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Voici pourquoi des activistes sont enrôlés de force comme auxiliaires de l’armée au Burkina Faso

D’après la BBC, le Burkina Faso a récemment enrôlé trois membres de la société civile dans le corps des volontaires pour la défense de la patrie, une décision qui soulève l’inquiétude chez les défenseurs des droits humains.

Tout est parti d’une annonce du président Traoré lui-même à Kaya. Il déclare avoir engagé un responsable d’une organisation de la société civile dans les volontaires pour la défense de la patrie (VDP) : « Nous lui avons fait comprendre et nous l’avons engagé immédiatement pour être VDP et il en sera ainsi. »

Boukaré Ouedraogo avait quelque jours plutôt dénoncé l’abandon de sa région de Kaya, notamment un site d’eau qui approvisionne la ville.

Juste avant l’arrivée du président en visite dans la ville, une attaque intervient dans les environs du point d’eau. Pour le président Traoré, c’est la sortie de Boukaré qui a exposé les combattants.

Deux jours plus tard, deux autres responsables sont engagés à Ouagadougou après une conférence de presse où ils réclament la dissolution du gouvernement.

Menaces sur les libertés ?

Les défenseurs des droits humains crient à la restriction des libertés.

Le Dr Daouda Diallo du comité de lutte contre l’impunité et la stigmatisation des communautés est clair : « Le principe de l’enrôlement est clair dans la loi qui stipule que c’est sur la base du volontariat et du bénévolat que les gens intègrent les principes des VDP. »

Les autorités disent travailler pour l’union autour des forces de sécurité : « Tous ceux qui ne sont pas capables d’aller défendre la patrie, ils doivent avoir l’amabilité de laisser ceux qui ont le courage, les hommes et les femmes qui ont la volonté de le faire, d’aller combattre » a déclaré le Président de la transition Ibrahim Traoré.

Le contexte sécuritaire actuel du Burkina Faso est marqué par une insécurité grandissante, avec des attaques de groupes armés et des violences intercommunautaires qui se multiplient.

Face à cette situation, les autorités burkinabè cherchent à renforcer les effectifs des forces de défense et de sécurité pour faire face à la menace.

Pour le Dr Daouda Diallo, « Il faut dire très clairement que ce pays, pour le sauver, ce n’est ni dans le forcing, ni dans la négation de la liberté d’opinion et d’expression, ni dans le seul volet militaire. »

Qui sont les VDP ?

C’est au lendemain d’une embuscade contre un convoi minier de la compagnie canadienne SEMAFO qui a fait 38 morts le 6 novembre 2019, que le gouvernement du Président Roch Marc Christian Kaboré a annoncé « une mobilisation générale des fils et filles de la Nation » via le « recrutement de volontaires pour la défense dans les zones sous menace. »

En janvier 2020, l’Assemblée nationale burkinabè a adopté la loi des Volontaires pour la défense de la patrie qui permet à des volontaires, armés et formés, de contribuer à la défense et à la protection des personnes et des biens de leur village ou de leur secteur de résidence.

Chaque volontaire est formé sur une période de 14 jours pour apprendre le maniement des armes et intégrer le code de conduite. Il est lié à l’Etat burkinabè par un contrat valable pour une durée d’un an, renouvelable chaque année dans la limite de cinq ans.

Afin d’encadrer officiellement leur comportement, un règlement de conduite a été rédigé et les volontaires doivent respecter le code disciplinaire sous peine de sanctions. Leur rôle premier est de donner des informations et de défendre leur lieu de résidence, mais ils ne sont pas autorisés à effectuer des missions de police judiciaire et de maintien de l’ordre.

L’État accorde également un appui financier de 200 000 Francs CFA pour chaque groupe de volontaires formé par village, et chaque volontaire pourra bénéficier d’une prime d’invalidité permanente et d’une prime forfaitaire de décès.

En octobre 2022, le nouveau dirigeant du pays le capitaine Ibrahim Traoré, lance une nouvelle campagne d’enrôlement de 50 000 volontaires qui récolte un succès au-delà des attentes des autorités, avec plus de 90 000 demandes.

Même si cette initiative est soutenue par une grande partie de la population dans un contexte où le pays fait face à l’urgence sécuritaire, des inquiétudes se font jour.

Des craintes justifiées ?

L’enrôlement de supplétifs civils vise surtout à combler le déficit en personnel des forces de défense et de sécurité qui éprouvent de grandes difficultés à contrer les groupes armés qui sévissent dans certaines régions du pays.

Cependant, la durée de la formation de 14 jours d’un volontaire est aux yeux de beaucoup d’observateurs insuffisante si l’on sait qu’un soldat burkinabè doit subir une formation initiale de 18 mois. Toutefois, la mission assignée au soldat diffère de celle du volontaire qui est de donner des informations et de défendre son lieu de résidence, mais qui « pourra répondre dès les premières attaques en attendant l’arrivée des forces de défense et de sécurité », selon le rapport du vote de la loi par l’Assemblée nationale.

D’autre part, le port d’armes des volontaires fait craindre une circulation incontrôlée des armes qui peuvent tomber entre les mains d’assaillants.

L’autre source d’inquiétude notée est liée à la démobilisation des volontaires à la fin de leur contrat. Il n’existe pas encore de dispositif clair pour encadrer le désarmement et la réintégration de ces auxiliaires militaires qui peuvent alors se constituer à leur tour en bandes armées si livrés à eux-mêmes.

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