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TCS – Affaire Mebe Ngo’o : ces vérités cachées de Victor Menye qui pourraient l’acquitter

Mardi 6 septembre 2022 dernier, l’affaire dite « Mebe Ngo’o », du nom de l’ancien ministre de la Défense était inscrite au rôle du Tribunal criminel spécial (Tcs). Pour cette énième audience, le colonel Ghislain Mboutou était interrogé par les juges de la collégialité sur son rôle dans les marchés passés par le ministère de la Défense pendant le magistère de Mebe Ngo’o auprès notamment Robert Franchitti et des activités de la société Magforce. Sauf que, le sujet le plus attendu était cette première sortie de Victor Emmanuel Menye, empêtré malgré lui, dans ce procès et qui pour la première fois, faisait face à son conseil Me Bikaï Bi Bikaï dans le cadre de son examination-in-chief.

Depuis son incarcération, c’est la première fois, que Victor Emmanuel Menye prenait en effet la parole dans le cadre de ce procès où il se retrouve malgré lui, comme un cheveu dans la soupe, si ce n’est à cause de son faciès de banquier de réputation au Cameroun depuis près de 40 ans, mais qui malgré toutes les assurances, a été placé en détention provisoire à la prison centrale de Kondengui en mars 2019 Mais comment Victor Emmanuel Menye, directeur général adjoint de la Scb Attijariwafa en poste au moment de son interpellation s’est-il retrouvé dans ces sales draps ? Pour certains observateurs, fins connaisseurs de ce dossier, de nombreuses insuffisances ont été étalées au grand jour au cours de l’instruction conduite par le magistrat instructeur, Jean Betea, qui aurait renvoyé Victor Emmanuel Menye devant le Tcs pour des faits qui n’ont absolument rien n’à voir avec ceux sur lesquels il aura été auditionné à l’instruction. C’est d’ailleurs avec un grand soulagement que mardi 6 septembre dernier, Victor Emmanuel Menye a eu droit à sa première prise de parole devant la barre du Tcs.

On l’aura perçu dès ses premiers mots, ce sentiment de soulagement et ce profond sentiment d’injustice qu’il affichait. Appelé d’entrée de jeu à se présenter, il n’a pas hésité à commencer à livrer ces sentiments qu’il éprouvait à cet instant précis : « je souhaite dire que je suis soulagé de prendre la parole après 3 ans de castration sociale, de détention, afin de rétablir mon honneur après l’opprobre jeté sur moi par le Tribunal criminel spécial. » L’homme a par la suite décliné son parcours professionnel, comme le lui avait demandé les juges de la collégialité. C’est dans la suite des échanges qu’on peut commencer à percevoir ce qui s’apparente à un stratagème de la part de l’instruction de cette affaire, comme l’accusé le soutient lui-même.

Accusations

C’est pour cela que Victor Emmanuel Menye s’indigne d’avoir découvert dans l’ordonnance de renvoi des accusations pour lesquelles il n’a jamais été interrogé par le juge d’instruction.

Questions de Me Bikaï Bi Bikaï, l’avocat de Victor Emmanuel Menye à son client au cours de l’examination-in-chief : « l’ordonnance de renvoi dit que vous êtes renvoyé devant cette juridiction pour complicité de détournement de la somme totale de 18 699 567 085 Fcfa. Est-ce que vous avez été interrogé par le juge d’instruction sur les faits et le montant total de 18 699 567 085 Fcfa ? » « On dit charges suffisantes contre vous de complicité de blanchiment aggravé des capitaux dont le montant avoisine 20 milliards Fcfa. Avez-vous été interrogé par le juge d’instruction sur ces faits au montant avoisinant 20 milliards ? »

A ces 2 questions, Victor Emmanuel Menye, dans sa réponse est resté impassible : c’est non. Et de déplorer presque qu’en larmes : « on me met en prison, pour les questions qu’on ne m’a pas posées, ni par les enquêteurs, ni par le juge d’instruction. Juge des libertés dans d’autres pays, qui met en prison un mandataire de banque qui pouvait présenter une garantie de caution de 1 300 000 000 Fcfa, que le juge n’a pas sollicitée. Il a préféré me mettre en prison. Le même juge d’instruction me renvoie devant votre auguste tribunal pour des infractions qu’il n’a pas pris la peine de m’interroger. En conclusion, j’ai été renvoyé devant votre tribunal pour des faits pour lesquels je n’ai pas été interrogé avec la disparition d’un coauteur en la personne de Robert Franchitti ». Théoriquement, cela aurait suffi pour l’annulation de la procédure pénale, soutient un puriste du droit consulté.

Suffisant donc pour Me Bikaï bi Bikaï de s’engouffrer dans cette brèche jonchée de divers manquements apparus dans l’enquête contre son client pour enfoncer le clou : « avez-vous été confronté aux autres mis en cause lors de cette enquête préliminaire ? » Là encore, l’accusé répond par la négative.

