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Fisc : Voici pourquoi Amougou Belinga ignore le Minfi et se précipite chez le juge

Sans payer le moindre copeck, le patron du Groupe l’Anecdote se trouve devant le juge administratif pour bloquer le recouvrement forcé des 10,881 milliards de francs que lui réclame le fisc, alors que la procédure fiscal lui exige de verser au moins la moitié dans les caisses de l’Etat. Il ignore le ministre des Finances, pourtant incontournable, dans sa démarche.

Jean-Pierre Amougou Belinga persiste dans la stratégie visant à acquitter seulement la portion infinitésimale de ses arriérés fiscaux. Dans le volet du combat qu’il mène contre l’administration fiscale pour anéantir en particulier l’Avis de mise en recouvrement (AMR) des 10,8 milliards de francs reçu du Centre régional des impôts du Centre 1 (Cric 1) le 13 mai dernier, l’homme d’affaires a décidé de mettre rapidement à contribution le Tribunal administratif de Yaoundé. Il sollicite en effet que le juge administratif paralyse l’AMR en cause en le couvrant d’un sursis d’exécution. Et, comme à son habitude, le patron du Groupe l’Anecdote a choisi de s’émanciper de la procédure fiscale dans l’espoir de parvenir à ses fins, fort comme toujours de ses appuis dans l’appareil de l’Etat.

Le 17 mai 2022, dans un recours gracieux préalable (RGP) adressé au Directeur général des impôts (DGI) par le trio des avocats qui défendent les intérêts de l’homme d’affaires, ces derniers lui demandent «de bien vouloir rapporter ou annuler la procédure de redressement engagée à l’encontre de la requérante (Amougou Belinga) ainsi que tous les actes pris par l’administration fiscale depuis la notification de redressement jusqu’à la lettre réponse du 13 mai 2022 [et de] prendre acte de ce qu’en cas de silence gardé dans les délais prescrits par la loi ou le rejet du présent recours, le requérant se trouvera dans l’obligation de saisir le juge administratif pour se voir rétablir dans ses droits».

Sans perdre le temps, les mêmes avocats ont adressé au président du Tribunal administratif de Yaoundé dès le lendemain, 18 mai 2022, une requête visant à obtenir le «sursis à exécution» ou la «suspension des effets de la décision du DGI ayant maintenu à hauteur de 10,8 milliards de francs l’argent que lui réclame le fisc à travers le redressement fiscal diligenté par le Cric 1. Les conseils de l’homme d’affaires s’appuient pour cela sur le document adressé au DGI au titre de recours gracieux préalable, déclenchant ainsi l’examen par le TA de la requête aux fins de sursis.

Recours mal dirigé ?

Il se trouve que le 14 avril 2022, la société Vision 4 télévision avait déjà saisi le DGI pour contester la totalité des impositions mises à sa charge par le Cric 1. A ce moment, la dette fiscale réclamée à cette entreprise par la représentation régionale de l’administration fiscale était d’un peu plus de 11 milliards de francs. Le redressement fiscal opéré sur cette entreprise concernait, selon les sources de Kalara, «le calcul de la TVA sur le chiffre d’affaires dissimulé, le rappel de la taxe spéciale sur le revenu, les charges non déductibles ainsi que l’acompte de 5,5%». Par lettre du 13 mai 2022, le DGI avait décidé de ramener à 10,881 milliards de francs, en principal et en pénalités, le paiement exigé à l’entreprise de M. Amougou Belinga. Le patron de l’administration fiscale a donc été surpris que les avocats de l’homme d’affaires le saisissent de nouveau par leur RGP.

De sources proches du dossier, M. Mopa Fatoing a invité Vision 4 Télévision à travers une lettre du 27 mai dernier, «à se conformer aux règles prévues en matière de contestation des impôts et taxes telles que définies par les articles L119 et suivants du Code général des impôts». Selon les dispositions légales visées, le RPG en matière fiscale est plutôt adressé au ministre chargé des Finances, sous réserve de certaines conditions, notamment le paiement de 15% des impôts contestés (soit 1,632 milliards de francs) par l’auteur de la réclamation. Ayant reçu entre-temps une mise en demeure du TA de Yaoundé pour réagir à la requête visant à geler le paiement des 10,8 milliards de francs, le DGI s’y est conformé, en faisant déposer, depuis le 1er juin 2022, le «mémoire en défense de l’administration» au greffe de la juridiction administrative de Yaoundé.

En répondant à Kalara dans un entretien publié dans la dernière édition, M. Ateck A Djam, expert en contentieux fiscal, s’était prononcé sur la démarche des conseils de Vision 4 : «les auteurs de la nouvelle saisine du DGI en contestation de sa décision de rejet partiel de la réclamation portant sur les impositions émises par le Cric 1, disait-il, ont manifesté une profonde méconnaissance de la procédure fiscale contentieuse qui est prévue dans le LPF du CGI. Ils ont apparemment cru se fonder sur l’article 17 de la loi N°2006/022 du 29 décembre 2006 fixant l’organisation et le fonctionnement des tribunaux administratifs […]. Seulement, les dispositions de cette loi ne sont valables que pour le contentieux administratif de droit commun et ne s’appliquent pas à la matière fiscale en vertu des maximes latines qui énoncent que « speciala generalibus derogant » et « generalia specialibus non derogant »».

Sursis informatique

M. Ateck A Djam ajoutait que l’intervention du juge administratif, ou même du ministre des Finances, n’était pas requise pour qu’un contribuable obtienne un sursis de paiement des impositions contestées. Il suffit pour ça, rappelait-il de respecter l’article L121 du Livre des procédures fiscales : «(1) le contribuable qui conteste le bien-fondé ou le montant d’une imposition mise à sa charge, peut obtenir le sursis de paiement administratif de la partie contestée desdites impositions durant le délai imparti pour l’examen de sa réclamation contentieuse, dans les conditions ci-après : (c) Réclamation devant le ministre des Finances : fournir les références de la réclamation contentieuse ; fournir les références du paiement de la partie non contestée des impositions ; fournir les références du paiement de 15% de la partie contestée visée à l’article L 119 ci-dessus ; ne pas avoir d’arriérés fiscaux autres que ceux contestés ; ne pas faire l’objet de poursuites pénales pour fraude fiscale. (2) Lorsque les conditions ci-dessus sont réunies, le sursis de paiement administratif est délivré de façon informatisée en ligne selon les modalités précisées par voie réglementaire.»

Les conseils de M. Amougou Belinga ignorent-ils toutes ces dispositions ? Il est peu probable. Ce qui est sûr, c’est que l’homme d’affaires ne remplit pas les conditions édictées pour bénéficier automatiquement du sursis de paiement prévu par la procédure fiscale. Non seulement il n’a pas payé le moindre franc depuis qu’il est notifié des impositions constatées par le Cric 1 après le contrôle effectué sur ses entreprises, mais il aurait proposé de ne verser que 350 millions de francs en tout, selon Mme Mvogo Emeline. Et selon l’article L121(1-c), qui traite des réclamations devant le juge administratif dans le cadre du contentieux fiscal, il est prévu, entre autres, un «paiement de 35% supplémentaire de la partie contestée» (soit 3,8 milliards de francs) par le contribuable. Donc, en saisissant le président du Tribunal administratif, l’homme d’affaires aurait dû déjà versé un peu plus de 5 milliards de francs dans les caisses de l’Etat. Il est curieux de savoir comment réagira le juge administratif en se prononçant sur la requête de M. Amougou Belinga.

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