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Guerre en Ukraine : pour séduire l’Afrique, les pro-Poutine réécrivent l’Histoire

Depuis le début de l’offensive contre Kiev, un cliché fait le bonheur des réseaux sociaux : on y voit un homme présenté comme le maître du Kremlin aux côtés des ex-présidents Samora Machel et Emmerson Mnangagwa. Mais son authenticité est plus que douteuse…

Vladimir Poutine a besoin de l’Afrique. Il a besoin de la pondération des dirigeants africains qui nuancent, par leur abstention, les résolutions de l’Assemblée générale des Nations unies condamnant l’intervention russe en Ukraine, et de la neutralité des peuples africains que Kiev tente de recruter dans sa « légion internationale ». Logique donc que dans la guerre de communication, les thuriféraires du patron du Kremlin ne reculent devant aucun storytelling pour expliquer à quel point le président aurait voué son existence au continent.

Depuis le début du conflit en Ukraine, une photographie en noir et blanc circule sur les réseaux sociaux. Viraux, des posts expliquent qu’il faut y reconnaître Poutine, en 1973, aux côtés de Samora Machel et Emmerson Mnangagwa, futurs présidents du Mozambique et du Zimbabwe. Le cliché aurait été pris dans un camp d’entraînement militaire tanzanien dédié aux mouvements d’indépendance d’Afrique australe. En 2018, un blog affirmait que le Russe aurait formé des combattants de la liberté pendant quatre ans. Les twittos africains de 2022 ne manquent pas d’en conclure que « chaque Africain sur terre doit soutenir le président Poutine et la Russie dans cette lutte » contre « le colonialisme et l’impérialisme ».

Vrai-faux Poutine

Mais storytelling rime avec fact-checking (vérification des faits). La biographie officielle du dirigeant russe indique qu’il a étudié à l’Université d’État de Leningrad jusqu’en 1975. En outre, la formation dont il est question aurait été dispensée par des instructeurs chinois et non soviétiques. Quant à Emmerson Mnangagwa, il était, en 1973, dans les geôles du gouvernement de Rhodésie du Sud.

Plutôt que la Tanzanie, d’autres croient reconnaître le Mozambique du milieu des années 1980. Nouveau problème : entre 1985 et 1990, le dirigeant actuel de la Russie travaillait pour le KGB en Allemagne de l’Est. Son statut d’officier de rang inférieur ne lui aurait probablement pas donné accès, quelques années plus tôt, à un poste de membre dirigeant d’une délégation de formateurs.

Et puisque le diable se cache dans les détails, remarquons que Poutine n’était qu’un officier de renseignement, alors que l’homme de la photo litigieuse a des bottes de militaire. L’homme mystère porte également sa montre au poignet gauche tandis que Poutine a l’habitude de la porter au droit. Enfin, sur ce cliché, le vrai-faux Poutine semble avoir bien plus que les 21 ans qu’il avait en 1973. Plus même qu’une trentaine d’années, dans l’hypothèse où la photo ait été prise dans les années 1980.

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