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Atteintes aux libertés au Cameroun voici les détails

Réunions et manifestations publiques ballottées entre répression violente et « autorisation spéciale »

Les autorités administratives du Cameroun sont souvent loin de respecter la Liberté d’Association et de Réunion en Afrique. Or, le fait de participer à des réunions et d’en organiser est un droit, non un privilège, et il s’ensuit que l’exercice de ce droit n’exige pas d’autorisation de l’État. La non-déclaration d’un rassemblement ne saurait le rendre illégal.

Le Mouvement pour la renaissance du Cameroun (Mrc), sous l’impulsion de Me André Marie Tassa, secrétaire de la Fédération régionale du Mrc de l’Ouest, projette l’organisation d’un meeting politique le samedi 20 août 2022 sur la place des fêtes de Bafoussam. Suite à la correspondance transmise le lundi 08 août au maire de la ville, Roger Tafam, pour solliciter l’occupation temporaire de la voie publique, un accord favorable a été donné mais en indiquant « sous réserve de l’autorisation de la manifestation par l’autorité administrative compétente ».
Cette réserve suscite une certaine indignation au sein de l’opinion publique et surtout dans les rangs des militants du Mrc. « Au Cameroun, les manifestations publiques sont libres. On n’a pas besoin d’une autorisation administrative pour manifester. Il faut juste déclarer cette manifestation à l’autorité administrative territorialement compétente afin qu’elle prenne des dispositions pour le maintien de l’ordre public. C’est ce que nous avons fait en adressant une correspondance au sous-préfet de l’arrondissement de Bafoussam Ier », explique le responsable régional de cette formation politique. D’ailleurs, il y a quelques jours celui-ci a produit un communiqué de presse pour dénoncer l’hostilité des autorités administratives habituées à réprimer les dirigeants du Mrc lorsqu’ils envisagent d’organiser une réunion ou une manifestation publique. Contrairement aux autres courants politiques moins opposés au gouvernement en place. « La fédération régionale du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) de l’Ouest porte à la connaissance de l’opinion publique nationale et internationale que des individus regroupés au sein d’une organisation sans existence légale sont déterminés à amplifier la campagne de déstabilisation du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) dans la région de l’Ouest. Cette opération lugubre, précisons-le, se tient avec le soutien actif et visible du sous-préfet de l’arrondissement de Bafoussam 1er qui leur a délivré une « autorisation spéciale », acte qui n’existe pas dans la nomenclature administrative camerounaise et qui viole les dispositions de la loi 90/55 du 19 décembre1990 fixant le régime des réunions et des manifestations publiques », peut-on lire dans un communiqué signé le 02 août dernier par Me André Marie Tassa.
Reste qu’une question taraude les esprits : ce meeting qui sera présidé par le président national du Mrc, le Pr Maurice Kamto, en vue de l’installation officielle des membres du bureau régional du Mrc se tiendra-il avec l’onction de l’administration ? Des policiers et gendarmes seront-ils déployés comme en 2019 et 2021 pour empêcher les militants de ce parti de se déployer ?. Contacté par Journalistes en Afrique pour le développement (Jade), le Directeur exécutif de la Ligue des droits et libertés, Charlie Tchikanda souligne qu’il ne faut toujours pas prendre la présence des policiers et gendarmes sur un site de manifestation comme une volonté de répression. Pour lui, ils ont pour rôle d’encadrer toute manifestation, « dès lors que celles-ci n’ont posé aucun acte visant à interdir la tenue de la réunion ou de la manifestation. »
« Il faut savoir que toute réunion ou manifestation sur la voie publique est soumise à autorisation.
« , précise-t-il. Il faut donner des assurances que vous êtes dans de bonne disposition d’esprit en précisant dans la déclaration qu’il n’y aura aucun propos jostile aux institutions », ajoute-t-il.

