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Anne Roumanoff : « Il y a des choses que les femmes de ma génération ont subies… »


Marie France : Votre nouveau spectacle s’intitule « L’expérience de la vie », pourquoi avoir choisi ce thème ?

Anne Roumanoff : parce que justement, j’arrive à un moment de ma vie où je me demande ce qu’est l’expérience, si j’en ai… C’est intéressant de réfléchir à ce que c’est la maturité, comment garder sa fraîcheur… ce sont des thèmes qui m’intéressent donc j’avais envie de traiter ce sujet.

Est-ce que c’est cette expérience de la vie qui vous a fait abandonner votre fameuse robe rouge ?

C’était plus une lassitude. J’ai 35 ans de carrière, j’ai dû être 30 ans en rouge, j’en avais ras le bol. J’avais l’impression d’être enfermée dans cette couleur. Ce n’est pas que je ne l’aime plus mais ça me saoulait un peu. Donc pour le dernier spectacle j’étais avec un haut multicolore et des chaussures rouges et là je suis en noir et blanc mais les gants de boxe sont rouges. C’est important pour un artiste aussi d’évoluer, de changer de coiffure, de changer de tête, changer de style… c’était une image qui pour moi était devenue enfermante, presqu’oppressante. J’en ai eu marre, j’en pouvais plus…

Aujourd’hui, quelle expérience estimez-vous avoir tiré de la vie ?

C’est une grande question… Parfois, on se dit qu’on est expérimenté et on recommence toujours les mêmes erreurs, donc on n’est pas si expérimenté. On peut se demander à quoi ça sert finalement l’expérience.

Anne Roumanoff n’épargne personne dans son nouveau spectacle, « L’expérience de la vie »

En 35 ans de carrière, vous avez forcément commis des impairs. Est-ce que vous avez des regrets ?

Non je ne crois pas. Je trouve sincèrement que les regrets ne servent à rien.

Vous avez travaillé et collaboré avec de grands artistes. Quelle est votre plus belle rencontre ?

Je ne sais pas (rires). Je n’aime pas trop les artistes qui mettent des palmarès en disant « ah moi celui que je place au-dessus c’est un tel », je trouve ça un peu vexant pour les autres en fait. Il y a beaucoup de gens que j’aime bien mais dire lequel je préfère, ça ne serait pas très gentil pour les autres.

Vous parlez beaucoup dans votre spectacle de la société actuelle. Quel regard portez-vous dessus ?

Je trouve que la société d’aujourd’hui est un peu anxiogène, surtout avec l’actualité au Proche-Orient en ce moment, c’est très très effrayant. J’en arrive à me dire qu’on n’était pas si mal pendant le Covid (rires), c’est vraiment que ça va pas bien…

Est-ce que vous avez parfois l’impression, comme vous le dîtes dans votre spectacle, qu’on ne peut plus rien dire aujourd’hui ?

Non pas du tout. Je pense que la société évolue mais je dis souvent que les gens qui disent qu’ « on ne peut plus dire » regrettent de ne plus pouvoir tenir des propos racistes, sexistes, antisémites ou homophobes donc c’est bien qu’ils ne puissent plus dire ça. Alors, oui, la société évolue. Oui, les gens sont plus sensibles à certains mots… mais parallèlement à ça, il y a en même temps une intolérance qui monte. Parce qu’en fait ce côté où on n’a plus le droit de dire ceci ou cela, c’est pour respecter les minorités, donc pour être bienveillant avec la différence. A la fois il y a ça dans la société, et à la fois il y a une sorte de violence incroyable d’intolérance… Ces deux choses là coexistent, c’est assez curieux.

« Il y a une force d’inertie en France, les choses vont lentement »

Vous parlez également de #MeToo, que pensez-vous de l’émergence de ce mouvement ?

#MeToo je trouve ça formidable, il était temps ! Ça fait tout de même changer les mentalités, c’est ce que je dis dans le spectacle. Il y a des choses que les femmes de ma génération ont subies et on ne pouvait pas faire autrement que de s’écraser, d’avoir un machisme un peu paternaliste. C’était pas toujours simple… Donc maintenant je trouve ça très très bien. Je trouve que les jeunes générations, par leur intolérance à ce genre de comportements, font vraiment avancer les choses. Mais pour m’intéresser un peu au sujet, je trouve que pour la place des femmes, il y a encore tellement de choses à faire, que ce soit en termes de salaire, d’accès aux postes à responsabilité… sans parler des femmes battues, victimes de violences, victimes de meurtre, toutes les injonctions qui pèsent sur les femmes, leur charge mentale, les femmes dans l’entreprise où on ne fait rien pour les aider à avoir des enfants et à continuer une carrière. Je trouve que les sujets concernant les femmes, et là je ne parle que de la France, pas des pays où les femmes n’ont plus de droits, mettent du temps à bouger. C’est lent, il y a une force d’inertie, même en France, les choses vont lentement.

Michel Sardou a récemment choqué en raison de ses propos sur le wokisme. Comment vous situez-vous par rapport à ça, va-t-on trop loin ou au contraire, pas assez selon vous ?

Moi je trouve que c’est bien que ça aille trop loin parce que c’est ça qui fait bouger la société, la perception des gens et leur comportement. Tout commence par une pensée, donc à partir du moment où on a une pensée raciste, ça peut produire des actes racistes. Si on a une pensée sexiste, ça peut produire des actes sexistes… donc agir sur les mots qui sont le reflet de la pensée, peut-être que ça peut paraître enfantin mais ça permet à toute une société, à toute une génération, de prendre conscience d’une certaine manière de faire, dire… et en changeant ça, à terme, on peut changer les comportements. En effet il y a des choses un peu excessives mais c’est comme ça que les choses bougent. C’est une révolution et une révolution ne se fait pas avec de la tiédeur.

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Vous-même en tant que femme, vous avez ressenti dans votre profession des décalages par rapport aux hommes ?

Bien sûr ! On a toujours un procès en légitimité, que ce soit quand tu es femme artiste, politique, cheffe d’entreprise… c’est plus difficile. Par exemple, une femme qui pique une colère, c’est une mal baisée caractérielle qui a ses règles ; un homme qui pique une colère, on dit simplement de lui qu’il est très exigeant avec ses équipes. C’est pas normal.

Vous dîtes que vous ne vous êtes jamais sentie aussi bien qu’aujourd’hui. Comment est-ce que vous l’expliquez ?

Je suis mieux dans ma peau maintenant qu’avant mais ce n’est pas que moi ! Quand on avance dans la vie, on essaie de travailler sur soi, de se débarrasser de certains comportements, d’évoluer. En tout cas j’essaie, je ne dis pas que j’y arrive, ce n’est pas un processus forcément agréable mais je m’y emploie en tout cas.

58 ans, c’est l’âge de la liberté finalement ?

Oui parce que je trouve que la période la plus dure de la vie d’une femme c’est quand on est une femme qui travaille avec des jeunes enfants. Entre 25 et 40 ans, c’est très compliqué je trouve.

Anne Roumanoff, L’expérience de la vie : en tournée dans toute la France et à L’Olympia le 26 décembre 2023.

Informations et réservation ici.





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