InternationalSociété

L’idée de créer des bases franco-américaines en Afrique de l’Ouest pourrait se concrétiser plus vite que prévu


À Niamey, après avoir renversé le président Mohamed Bazoum, à la faveur d’un putsch mené le 26 juillet dernier, le chef du « Conseil national pour la sauvegarde de la patrie » [CNSP], le général Abdourahamane Tchiani, décida immédiatement de dénoncer les accords de coopération de défense et de sécurité qui avaient été noués avec Paris à partir de 1977. Après un bras de fer politique et diplomatique ayant duré plusieurs semaines, la France dut se résoudre à retirer les forces qu’elle avait déployées dans le pays dans le cadre de la lutte contre les groupes armés terroristes.

Puis, la junte nigérienne scella une alliance militaire avec le Mali et le Burkina Faso, amorça un rapprochement avec la Russie et mit fin à deux missions de sécurité de l’Union européenne [UE], à savoir l’EUCAP Niger [à vocation civile] et l’EU Military Partnership Mission [EUMPM Niger].

Compte tenu de l’importance du Niger dans leur dispositif militaire en Afrique, avec notamment la base aérienne 201 d’Agadez, qu’ils réhabilitèrent à grands frais [250 millions de dollars, ndlr], les États-Unis se montrèrent assez conciliants à l’égard de la junte, en évitant, par exemple, de parler de « coup d’État ». Cette attitude fut « payante » puisque, alors que leurs homologues françaises pliaient bagages, les forces américaines purent reprendre leurs opérations au Sahel et faire décoller de nouveau leurs drones MALE [Moyenne Altitude Longue Endurance] pour des missions ISR [renseignement, surveillance et reconnaissance].

« Les États-Unis, pour garder leur base d’Agadez, ont placé la libération du président Bazoum et le retour à l’ordre constitutionnel au bas de leurs priorités. […] Les Américains ont cru pouvoir faire ami-ami avec la junte, notamment avec le général Barmou, formé aux États-Unis et ancien chef des opérations spéciales. Ce faisant, ils ont commis la même erreur que nous, croyant que parce qu’il avait été formé aux États-Unis il leur était acquis, ce qui n’est pas le cas du tout », avait résumé Sylvain Itté, l’ambassadeur de France au Niger, lors d’une audition à l’Assemblée nationale.

Quoi qu’il en soit, après avoir finalement décidé de suspendre leur aide financière à Niamey et regrouper leurs troupes – dont l’effectif a été diminué de moitié – sur la base aérienne d’Agadez, les États-Unis vont devoir se retirer militairement du Niger.

En effet, le 16 mars, le colonel Amadou Abdramane, le porte-parole de la junte, a fait savoir que Niamey venait de décider, « en toute responsabilité » et en « prenant en compte les aspirations et les intérêts de son peuple », de « dénoncer avec effet immédiat l’accord relatif au statut du personnel militaire des États-Unis et des employés civils du département américain de la Défense sur le territoire du Niger ».

Et d’ajouter que la présence militaire américaine au Niger est « illégale » et « viole toutes les règles constitutionnelles et démocratiques ». En outre, a-t-il continué, celle-ci aurait été imposée « unilatéralement » par les États-Unis, via une « simple note verbale », le 6 juillet 2012… Soit au moment où celui qui aurait tiré les ficelles du putsch, l’ex-président Mahamadou Issoufou, était au pouvoir…

Cette décision de la junte a été annoncée quelques jours après le déplacement, à Niamey, d’une délégation américaine comprenant la secrétaire d’État adjointe aux Affaires africaines, Molly Phee, la secrétaire d’État adjointe aux Affaires de sécurité internationale, Celeste Wallander, et le général Michael Langley, le chef de l’US Africom.

Selon la diplomatie américaine, l’enjeu de cette visite était de « poursuivre les discussions entamées en août avec les dirigeants du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie concernant le retour du Niger sur la voie démocratique et l’avenir [du] partenariat en matière de sécurité et de développement ».

Seulement, selon le colonel Abdramane, l’arrivée de cette délégation américaine à Niamey n’a « pas respecté les usages diplomatiques ». En outre, les échanges ont probablement été trop « directs » au goût de la junte, notamment au sujet de ses relations avec la Russie et l’Iran [lequel lorgnerait sur l’uranium nigérien].

« Sur le choix des partenaires diplomatiques, stratégiques et militaires, le gouvernement du Niger regrette la volonté de la délégation américaine de dénier au peuple souverain du Niger le droit de choisir ses partenaires et le type de partenariat à même de l’aider à mieux lutter contre le terrorisme, alors que les États-Unis ont décidé unilatéralement de suspendre toute coopération entre nos deux pays », a développé le porte-parole du CNDSP, avant de dénoncer l’attitude « condescendante, assortie des menaces de représailles » de la cheffe de la délégation américaine.

De son côté, le département d’État, par la voix de son porte-parole, Matthew Miller, a dit avoir pris note de la décision de Niamey. Et d’expliquer qu’elle fait suite à des « discussions franches […] sur nos préoccupations » concernant la « trajectoire » de la junte.

Reste maintenant à voir comment le dispositif militaire américain va évoluer en Afrique occidentale. En janvier, le quotidien Le Monde avait fait état de « réflexions » à Washington sur d’éventuels projets de « bases communes entre Français et Américains », à l’heure où Paris entend changer d’approche sur le continent. Ce que le chef d’état-major des armées [CEMA], le général Thierry Burkhard, n’a pas démenti lors d’une récente audition à l’Assemblée nationale.

« En ce qui concerne la création de bases communes avec les Américains ou d’autres : mutualiser les bases est souhaitable si nous voulons réduire notre visibilité tout en conservant le minimum d’empreinte nécessaire pour maintenir ouverts nos accès », a en effet soutenu le CEMA.

« Nous avons des bases au Sénégal, au Tchad, en Côte d’Ivoire et au Gabon. Elles sont installées dans les capitales, et même parfois enclavées dans des aires urbaines en expansion. Leur empreinte et leur visibilité sont devenues difficiles à gérer. Nous devrons sans doute modifier notre schéma d’implantation pour réduire nos vulnérabilités [‘moins posé, moins exposé’]. Si nous pouvons le faire avec des alliés, tant mieux », a-t-il conclu à ce sujet.





Source link

Please follow and like us:

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

RSS
Follow by Email
YouTube
Pinterest
LinkedIn
Share
WhatsApp