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Fonction publique : Voici les raisons cachées qui freinent l’équilibre régional au Cameroun

• Ferdinand Ngoh Ngoh demande l’équilibre régional dans chaque société

• Les avis des observateurs divergent


Pour Eric Boniface Tchouakeu, l’équilibre régional est un « poisson de mer »

C’est l’angle qui a fait l’objet d’un éditorial politique du journaliste camerounais Eric Boniface Tchouakeu. Il y a quelques jours, le Secrétariat général de la présidence de la République (SGPR) Ferdinand Ngoh Ngoh s’est plaint du manque d’équilibre régional dans le recrutement au niveau de la Société de développement du Coton du Cameroun (Sodecoton). Des débats sont ensuivis. Pour l’homme de média susmentionné, l’équilibre régional est pour l’instant inatteignable sur le territoire ; pour reprendre ses mots, c’est « un poisson de mer ». Pourquoi le dit-il ?

Dans un courrier signé le 28 avril 2022 par le Ministre d’Etat, Secrétaire Général de la Présidence de la République et adressé au Directeur Général de la Société de Développement du Coton du Cameroun (Sodecoton), Ferdinand Ngoh Ngoh signifie au destinataire de sa correspondance, que la Présidence de la République a été saisie de dénonciations mettant en cause la conduite par les organes dirigeants de la Sodecoton, d’une politique de gestion des ressources humaines qui serait dommageable à « l’unité nationale, à la stabilité du climat social et à un retour durable à la performance au sein de cette entreprise ».

Le Ministre d’Etat, Secrétaire Général de la Présidence, demande à Mohamadou Bayero Bounou en poste depuis 2016, qu’en attendant que la lumière soit faite sur ces récriminations, qu’il veille à ce que les recrutements et la gestion du personnel à la Sodecoton, respectent les exigences d’équilibre et de représentativité de toutes les composantes sociologiques de la nation.

Réagissant à cette correspondance, le même 28 avril 2022 sur sa page facebook, le Directeur de la Publication du journal L’Oeil du Sahel Guibaï Gatama, par ailleurs promoteur du Mouvement « 10 Millions de Nordistes » qui a pour but de défendre les intérêts des trois régions septentrionales du Cameroun, écrit notamment que la Sodecoton, entreprise détenue à 59% par l’Etat, 30% par Geocoton et 11% par SMIC, « n’est particulièrement pas attractive pour de nombreux jeunes cadres originaires du Grand Sud » ; cela à cause « d’un environnement climatique difficile et des salaires bas ».

Guibaï Gatama qui dénonce régulièrement le non-respect des quotas réservés aux ressortissants du Grand Nord dans les concours et autres recrutements dans le public, réclame que l’on fasse des décomptes dans toutes les entreprises d’Etat dans l’espoir que l’équilibre régional qu’il appelle de ses vœux, soit enfin respecté.

Il convient de relever que la dernière correspondance du Ministre d’Etat, Secrétaire Général de la Présidence de la République au Directeur Général de la Sodecoton, a relancé dans l’espace public le débat sur la problématique de l’équilibre régional au Cameroun.

Le déséquilibre de la politique de l’équilibre régional

On observe en pratique des lacunes dans l’application de cette politique de l’équilibre régional qui déterminent la manière dont les emplois publics sont pourvus. Elle a été instituée par un décret signé par le Président Ahmadou Ahidjo le 07 septembre 1982 et réaménagée par d’autres textes dont le plus récent est un décret du Premier Ministre publié le 13 septembre 2000, fixant le régime général des concours administratifs.

L’article 61 (1) de ce dernier texte, dispose qu’un arrêté du Premier Ministre, « fixe les quotas de places réservées lors des concours administratifs aux candidats de chaque région ».

Malheureusement, 22ans après, on attend toujours cet arrêté ; ce qui favorise malgré tous les autres encadrements normatifs pour combler le vide, de flagrantes violations des textes qui régissent les concours d’admission dans de nombreuses grandes écoles étatiques, et des recrutements dans les entreprises publiques par des personnes chargées d’appliquer la norme.

Ces dernières exploitent souvent de manière perverse les zones d’ombre et autres flous qui entourent la politique des quotas pour instaurer le favoritisme, le népotisme ou encore la corruption.

Les textes sont par exemple imprécis sur la répartition du nombre de places à l’intérieur d’une région ou sur les quotas ethniques dans chaque concours ; étant entendu que certaines ethnies sont disséminées dans plusieurs régions du fait du découpage administratif.

La politique de l’équilibre régional qui aurait dû être provisoire ne devrait plus être en vigueur; car son but qui était de permettre à toutes les composantes sociologiques d’accéder à la fonction publique dans un pays pluriethnique, n’est plus justifié 62 années après l’indépendance.

Elle doit être abandonnée au bénéfice d’une autre politique de discrimination positive à l’instar de la politique de « l’affirmative action » pratiquée aux États-Unis d’Amérique, qui a notamment permis la promotion des Noirs.

A la différence de la politique de l’équilibre régional qui est permanente, celle de la discrimination positive est occasionnelle et donc exceptionnelle.

Elle s’appuie davantage sur l’équité et est en plus exposée à un contrôle juridictionnel plus accru afin de s’assurer qu’il n’y a pas eu de violation des droits reconnus à chaque citoyen. Ce qui signifie que la discrimination positive ne s’applique pas si elle est de nature à violer les droits d’un citoyen.

En attendant, le maintien de la politique des quotas dans les concours administratifs suppose si on veut être transparent : la publication préalable du nombre de places ouvertes par région, département voire par arrondissement et par ethnie ; ensuite la publication des conditions à remplir pour le recrutement ou des corrections des épreuves ainsi que les critères ou barèmes de notation immédiatement après la collecte des dossiers ou des copies des candidats ; et enfin il faut rendre public dans un temps court, les résultats et les rangs de tous les candidats en faisant ressortir leurs régions d’origines et leurs ethnies, y compris ceux des non admis avec possibilités de réclamations ,afin de permettre à tout le monde de pouvoir se faire une idée des candidats définitivement admis et aux recalés de pouvoir tirer les leçons de leur échec pour mieux se préparer les prochaines échéances.

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