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Faute d’une commande massive d’Eurofighter Tranche 5, l’industrie allemande redoute d’être hors jeu pour le SCAF


En France, la Loi de programmation militaire [LPM] 2024-30 prévoit le développement d’un Rafale porté au standard F5 qui, associé à un drone de type « loyal wingman » [ailier fidèle] dérivé du nEUROn, posera les bases du Système de combat aérien du futur [SCAF], un programme lancé en 2017 dans le cadre d’une coopération avec l’Allemagne et l’Espagne. Et cela alors que Dassault Aviation enchaîne les commandes de Rafale, tant pour le marché national qu’à l’exportation.

La situation est différente pour l’Eurofighter Typhoon [ou EF-2000]. Déjà, s’agissant de l’exportation, la dernière commande passée auprès du consortium formé par BAE Systems, Airbus Defence & Space et Leonardo remonte à 2017, avec un contrat signé par le Qatar pour 24 exemplaires. Et, en raison notamment de l’opposition allemande, les perspectives d’en vendre 48 unités à l’Arabie Saoudite sont bloquées, ce qui, au passage, pourrait profiter au… Rafale.

Pour le moment, et sans entrer dans les détails, il existe quatre standard de l’Eurofighter EF-2000. Le dernier, appelé « Tranche 4 », a été développé pour le programme allemand « Quadriga », lequel prévoit la livraison de 38 appareils à la Luftwaffe entre 2025 et 2030. L’Espagne en a commandé 20 exemplaires au titre de son projet Halcón et s’apprête en acquérir 25 autres [si le feu vert a été donné par le gouvernement espagnol, le contrat n’est pas encore signé, ndlr].

En outre, en mars 2022, et afin de remplacer ses Tornado ECR, l’Allemange a fait part de son intention de se procurer 15 EF-2000 supplémentaires dédiés aux missions de guerre électronique, en complément de 35 chasseurs-bombardiers F-35A commandés auprès de l’américain Lockheed-Martin. Seulement, le contrat n’a pas encore été officiellement notifié à Airbus Defence & Space.

Cela étant, au Royaume-Uni, où il est un acteur majeur du « Global Air Combat Programme » [GCAP], un projet qui, mené avec le Japon et l’Italie doit aboutir à un avion de combat de 6e génération, BAE Systems a posé les jalons pour un vaste modernisation des Eurofighter Typhoon de la Royal Air Force, via le programme Medulla.

Celui-ci prévoit l’intégration du radar AESA ECRS Mk2 [European Common Radar System Mark 2], d’un nouvel ordinateur de mission doté d’une capacité de cacul « significative », d’un système de naviguation amélioré et d’une avionique dernier cri, avec notamment des écrans LAD [Large Area Display] ultra haute définition fournis par l’américain Collins Aerospace. Pour autant, il serait sans doute abusif de parler d’une « Tranche 5 » pour l’Eurofighter Typhoon/EF-2000, d’autant plus que les Britanniques ont fait l’impasse sur la Tranche 4.

Quoi qu’il en soit, avec des commandes à l’exportation en berne et faute de financements prévus par Berlin pour lancer un nouveau standard de l’EF-2000, l’industrie aérospatiale allemande s’inquiète pour le maintien de ses compétences… et donc sa capacité à participer au programme SCAF.

Tel est en effet l’avertissement que vient de lancer Michael Schoellhorn, le PDG d’Airbus Defence & Space qui est aussi le président de l’Association fédérale de l’industrie aérospatiale allemande [BDLI – Bundesverband der Deutschen Luft- und Raumfahrtindustrie], en s’appuyant sur une étude [.pdf] qui, réalisée par le cabinet PwC, soutient que le prodution d’Eurofigter représente 25’000 emplois qualifiés en Allemagne, implique 120 fournisseurs différents et engendre d’importantes recettes fiscales pour le gouvernement allemand.

En l’état actuel des choses, la production d’Eurofighter EF-2000 de la Tranche 4 devrait s’arrêter en 2030, faute de nouvelles commandes [et en tenant compte des intentions espagnoles]. Aussi, M. Schoellhorn a fait valoir que l’industrie aérospatiale allemande n’aura plus d’activité pendant dix ans, c’est à dire jusqu’à l’arrivée du SCAF, vers 2040.

Faute d’une commande d’Eurofighter EF-2000 de la Tranche 5 pour la force aérienne allemande, le président du BDLI estime qu’il y a un risque sérieux d’un arrêt de la production d’avions de combat en Allemagne, ce qui se traduirait par une perte de compétences, d’emplois et de recettes fiscales ainsi que par un décrochage sur le plan technologique.

Sans cette Tranche 5, le maintien des savoir-faire technologiques pour la prochaine génération d’avions de combat ne serait pas possible. « Nous serions alors hors du SCAF », a estimé M. Schoellhorn, lors d’une conférence de presse donnée à Berlin

Si l’Allemagne veut maintenir de telles compétences, alors « nous devons rapidement mettre en place une passerelle industrielle vers l’avenir », a plaidé M. Schoellhorn. « Concrètement, cela signifie que nous avons besoin d’un signal pour la poursuite du développement de l’Eurofighter au cours de la législature [allemande] en cours », a-t-il dit.

Cela permettrait de maintenir l’Eurofighter EF-2000 « à la pointe de la technologie sur le long terme » et de « créer d’importantes bases technologiques pour la prochaine génération de systèmes de combat aérien », a soutenu le prédident du BDLI.

Seulement, pour que le modèle économique soit viable, selon l’étude de PwC, il faudrait une commande portant sur au moins 125 EF-2000 Tranche 5 , dont 100 pour l’Allemagne et 25 pour l’Espagne, au titre de son projet Halcón 2. Ce qui serait supérieur aux besoins de la Luftwaffe. Aussi, la planche de salut passerait par l’exportation… Ce qui semble compliqué actuellement.





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