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TCS : voici comment ils ont monté un trou de 308 mille tonnes de coton

Les employés de l’entreprise et les représentants des planteurs cotonniers sont en jugement devant le TCS pour avoir perçu près de 100 millions de francs en paiement de livraison de quantités fictives de coton. Certains accusés reconnaissent les faits pendant que d’autres les nient.

L a Société de Développement du Coton (Sodecoton) est à la recherche d’un peu plus de 308 mille tonnes de graines de coton. Ce stock représente en fait les quantités fictives qu’elle dit avoir pourtant payées à l’usine de Maroua à hauteur de 96,4 millions de francs. La perte alléguée résulte en effet des «majorations frauduleuses» sur le poids des caisses de coton opérées lors de la pesée des livraisons enregistrées pendant la campagne cotonnière de 2019- 2020. Le supposé forfait, qualifié de détournement de biens publics, est imputé à neuf personnes parmi lesquelles se trouvent les employés de l’entreprise et certains représentants des planteurs. Des incriminations que la plupart des accusés renvoyés en jugement, inconnus du public, ont reconnues. Une partie des fonds litigieux a été restituée à l’Etat. L’examen public du scandale a débuté devant le Tribunal criminel spécial (TCS) le 28 juin dernier. Alors que cette affaire avait atterri devant la juridiction en deux vagues et confié à autant de juges d’instruction afin d’y conduire l’enquêter judiciaire, le tribunal a joint ce jour-là, à la demande du ministère public, les deux morceaux du dossier pour en faire une seule et unique procédure en arguant du souci d’une «bonne administration de la justice». En effet, le procureur a fait savoir aux juges en charge de l’examen du dossier que les faits et le montant querellé sont identiques dans chacun des deux dossiers (connexité). Par conséquent, il a trouvé impérieux de procéder à la jonction desdites procédures de peur que le TCS ne rende des jugements opposés dans la même affaire.

Actes de tricherie

Les différents rapports d’enquête judiciaire (ordonnance de renvoi) consultés par Kalara résument de manière constante les faits au centre du procès. Tout est parti d’une «dénonciation» faite le 12 janvier 2020 auprès des dirigeants de l’entreprise d’Etat par un certain Yaouba Barounga, pompiste au «pont bascule d’égrenage» de l’usine Sodecoton se trouvant à Maroua 2e. Le concerné déclare avoir constaté des «actes de tricherie lors de la pesée des caisses de coton au moment de leur livraison» à l’usine Sodecoton de Maroua. Les contrôleurs, soutient-il, faisaient enregistrer des poids des caisses supérieurs aux poids véritables, «fraudes qui ont amené la Sodecoton à payer aux producteurs des sommes d’argent supérieures au prix réel d’achat des différentes cargaisons de coton livré». De fait, la vérification du tonnage des caisses de coton au moment de leur livraison à l’usine se déroule au pont bascule en présence du peseur de la Sodecoton, du contrôleur des planteurs représentant la Confédération nationale des producteurs de Coton du Cameroun (Cnpcc) et du chauffeur du camion transportant la marchandise. Lorsque le bordereau d’évacuation de la cargaison dressé en brousse arrive à ce niveau, indique l’accusation, les seules informations qui y figurent portent sur le produit, le lieu d’origine, le statut du groupement de planteurs. Après la pesée, le poids des caisses et le numéro du camion sont remplies par le peseur. C’est sur la base de ce document que la Sodecoton paie donc ses fournisseurs de coton. Mme Aïssatou Kodji, 29 ans, était l’un des «peseurs» au pont bascule au moment des faits. Elle répond d’une supposée coaction de détournement du montant litigieux. Ses malheurs résultent de ce que le pompiste Yaouba Barounga affirme l’avoir surprise le 12 janvier 2020 en train de s’arranger avec l’un de ses coaccusés, notamment le chauffeur Hamadou Mana, pour un «rajout frauduleux de poids de coton» de la caisse B234. Alors que la dame avait mentionné sur le bordereau d’évacuation que ladite caisse transportée par son compagnon d’infortune pesait 10.700 kg, la contre-pesée ordonnée par le chef d’usine, après la dénonciation, faisait découvrir que le poids de la caisse en question était plutôt de 7.700 Kg.
Négociation du tonnage
Pour cerner l’ampleur du phénomène, la Sodecoton a dépêché une mission de contrôle auprès de différents secteurs de production de la région de l’Extrême-Nord. La mission dit avoir découvert que pour mieux opérer les rajouts critiqués, les producteurs omettaient volontairement de remplir la case réservée au poids de la marchandise, permettant ainsi au peseur du pont bascule de «mentionner le poids voulu en contrepartie de somme d’argent». Sur la base des aveux et des documents recueillis auprès des personnes auditées, la mission a évalué les qualités fictives payées à un peu plus de 308 mille tonnes. Bien que cité par ses coaccusés, Mme Aissatou Kodji a clamé son innocence expliquant qu’elle remplissait les bordereaux d’évacuation en se fiant au poids affiché sur la machine qu’elle tenait à son poste. Contrairement à sa version, la plupart des accusés sont passés aux aveux complets pendant les enquêtes. Leurs témoignages détaillent de manière constante «le stratagème de la fraude» déplorée. Par exemple, M. Abdoulaye Yaya, contrôleur à la Cnpcc, indexé comme plaque tournante du réseau, révèle que la «fraude à laquelle il a participé consistait à négocier le tonnage du coton-graine avec les planteurs de différents secteurs de production». Il se chargeait, précise-t-il, «de mettre les planteurs en contact avec le peseur de service (…) le stratagème visait à surévaluer le poids du coton en contrepartie de 100 mille francs par tonne ajoutée». Comme lui, quatre autres accusés ont procédé à la restitution de la somme totale d’un peu plus de 11 millions de francs issue de la fraude.

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