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Manipulation d’enquêtes par la gendarmerie : Voici les horreurs cachées de la légion de Bertoua

C’est un récit du poète et homme politique camerounais Enoh Meyomesse. Inculpé par la légion de gendarmerie de Bertoua, il dévoile comment l’enquêteur chargé de l’affaire a utilisé la torture pour obtenir des aveux, contraignant l’un des co-accusés à produire de fausses preuves.

J’ai été inculpé, par la légion de gendarmerie de Bertoua, au mois de décembre 2011, d’achat d’armes de guerre à Garoua-Boulay pour renverser Paul Biya.

L’enquêteur, un adjudant-chef, avait forcé l’un de mes co-accusés à déclarer lors de la séance de confrontation, en pleine nuit, de 23 h à 2h du matin, que je lui avais remis la somme de 180 mille francs pour qu’il aille en acheter dans cette ville.

Devant son hésitation, « l’enquêteur » a d’abord pris soin de nous rappeler qu’il a travaillé au SED et qu’il avait l’habitude de tirer sur les cuisses des personnes qu’il interrogeait pour qu’elles avouent. Il s’est levé, a pris l’un de ces petit fusils qu’ont les gendarmes et les militaires, et l’a posé sur la table. Mon co-accusé a aussitôt attrapé la diarrhée et a  » avoué  » que je lui avais remis la somme de 180 mille francs pour aller acheter des armes à Garoua-Boulay. J’étais coincé. Le gendarme était tout triomphant, il exécutait des ordres « venus de Yaoundé », à savoir du MINDEF de l’époque. Dieu merci, j’ai immédiatement eu une illumination.

J’ai sans tarder poser cette question : « moi je suis celui qui a financé l’achat d’armes de guerre à 180 mille francs, où est le vendeur pour qu’il vienne : 1/- reconnaître mon émissaire ; 2/- les fusils qu’il lui a vendus ; 3/- le montant de la transaction. Le vendeur doit aller à Kondengui avec moi ». Embarras total. L’enquêteur est sorti de la salle, pour aller consulter le colonel commandant de légion. Il est revenu une dizaine de minutes plus tard, et a maintenu que j’ai envoyé mon co-accusé acheter des armes de guerre à 180 mille francs CFA.

Cette affaire d’avoir acheté des « armes de guerre à Garoua-Boulay », je l’ai traînée jusqu’à la Cour d’appel, pas moyen de m’en défaire. J’ai tout essayé, en vain. L’une des « armes de guerre » que j’aurais envoyé acheter m’a accompagné jusqu’à cette instance du tribunal.

Une fois à Kondengui, je me suis rendu compte que « l’enquêteur » ne blaguait pas. J’y ai découvert plus d’une dizaine de détenus éclopés qui m’ont révélé que leurs « enquêteurs » leur avaient tiré dessus, qui sur la cuisse, qui sur le tibia, qui sur la cheville, pour qu’ils avouent, plusieurs jours après leur arrestation …

Je ne sais pas très bien, lorsque l’on parle des Droits de l’Homme au Cameroun, si on s’attarde sur ce qui se passe lors des enquêtes préliminaires dans les brigades de gendarmerie et les commissariats de police. Ce sont, tout simplement, des lieux de non-droit. Point. On y fabrique des « preuves », dont vous ne pouvez pas vous débarrasser par la suite, elles suivront jusqu’à la Cour suprême…

Que dire des longues détentions en garde à vue, moi j’y ai passé 30 jours, qui épuisent physiquement les mis en cause, brisent leur morale au point où ils n’ont plus qu’une seule envie, c’est d’en finir avec cette maltraitance ? Ils dorment à même le sol, ne se lavent pas, ne voient pas la lumière du jour pendant toute leur détention, se retrouvent à 50 dans un réduit prévu pour 5 personnes, il doit faire 35 à 40 degrés dans les cellules, les gardés à vue font leurs besoins dans des seaux qui s’y trouvent, bonjour l’odeur …

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