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Ndzana Nga Zogo : L’homme qui suivit une femme au pays des morts voici les détails

L’une des histoires, mises en musique par les joueurs de Mvet (mbom mbet), les plus connues est celle de cet homme, Ndzana Nga Zogo qui se retrouva au pays des morts à cause d’une femme, forcé à manger un plat de couscous sans fin. Une histoire devenue un conte populaire avec plusieurs variantes selon les conteurs.
Entre mythe et réalité Joseph Ndzomo Molé , Maître de conférences et auteur du livre « L’identité culturelle Itón », nous propose une immersion dans la construction de cette œuvre orale basée sur la vie de NDZANA NGA ZOGO qui est une personne ayant réellement existée. Ce n’est pas un personnage fictif même s’il est devenu mythique au fil des ans. Lisons :

Ndzana Ngazogo est un Menyagda dont la maison était située juste en face de l’entrée de la Luna Park ; elle y est toujours. Son fils, né, je crois, la même année que moi (1957), habite aujourd’hui plus loin que Minkama, occupant un site familial plus ancien.
Tel que je me souviens de Ndzana Ngazogo, il pourrait être né à la fin des années 10, ou au début des années 20. L’anthropologue Jean-Pierre Ombolo montre que la chanson qui a été composée sur Ndzana Ngazogo est la plus populaire dans le genre «mbed ogzëng».

C’est une chanson, donc de l’art, il ne faut pas l’oublier. Au départ, m’a raconté un aîné de mon père installé à Obala dans les années 40, Alexandre Etémé Ngasga, il y a une aventure amoureuse entre Ndzana et une dame.
C’est ça l’art : il y a toujours un lien avec la réalité ; l’art est dans le traitement fantaisiste de cet élément de la réalité. Mbida Kouma, un cousin de Ndzana Ngazogo à Minkama, le grand-père de feu mon camarade Mbida Kédé Casimir, était un très grand joueur de mbed ; de cette aventure amoureuse, il fit l’objet de ce morceau qui a d’ailleurs plusieurs versions, à partir des siennes, puisqu’il lui a fait subir des modifications, en passant par celles de son frère, Menono Ekassi, lui aussi virtuose du mbed.
Ndzana, au départ, était furieux contre ses deux cousins, qui avaient inventé sur son compte l’histoire d’une aventure amoureuse qu’il aurait prolongée jusqu’au pays des fantômes, Ingönkēng. Voyant qu’il en était cependant devenu célèbre, il avait lui-même fini par aimer le morceau, qu’il dansait lui-même volontiers. Aucune des versions que je suis aujourd’hui n’a les paroles du morceau jadis enregistré au magnétophone par mon père, par exemple celles du mari cocufié jusqu’à Ingönkēng :
«O sō et tong ma pōt á kón i ?» – Tu m’as suivi jusqu’au pays des fantômes ?;
Ou encore les pleurs de Ngazogo, la mère, qui avait chargé sa jeune co-épouse d’aller vérifier la virilité de son fils encore sans relations connues avec une quelconque jeune fille, et qui avait apporté un rapport alarmant : Ndzana était impuissant ! Ngazogo se mit alors à pleurer :

« Ámú dzē mē kėgë ding ílig í ngòl ? Hòököö ! Ámú dzē mē kėgë ding ílig í kúbi? Hòököòò !».
Très beau :«Mais pourquoi donc ai-je aimé une famille misérable ? … Mais pourquoi ai-je aimé une famille déclinante ?…».

Ndzana Ngazogo sera guéri de son infirmité sexuelle, après quoi il s’en ira exercer avec usure sa virilité auprès de cette dame, d’abord du vivant de son mari, ensuite après la mort de celui-ci, et «pōt á kón»!
Au pays des fantômes, Ndzana subira, dit la vieille version, la bastonnade du mari cocufié de son vivant, après sa mort, et même jusqu’au pays des fantômes, «pōt á kón». Comment s’en sortira-t-il ?
Les fantômes, spectateurs de la bastonnade du malheureux aventurier, avaient suivi les airs d’un morceau de Mbida Kouma.. Leurs cœurs furent égaillés; le bastonné fut donc grâcié.

Je tiens à attirer l’attention des lecteurs de ce texte sur un autre conte Fang, qui était très populaire du temps de mon enfance, et donc aussi à l’époque où le conte de Ndzana Ngazogo avait été composé – car, c’en est un, l’aventure chantée de Ndzana Ngazogo.

Cet auteur conte, c’est Abomo Ngele, «ngön i Ngele Minsanga». C’est la même structure : une aventure amoureuse prolongée jusqu’au pays des fantômes. Abomo Nguele, c’est la bien-aimée. Ebomo, donc Abomo en ewondo-búlu, c’est aussi la bien-aimée de Ndzana Nga Zogo. Ndzana Nga Zogo, le conte chanté par Mbida Kouma et son frère, est l’adaptation géniale d’Abómo Ngele : «Abómo Ngele, ngön i Ngele Minsanga, a ngá nöng ma nlem ya abum…»
– Abomo Nguele, fille de Nguele Minsanga, s’est emparée du cœur de mon ventre…».

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