Ils ont débarqué manu militari et exigé que tout soit arrêté alors qu’il y a moins de deux semaines, plus précisément le samedi 23 juillet 2022 à Banka, la présence du sous-préfet, des policiers et gendarmes, a été préjudiciable pour le maire Joseph Nguessieuk et certaines populations désireuses de se réjouir en regardant le lancement du tournoi de football de l’unité en mémoire de Roger Tchoula Motho, une élite locale décédée courant le mois de mars dernier. Ce jour là, sans aucun mandat ni notification écrite, le sous-préfet et les éléments de la sécurité ont réprimé une manifestation publique organisée par le chef de l’exécutif local. Ils ont débarqué manu militari au stade de football du collège Saint Paul de Bafang à Banka et exigé que tout soit arrêté. La maire leur fera comprendre qu’avant la mise en œuvre du tournoi, il a informé le préfet de l’événement programmé dans une lettre. Malgré cette insistance du maire, le sous-préfet et les hommes en tenue ne sont pas revenus à la raison. Ce qui a poussé l’élu local à initier une seconde correspondance pour dénoncer cette attitude perçue comme « une voie de fait », une hostilité à « la liberté de manifestation et d’expression ». « En effet, en date du samedi 23 juillet 2022, sans aucun fondement légal, vous avez empêché le lancement de l’édition spéciale du tournoi de l’unité en vue de rendre hommage à son promoteur, Roger Tchoula Motho. Vous avez déployé des policiers armés et munis de matraques sur le stade du « Collège Saint-Paul de Bafang » à Banka, sabotant ainsi cet hommage que nous tenons à rendre à cet illustre disparu qui a œuvré pour la promotion du mouvement sportif et l’émancipation culturelle des jeunes de notre municipalité. Vous et les éléments des forces de maintien de l’ordre mobilisés avez brillé par des pratiques qui portent atteintes au statut et aux attributions du magistrat qu’est le Maire de la Communauté de Banka. Monsieur le Sous-préfet, nous nous sommes impliqués à contribuer à l’organisation de cet événement sportif parce que nous voulons donner sens à l’article 162 de la loi portant code général des collectivités territoriales décentralisées au Cameroun. Selon cette disposition, «la promotion et l’animation des activités sportives et de Jeunesse, l’appui aux associations sportives , constituent des compétences transférées au Maire », écrit le magistrat municipal dans une lettre transmise au sous-préfet mis en cause sous le couvert du préfet du département du Haut-Nkam.
La présomption en faveur de la tenue de réunions prévaut toujours
Indifférent face à cette mise au point du premier magistrat de Banka, l’autorité administrative n’a pas lâché. « Dans votre forfaiture, Monsieur le Sous-préfet, il est à souligner des violations des libertés individuelles et collectives, fondamentales, notamment celles d’aller et de venir et de la liberté de réunion. Vos atteintes vont aussi à l’encontre du droit de propriété à l’endroit du principal officiant de la paroisse de la Cathédrale de Bafang à Banka. »
« Monsieur le Sous-préfet, souligne le patron de la commune de Banka, votre démarche du samedi 23 juillet est totalement en marge de la légalité républicaine. En droit administratif, vos agissements constituent, incontestablement, une de voie de fait. En vérité, cet acte est tellement illégal, qu’il se voit disqualifié (…)
Dans ce cas, et donc, dès lors que l’acte est disqualifié, il est susceptible d’être connu par la juridiction compétente, nonobstant
votre statut d’autorité administrative. »
Deux jours plus tard, le sous-préfet a déployé le même dispositif pour empêcher la suite du tournoi au motif qu’il y avait risque de perturbation de l’ordre public. Arrivé sur les lieux, Lanyu Harry, le préfet du département du Haut- Nkam, a écouté les arguments déployés par chacune des deux parties et a tranché en faveur du maire en recommandant que cette manifestation sportive se poursuive librement.
Car il croit que ces faits perpétrés par le sous-préfet de Banka violent le droit à la liberté de réunion au sens des Lignes Directrices sur la Liberté d’Association et de Réunion en Afrique. Ce texte énonce : «1.Le fait de participer à des réunions et d’en organiser est un droit, non un privilège, et il s’ensuit que l’exercice de ce droit n’exige pas d’autorisation de l’État. »
2. « a. Un régime de notification exige que la présomption en faveur de la tenue de réunions prévale toujours et que les rassemblements ne soient pas automatiquement perturbés, par voie de dispersion ou de sanction, du fait qu’ils n’ont pas été officiellement déclarés au préalable, sous réserve des dispositions spécifiées ci-dessous. 3. b. La non-déclaration d’un rassemblement ne saurait le rendre illégal. »

La décentralisation aussi… torpillée

Avant cet incident, la maire de la Commune de Banka a été empêchée (On sabote une machine mais pas un être humain. Par ailleurs c’est LA maire ou LE maire ?) par l’autorité administrative locale lors des cérémonies d’inauguration de la case communautaire de Poango-New Town à Banka. Un récépissé de déclaration de manifestation avait été exigé avant tout déploiement….Les hostilités se sont amplifiées. Et finalement cette inauguration a eu lieu. Avec des heurts. Ce qui pousse le patron de la mairie de Banka (C’est LE maire alors?) à préciser à l’endroit du sous -préfet. «Manifestement, vous tenez à faire inscrire votre nom sur le registre des personnes qui, au quotidien, bafouent les mécanismes de la décentralisation consacrée par la Constitution révisée du 18 janvier 2019 qui érigent le Cameroun en Etat unitaire décentralisé et bien définie par la loi du 24 décembre 1999 portant code des collectivités territoriales décentralisées au Cameroun. »
Ce magistrat signifie bien que suivant le code général des collectivités territoriales décentralisées du 24 décembre 2019, il jouit aussi d’un pouvoir de police administrative pour le maintien de l’ordre public au niveau de sa commune. A Foumban, des échanges épistolaires du genre sont récurrents entre Patricia Ndam Njoya et le sous-préfet de Foumban ou le préfet du département du Noun. Cette autorité municipale a vu plusieurs de ses activités ou manifestations perturbées par le déploiement des policiers et gendarmes aux ordres du sous-préfet. On se rappelle qu’une guerre de tranchées autour de la porte d’entrée de Foumban a opposé le feu roi Ibrahim Mbombo Njoya à l’honorable Patricia Tomaïno Ndam Njoya. C’était au sujet de la reconstruction de ce monument après l’incendie du lundi 30 novembre 2020. Si l’un était engagé dans la défense du patrimoine culturel ancestral, l’autre prenait prétexte de l’urbanisation de la ville de Foumban pour empêcher la reconstruction de cette infrastructure culturelle. Le sultan, soutenu par le préfet du Noun, avait lui-même supervisé les travaux pendant des semaines sous une tente installée à cet endroit.

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