mémoires et sur quelques étagères.

Il y a eu les boulettes aussi, de tailles variables. La dernière en date a été lâchée «sous le coup de l’émotion», comme il l’a dit lorsqu’il a dû s’en expliquer par la suite. Il faut reconnaître qu’un chef de la diplomatie qui encourage à «éliminer physiquement» le président russe, ce n’est pas courant. Sa déclaration à nos confrères de 100,7, lors d’une interview en mars 2022, a fait de grosses vagues et Jean Asselborn a dû s’en excuser.

«Même après 18 ans en tant que ministre des Affaires étrangères, je ne suis pas capable de réprimer mes émotions et mon sens de la justice face à une telle souffrance humaine incommensurable endurée par des personnes innocentes», écrivait-il dans un communiqué publié illico pour calmer la tempête.

C’est vrai, il ne pouvait pas se retenir. Face aux journalistes, il lui arrivait de livrer le fond de sa pensée avant de préciser que ça restait «en off». Évidemment, quand l’émotion prend le dessus en direct, la petite phrase fait vite le tour de la toile. Son public s’était habitué à ses sorties. Mais ce n’est pas parce que Jean Assselborn quitte la scène politique qu’il va quitter la scène médiatique.

Un homme politique infatigable

S’il avoue aujourd’hui «ne plus être sûr d’avoir la motivation et l’énergie nécessaires» pour se lancer dans une élection européenne, il aura encore la force et l’envie d’épauler ses camarades socialistes et son parti. Il ne renoncera pas à ses voyages et affirme avoir déjà des engagements à l’étranger pour «continuer à défendre la cause de l’UE», écrit-il. Son objectif reste inchangé, qui consiste à «empêcher la destruction de l’Europe et combattre ceux qui s’attaquent à ses valeurs».

Pas plus tard que cette semaine, il était le premier invité de l’émission Dis l’Europe, qu’est-ce que tu mijotes ?, sur la RTBF, où il a pu dire ce qu’il pensait de la politique étrangère de l’UE.

La fin de la carrière politique de Jean Asselborn est officiellement actée. C’est le début d’une nouvelle ère qui s’ouvre pour celui qui va continuer à pédaler jusqu’au mont Ventoux pendant les 20 prochaines années, avant de se résoudre à utiliser l’assistance électrique pendant les 10 années qui suivront, selon ses plans.

«Tu as tout donné pour nos convictions, un grand merci !»

«Jang n’est pas parmi nous ce soir, car – il ne pouvait pas en être autrement – il est sur son vélo», lance hilare Francine Closener, la coprésidente du LSAP. Cette absence du désormais retraité politique n’a pas empêché son parti de lui rendre hommage, lors du pot de Nouvel An organisé jeudi soir à Mersch.

«Tu as tout donné pour nos convictions, pour défendre nos valeurs, pour notre parti. Un grand merci!», a tenu à souligner Francine Closener, non sans rappeler que Jean Asselborn a proposé de continuer à conseiller et soutenir le LSAP en coulisses, notamment en vue des élections européennes du 9 juin.

En attendant, ses 10 000 followers pourront continuer à suivre son quotidien sur Facebook, où Jean Asselborn est très présent. Jeudi, sa publication annonçant son retrait de la vie politique active a été amplement commentée. Les hommages se sont empilés, rendus par des anonymes reconnaissants. Beaucoup regrettent sa décision mais la comprennent, d’autres l’encouragent à profiter de la vie. Ses nombreux amis lui réservent des mots chaleureux, les autres se contentent de «liker» son post. Ils sont plus d’un millier.

«Merci Jang», lui disent sobrement ses amis.


Une carrière débutée en 1982

Jean Asselborn a 33 ans quand il est élu bourgmestre de la commune de Steinfort en 1982. Il occupera cette fonction jusqu’en 2004. Parallèlement, il se présentera aux élections législatives et en sortira vainqueur pour la première fois en 1984. Jean Asselborn sera député-maire de Steinfort pendant vingt ans.

Sa carrière prend un nouveau tournant en 2004 quand il intègre le gouvernement comme vice-Premier ministre, ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration. Lors de la reconduction du gouvernement de coalition entre le Parti chrétien-social (CSV) et le Parti ouvrier socialiste luxembourgeois (LSAP) en juin 2009, Jean Asselborn conserve ses fonctions.

Il entame un troisième mandat en 2013 dans le gouvernement de coalition entre le Parti démocratique (DP), le LSAP et les verts («déi gréng»), puis un quatrième en 2018 qui fera de lui le doyen des ministres des Affaires étrangères du Conseil européen. En 2004, ses détracteurs ne lui auraient pas prédit un tel avenir sur la scène politique internationale.

Jean Asselborn n’était pas le premier syndicaliste à percer pour s’installer dans l’exécutif. Son parcours a commencé en 1967 en tant qu’ouvrier dans le laboratoire de la société Uniroyal à Steinfort. C’est à cette époque que remonte sa première élection, celle de représentant de la section des jeunes de la Fédération des travailleurs luxembourgeois (Lëtzebuerger Aarbechterverband), ancêtre de l’OGBL.

Alors qu’il avait entamé sa vie professionnelle à l’âge de 18 ans, Jean Asselborn reprend les cours et obtient son diplôme de fin d’études secondaires en 1976. En 1981, en tant qu’étudiant salarié, il obtient une maîtrise en droit judiciaire privé à l’université Nancy-II.



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