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Le microbiome de l’urètre masculin peut être modifié par les rapports sexuels vaginaux

Une nouvelle étude montre que l’urètre des hommes en bonne santé regorge de vie microbienne et que les rapports sexuels vaginaux peuvent remodeler la composition de ce microbiome. Ces travaux offrent aux cliniciens et aux scientifiques la première base de référence permettant de comparer les états sains et pathologiques de l’urètre, qui chez l’homme, constitue un canal des systèmes urinaire et reproducteur.

L’origine du microbiome intestinal est bien établie. En revanche, celle du microbiome génital reste à éclaircir. En particulier l’origine, la composition et l’importance du microbiome urétral de l’homme ne sont pas claires. On sait en revanche que la dysbiose du microbiome vaginal (soit un déséquilibre de la flore vaginale) est en lien avec de nouveaux partenaires sexuels et avec plusieurs syndromes urogynécologiques.

Les comportements sexuels spécifiques peuvent-ils aussi affecter la composition du microbiome de l’urètre pénien et, si oui, de quelle façon ? Une étude publiée récemment dans Cell Reports Medicine s’est penchée sur la question. Elle révèle que l’urètre pénien abrite un microbiote. Il se compose en partie de bactéries issues de l’appareil reproducteur féminin, dès lors que l’homme a des rapports sexuels vaginaux. Ces bactéries vaginales peuvent profondément modifier le microbiote de l’urètre masculin et potentiellement se transmettre sexuellement.

Un microbiome difficile à caractériser

Les voies urinaires et reproductives de l’homme se rejoignent au niveau de l’urètre post-prostatique. Les micro-organismes qui sortent ou entrent dans le tractus urogénital de l’homme traversent l’urètre pénien. Ce dernier se dote de cellules immunitaires capables de détecter et de combattre ces micro-organismes. En revanche, on ne sait pas s’il abrite un ou plusieurs microbiomes caractéristiques susceptibles de le protéger ou au contraire, favorisant le développement d’une infection. C’est effectivement ce qu’on observe pour le microbiome intestinal ou vaginal par exemple.

Le microbiome de l’urètre masculin est en effet difficile à caractériser, essentiellement par la technique relativement douloureuse de l’échantillonnage. Il est rare qu’on effectue des prélèvements sur des hommes en bonne santé. Les études du microbiome réalisées jusqu’à présent ne concernent donc que les hommes atteints d’une infection sexuellement transmissible (IST). Les études qu’on réalise à partir d’analyses d’urine s’avèrent quant à elles peu précises. En d’autres termes, les scientifiques ne savent pas à quoi ressemble exactement un microbiome urétral sain.

Les données existantes suggèrent que ce microbiome est simple, stable et peut être lié à des expositions environnementales et sexuelles. Cependant, l’identité de nombreux micro-organismes de l’urètre reste à éclaircir, de même que la relation entre les comportements sexuels spécifiques et la composition du microbiome. Une équipe de l’École de médecine de l’Université d’Indiana a mené une étude visant à combler ces lacunes.

Les chercheurs ont prélevé des échantillons à l’aide d’écouvillons urétraux sur 164 hommes volontaires. Ils les ont soumis à des tests de dépistage de diverses infections sexuellement transmissibles. Puis, après avoir appliqué d’autres critères, ils ont retenu 110 échantillons. Ces derniers provenaient d’hommes en bonne santé, ne présentant aucun symptôme d’inflammation ou d’infection urétrale. Les chercheurs ont séquencé ces échantillons à l’aide de la métagénomique.

Des bactéries réparties en deux populations distinctes

Contrairement aux idées reçues, l’urine et l’urètre possèdent bien des germes. Au total, on a détecté 117 bactéries différentes et 26 virus dans les échantillons. La plupart contenaient des bactéries lactiques caractéristiques et la bactérie Corynebacterium spp. On les avait déjà mises en évidence au cours d’études antérieures. Ces bactéries aérobies vivent probablement à proximité de l’ouverture de l’urètre, à l’extrémité du pénis, où l’oxygène est le plus abondant. Leur présence constante suggère qu’elles constituent « un microbiome central caractéristique » de l’urètre masculin.

Ces bactéries se développent dans des environnements pauvres en oxygène. Elles résident ainsi probablement un peu plus profondément dans l’urètre pénien. Il s’avère que ces bactéries sont restées détectables chez les participants pendant au moins deux mois après les rapports sexuels (sans provoquer de symptômes). « Ces bactéries peuvent être transmises par des relations sexuelles vaginales hétérosexuelles. On n’avait jamais démontré cela dans la recherche auparavant », souligne le Dr David Nelson. Il est professeur de microbiologie et d’immunologie et co-auteur de l’étude.

L’équipe rapporte également qu’elle n’a pas trouvé les microbes en lien avec les rapports sexuels oraux et anaux dans les échantillons d’hommes qui s’adonnaient à ces types de comportements.

Des rapports sexuels qui peuvent modifier près de 10 % du microbiome

Curieusement, les chercheurs n’ont en revanche pas détecté de « bonnes » bactéries issues de l’appareil génital féminin (telles que Lactobacillus spp) chez les hommes ayant eu des rapports sexuels vaginaux. Ils n’en connaissent pas la raison.

La vaginose bactérienne est une affection courante chez les femmes. Cependant, on ne la considère pas comme une IST pour le moment. Cependant, les résultats de cette étude pourraient changer la donne. Elle montre en effet que les rapports sexuels vaginaux peuvent être à l’origine de 10 % de la variation bactérienne globale du microbiome urétral. « L’urètre masculin abrite un microbiome de base simple qui s’établit indépendamment des expositions sexuelles, mais que les rapports sexuels vaginaux peuvent remodeler », résume l’équipe dans Cells Reports Medicine.

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Graphiques illustrant la composition du microbiome de l’urètre pénien et du microbiome vaginal, à partir des 10 micro-organismes les plus abondants. Crédits : Toh et al., Cell Reports Medicine (2023)

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En revanche, les chercheurs ont identifié un autre groupe de bactéries dans les échantillons provenant d’hommes ayant déclaré avoir eu des rapports sexuels vaginaux. Ces bactéries sont associées à la dysbiose vaginale. L’équipe rapporte notamment la présence de bactéries telles que Gardnerella vaginalis et Atopobium vaginae, qu’on associe à la vaginose bactérienne – qui est l’infection vaginale la plus fréquente –, ou encore Streptococcus agalactiae et Streptococcus anginosis, qui ont été associées à la vaginite aérobie.

Ces résultats suggèrent que la microbiologie urogénitale et le comportement ****** sont inexorablement liés. Cependant, d’autres études doivent déterminer si les bactéries vaginales peuvent être transmises de l’urètre du pénis à d’autres partenaires féminines. Dans ce cas, il faudra opérer des changements dans la façon dont on traite les hommes et les femmes en cas de vaginose bactérienne.

En attendant, cette étude offre de nouvelles perspectives sur le rôle des bactéries dans les maladies de l’appareil urinaire et reproducteur, y compris l’inflammation inexpliquée de l’urètre et les IST.

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