« Lorsque je suis convoqué comme suspect, j’étais surpris car je pensais que devant un tribunal criminel, pénal même s’il est spécial, on vous oppose des faits, de la matière, mais pas des supputations, du kongossa. C’est sur ce vide, ce néant que je suis gardé à vue le 5 mars 2019 », soutient-il. C’est ainsi que, malgré ses vives protestations, Victor Emmanuel Menye est inculpé de s’être « à Yaoundé, courant 2010-2014, rendu complice de coaction de détournement de la somme de plus de 1 300 000 000 Fcfa reproché à Edgard Alain Mebe Ngo’o et à Robert Franchitti, à travers les actes d’aide et de facilitation à lui apportés en qualité de banquier, dans divers montages et transactions financiers ainsi que l’ouverture abusive de multiples comptes bancaires tant sur le plan national qu’international. De s’être à Yaoundé depuis 2011 rendu complice du crime de blanchiment aggravé de capitaux reproché à Mebe Ngo’o à travers les actes de facilitation à lui apportés en qualité de banquier dans divers montages financiers. »

Supputations

Sauf que de tous ces actes, Victor Emmanuel Menye demande des preuves que pourrait fournir la Snh puisque jusqu’à date, ce qu’on a pu lui opposer, ce sont les supputations, du kongossa. Un dossier vide ? Nous ne sommes pas habiliter à le dire, la procédure étant déjà ouverte. Mais chacun au regard de la dernière audience publique peut déjà se faire sa propre religion sur cette affaire. La nôtre étant que Victor Emmanuel Menye serait victime d’un délit d’amitié avec Edgard Alain Mebe Ngo’o. Car comment expliquer que convoqué dans un premier temps comme suspect, il soit surpris qu’un tribunal criminel, pénal même s’il est spécial, ne lui oppose à la place des faits que des supputations qu’il a finies lui-même par qualifier de kongossa et que par la suite, il soit transformé en suspect et gardé à vue le 5 mars 2019. Et bonjour les dégâts collatéraux ! Et Victor Emmanuel en a subi. Et il n’a pas hésité à le faire savoir : « ma fille était suivie depuis l’âge de 5 ans à l’hôpital à Paris. Lorsque le juge d’instruction m’envoie devant ce tribunal le 26 août 2020, ma fille voyage pour la France et le 16 septembre 2020 elle décède et est enterrée à Montpellier. Je ne dis pas qu’elle ne serait pas décédée.

Mais je pense qu’elle n’aurait pas été enterrée là-bas. Tout ceci à cause de la méchanceté des hommes », a-t-il lâché. La méchanceté qu’évoque ici Victor Emmanuel Menye, c’est sans doute celle attribuée au juge d’instruction qui, le 17 octobre 2019, lui demandait s’il était impliqué dans l’acquisition des effets militaires au Mindef de 2009 à 2015. Menye n’y était pas impliqué, surtout à titre personnel. Sonnant la charge, le juge d’instruction avait aussi voulu savoir en tant que Dga, si la Scb avait été impliquée dans l’acquisition desdits effets militaires. La réponse a été celle d’indiquer que le Mindef comptait parmi les 200 000 clients de la Scb. Il voulait également savoir si le Mindef a ouvert les comptes à la Scb, si oui quels types de comptes ? Réponse simple de Victor Menye : « le Mindef avait des comptes courants ouverts avant 2009. »

Le juge d’instruction voulait aussi savoir dans quel cadre la Scb est intervenue dans les marchés. Réponse de l’accusé : « le compte est alimenté par des ressources provenant de la Snh ou du ministère des Finances. Une fois alimenté, il pouvait faire l’objet des retraits ou des virements, sous la signature conjointe du chef service des Affaires générales et du ministère.»

C’est pour cela, in fine, que Victor Emmanuel Menye s’interroge toujours les modalités qu’auraient pues prendre son éventuelle implication dans cette affaire, lui qui n’est pas personnel du Mindef. Toujours en cherchant la petite bête, le juge d’instruction, lors de la même audition du 17 octobre 2019, voulait savoir si on peut faire des découverts sur le compte du Mindef. La réponse du banquier n’avait certainement pas plu à Jean Betea, le juge d’instruction lorsqu’il apprendra que le Mindef pouvait faire des découverts comme à tout client. Le juge d’instruction ne pouvait pas mieux finir sans poser la question sur les rapports entre Mebe Ngo’o et Victor Menye.

« Je lui ai expliqué que j’étais l’ami de M. Mebe, mais pas des fonctions ministérielles de M. Mebe et que j’avais connu plusieurs de ses prédécesseurs : le Cabinet civil depuis Laurent Esso, la Dgsn depuis Jean Fochive, le Mindef depuis Akame Mfoumou. » Pas suffisant pour désarçonner l’envie du magistrat Jean Betea de clouer Menye au pilori pour crime d’amitié avec Mebe Ngo’o, lorsqu’il lui demande s’il connaissait Robert Franchitti. « Oui je le connais, mais pas de façon particulière, il voulait travailler avec le groupe Attijariwafa, mais n’était pas dans le modèle de la banque », répondra sèchement Victor Menye.

Savait-il qu’il venait de signer son arrêt de mort ? La réponse est dans la question, tant il est vrai que Victor Menye a été renvoyé au Tcs pour des faits qui n’ont absolument rien à voir avec ceux révélés à l’instruction. Ce qui remettrait en cause la partialité de nos magistrats.

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